60. Entre deux mondes

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Je ne peux décidément pas me permettre de faire demi-tour. Où est-ce quenous allons aller si nous sortons d'ici ? Nous passerons par la porte d'entrée ? Sûrement pas. Et il n'est pas question d'abandonner si près du but. Je continue d'avancer jusqu'à l'ascenseur et appuie sur le bouton pour l'appeler. Il est notre seul moyen d'avancer.

—Qu'est-ce que tu fais ?

Thomas s'avance vers moi et dévisage l'ascenseur comme si c'était une porte qui menait aux Enfers.

—Je réfléchis. Je suis certaine que Jonathan est caché ici, alors s'il n'est pas là, c'est qu'il doit y avoir un autre endroit comme celui-ci.

—Mais tu disais qu'ils l'avaient enfermé au sous-sol ! s'exclame le brun alors qu'il n'arrive pas à comprendre.

Un son aigu retentit et les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur une cage vide. J'inspire un bon coup, expire, puis fait un dernier pas pour entrer.

—Je sais exactement ce que j'ai dit.

Thomas me suit tandis que je regarde avec attention les boutons de l'ascenseur. Il y en a tellement que cela me donne le tournis. Il n'y a pas moins de trente étages, plus quelques boutons qui indiquent des parkings et des sous-sols. Plus je descends, et plus ces boutons m'intéressent. Mais ce qui attire le plus mon attention, c'est un interrupteur rouge qui se trouve en toute dernière place, en-dessous du dernier sous-étage. Il me fait penser à celui que l'on active pour arrêter l'ascenseur. Seulement, celui-ci est déjà présent plus haut. Il doit bien servir à quelque chose, et je soupçonne très bien à quoi. J'appuie dessus et les portes de l'ascenseur se referment. Alors que j'attends que la machine bouge pendant deux secondes qui me paraissent deux heures, je sens que nous commençons à nous diriger tout doucement vers le bas. J'avais donc bien raison. Nous n'étions pas au plus bas. Et le manque d'escaliers menant à un endroit comme celui vers lequel nous allons n'est pas anodin. Seul cet ascenseur peut nous y conduire.

Je replace mon sac à dos sur mon épaule et fixe les portes en métal. Je savais que nous nous approchions du but, et je le sens d'autant plus maintenant. Lorsque l'ascenseur s'immobilise, je retiens presque mon souffle. Je sens que Thomas n'est pas spécialement détendu non plus de son côté. Mais lorsque les portes s'ouvrent, je ne peux plus échapper l'air de mes poumons. Je reste scotchée sur ce que je vois sans pouvoir sortir ne serait-ce qu'un seul mot. Alors ça, si on m'avait dit un jour que je tomberai là-dessus, je ne l'aurai pas cru. 

Les portes se sont bien ouvertes, oui, mais nous sommes tout de même coincés dans l'ascenseur. Alors que je m'attendais à voir un couloir ou une pièce, il n'y a qu'un mur face à nous. Ou plutôt une porte. Elle ne contient aucune poignée et est faite d'une matière que je ne reconnais pas. Et au milieu de celle-ci, se trouve une serrure. Lorsque je retrouve un esprit assez vif pour pouvoir réfléchir et agir, je me précipite sur les boutons de l'ascenseur et appuie sur le niveau moins un. La machine ne bouge pas et les portes restent ouvertes. C'est bien ce que je craignais. Nous sommes bloqués. Thomas me pousse légèrement et appuie sur tous les boutons les uns après les autres, sans succès. Qu'est-ce que ça veut dire ?

—Donne-moi la clef que tu as utilisé tout à l'heure, me demande Thomas en fixant la serrure.

Je cherche dans mon sac et la lui tends. Il l'attrape avant d'ajouter.

—Si on ne peut pas remonter, il n'y a qu'un seul moyen de sortir d'ici.

Je regarde à mon tour la serrure. Je me demande pourquoi je n'y avais pas pensé plus tôt. Il est clair qu'un endroit aussi étrange renferme quelque chose de louche.

Seulement, cela doit bien faire trois minutes que Thomas s'acharne sur la serrure et il n'arrive toujours pas à l'ouvrir. Pourtant, cette clef est faite pour qu'il n'y ait pas ce genre de problème. Je lui propose mon aide, ayant plus l'habitude, et en effet, quand j'essaye de l'ouvrir, je remarque que la clef ne s'adapte pas au trou de la serrure. Ce n'est pas normal. Il n'y a que les portes pensées pour éviter ce détail qui sont fabriquées comme cela. Fickelman a pensé à tout. Cet indice m'oblige à croire que nous sommes au bon endroit. Je ne vois pas ce qu'il pourrait y avoir d'autre ici pour qu'il prenne des mesures aussi drastiques. J'essaye pendant plus de cinq minutes mais rien à faire. Au bout du compte, j'explose et envoie valser la clef.

Affaire d'ÉtatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant