38. Imprévu

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Comme nous l'espérions, les hommes de Stevens sont apparus dans la salle seulement une minute après mon message, guidés par Zoé et le GPS que contenait mon micro. Et Thomas et moi n'avons pas attendu une seconde pour nous échapper de la salle, comme deux adolescents normaux pendant une alerte incendie. Zoé nous guidait pour pouvoir sortir par une porte de secours. Je lui expliquais ma position tous les vingt mètres environ, et elle m'indiquait quand est-ce que je devais tourner, et dans quelle direction. Nous avons mis moins de deux minutes pour rejoindre la cour, et nous voilà maintenant au milieu des élèves. Normalement, les agents devraient passer par la porte d'entrée, à l'opposé de celle qui mène à la cour dans laquelle tous les adolescents s'entassent en ce moment. Donc ils ne se feront pas remarquer. Une fois que j'aurai récupéré mes affaires, je pourrai sortir définitivement, et tout ça sera bel et bien fini.

***

Cela fait deux jours que ma mission a pris fin, et j'ai passé la journée d'hier à faire le tri dans mes affaires, à classer une bonne fois pour toutes les infos de l'affaire Hale dans un carton avant de le stocker dans le débarras, à côté de ma chambre. Maintenant que tout est en ordre, je vais pouvoir repasser à mes bonnes vieilles habitudes et rechercher de nouvelles personnes à amener au commissariat. J'ai aussi eu des nouvelles le même jour, de la part de Zoé, qui me disait que j'étais désinscrite de l'établissement de Clinton Hill, afin qu'il n'y ait plus de problèmes avec ça. Je n'ai pas averti Jonathan de mon départ soudain, mais je suis sûre qu'il pourra s'en remettre très facilement. Quant à Thomas, je n'ai plus de nouvelles de lui depuis lundi, et j'ignore s'il termine son année ou s'il est retourné au bureau de la PPAE pour trouver une nouvelle mission.

C'est aujourd'hui que j'ai décidé de reprendre le boulot. Il ne faut absolument pas que je perde de temps pour me lancer, et j'espère surtout que personne n'a prit ma place. Auquel cas je me sentirai obligée de l'expédier au moins à Tombouctou. Je pars donc tôt ce matin pour avoir le temps de commencer les recherches dès maintenant. Sur la moto, la ville défile et je n'aperçois que brièvement ce qu'il y a autour de moi, me concentrant sur la route. C'est alors que j'aperçois le lycée. Il n'est pas sur la trajectoire pour aller au commissariat. Et c'est à ce moment-là que je me rends compte que je me suis complètement trompée de route. Comme quoi, cette affaire m'aura habitué à des choses que je ne soupçonnais pas. Je fais demi-tour et me dirige désormais vers ma vraie destination. Je ne tarde pas à voir certains uniformes bleus foncés et noirs et les voitures de services garées sur le parking devant la bâtiment. Je pose mon casque sur la moto, décernant une confiance aveugle aux officiers qui s'accordent leur pause cigarette, et je passe la porte d'entrée. Je trouve que les hommes en bleu sont plus dynamiques aujourd'hui. J'ignore ce qui se passe, et j'ignore où ils trouvent toute cette énergie, alors qu'ils sont habituellement morts de fatigue et fainéants au possible, mais je n'en tiens pas compte et passe ma route pour aller saluer Isa.

— Hey ! Comment tu vas ?

— Alice ! Dieu soit loué, tu vas bien ! Ça me fait plaisir de te voir.

Isa contourne son bureau d'accueil pour venir me serrer contre elle. Je passe mes mains sur son dos doucement, surprise et un peu gênée de cette accolade soudaine. Elle desserre vite son étreinte quand je lui fait remarquer qu'elle m'étouffe un tantinet, et retourne derrière son poste.

— Ça me fait plaisir, aussi.

— Je peux savoir pourquoi tu n'es pas venue plus souvent me voir ? demande-t-elle comme si elle me sermonnait.

— Isa... J'ai dix-huit ans maintenant, je sais ce que je fais. Et puis, j'avais du boulot de toute façon. Figure-toi que ce John Stevens travaillait pour une agence secrète qui s'occupe des affaires d'état importantes.

Affaire d'ÉtatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant