59. Dans le brouillard

564 51 15
                                    

Je m'écarte de lui sans un mot et essaye de faire comme s'il ne s'était rien passé. Je me penche pour attraper mon sac et en sors un élastique que je passe à mon poignet. Je remonte ensuite mes cheveux, toujours dos à Thomas, et me fais comme je le peux un chignon assez strict pour aller avec ma tenue. Au moins, mes cheveux n'éveilleront pas de soupçons si nous croisons d'autres personnes. Parce que si c'est pour porter les vêtements des autres, autant s'en servir pour se faire passer pour quelqu'un d'autre. Je me tourne vers Thomas avec un air tout à fait neutre. Je ne sais pas trop comment je dois me comporter, alors par instinct, je joue l'indifférente, comme j'en ai pris l'habitude, et cache absolument tous mes sentiments. J'ignore déjà de quelle nature ils sont. Je n'arrive pas vraiment à les identifier, c'est... étrange. Je ne trouve vraiment pas d'autre mot. Je n'ai pas l'impression de regretter ce que nous venons de faire, je ne sais pas si je serai prête à recommencer. Ou alors je le sais, mais je ne veux pas me l'avouer. Ce que je sais très bien en revanche c'est que si cela se reproduit, je ne pourrai pas l'arrêter.

Le regard que le brun porte sur moi est différent, toutefois. Il y a quelque chose dans ces yeux bleus qui a changé. Je le regarde et je sens très bien que je n'arrive pas à supporter ce regard très longtemps en gardant cet esprit froid. Alors pour essayer de penser à autre chose, je demande:

— La coupe, ça va ?

Il lève ses yeux sur mes cheveux sans bouger le reste de son corps. Cependant il se rapproche vite de moi quand quelque chose attire son attention :

— Tu as juste... un petit truc là...

Sur ces mots, il lève sa main et m'attrape une mèche de cheveux qu'il tire et défait de l'ensemble que je m'étais construit, la laissant retomber devant mon visage avec un petit sourire fier. Je plisse les yeux sans lâcher les siens.

— Je te déteste, dis-je rapidement sans vraiment le penser.

— Tu sais très bien que ce n'est pas vrai.

Il se retourne et s'éloigne toujours avec ce sourire qui m'énerve, et va prendre son sac pendant que je refais mon chignon. Nous récupérons nos affaires que nous fourgons dans les sacs comme nous pouvons, et quand nous réussissons à tout faire rentrer, nous pouvons reprendre notre route.

Les couloirs de ce sous-sol se ressemblent tous, et un silence pesant plane tout autour de nous. Je suis épuisée par tout ce que nous venons de vivre, et étonnée que nous tenions encore debout. En fait, je suis même étonnée que nous soyons toujours en vie, et en liberté. Nos pas sont assez lents pour le moment. Nous nous donnons le temps de récupérer au cas où d'autres personnes s'étant aventurées ici nous surprendraient. Cela fait environ dix minutes à peine que nous avons repris nos recherches et mes cheveux sont déjà à moitié secs, alors que ceux du brun le sont totalement. Il fait une chaleur à crever ici, et je ne sais plus quoi faire pour me rafraîchir. La douche froide que nous avons pris tout à l'heure est déjà un lointain souvenir, alors la fraîcheur qu'elle nous a apporté s'est elle aussi volatilisée. Je pense à retirer ma veste de blazer mais je me retiens, sachant qu'elle me permet un certain anonymat en complétant mon costume. Quand je baisse la tête vers celui-ci, je décide de déboutonner un bouton de mon chemisier, ce qui ne passe apparemment pas inaperçu. Je vois Thomas passer un rapide regard sur mon geste, sourire, puis regarder de nouveau face à lui.

— Tu espères quoi en faisant ça ? demande-t-il, amusé.

Je vois très bien le sous-entendu planer dans sa phrase et se poser comme un énorme bloc pour écraser le sens moral de cette question. Mais je ne rentre pas dans son jeu, sachant très bien ce qu'il s'est passé une dizaine de minutes plus tôt, et n'étant pas certaine de vouloir revenir dessus. Alors je réponds simplement :

Affaire d'ÉtatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant