58. Un dernier souffle

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J'ai maintenant la tête complètement sous l'eau. J'ai pris assez d'oxygène pour tenir un petit moment, mais je ne tiendrai pas très longtemps non plus. J'ouvre les yeux et l'eau est assez claire pour que je distingue les formes qui y flottent. Je vois Thomas, en face de moi, un peu flouté mais je distingue tout de même son visage. Les secondes passent atrocement lentement. Et alors que je referme les yeux, des flashs apparaissent les uns après les autres. Ils sont rapides, cependant j'arrive à les voir assez distinctement. C'est d'abord l'image de ma mère qui apparaît devant moi, puis les mots de la lettre qu'elle m'a écrite. Continue de vivre. Les flashs se suivent un à un et c'est maintenant Thomas qui est là, devant moi, parfaitement sec et sur la terre ferme. Il me sourit et je ré-entends ces paroles qu'il m'a dite il n'y a pas si longtemps. Fais-toi confiance, tu es trop bornée pour que quelqu'un puisse te résister.

Je rouvre les yeux instantanément et regarde comme je le peux les menottes. Je ne m'en sortirai pas si je ne fais rien. Alors s'il y a bien une chose que je peux faire, c'est m'acharner. Je profite de l'eau qui m'entoure pour faire glisser mon poignet de l'anneau. Je perds beaucoup d'oxygène à faire tant d'effort, mais je le perdrai de toute manière. Je donne toutes mes forces en ce petit espoir qui traverse tout mon être, et je sens les articulations de ma main me faire souffrir. Tant pis si je me la brise, je serai en vie au moins. Je décide de profiter de l'apesanteur que m'apporte l'eau et m'aide de mes deux pieds afin de faire glisser l'anneau de fer. Quand je le sens glisser suffisamment, je mets le double d'effort et réussis enfin à m'en libérer. Ma main me fait mal, mais je suis enfin libre. Seulement, je n'ai plus d'air dans les poumons. Alors que je suis face à Thomas, je sens mon air manquer et mes poumons en réclamer. Je ne vais pas tarder à me noyer, et je ne peux rien faire d'autre que de regarder le brun, sans bouger. Mon ventre se contracte chaque fois que mes poumons appelle l'oxygène. Je sens que mes poumons vont me brûler quand je vois Thomas s'approcher de moi. Il passe sa main libre derrière ma tête et, sans que je ne fasse rien, m'attire à lui pour écraser ses lèvres sur les miennes. Je suis surprise par ce geste, et commence doucement à revivre quand je sens de l'air circuler dans mes poumons. Thomas m'a donné l'air qui lui restait pour que j'ai plus de temps. Je le sens doucement se décrocher de moi et n'arrive pas à faire un mouvement, sous le choc. Puis, après une seconde d'absence, je nage jusqu'à mon sac ou je récupère ma clef passe-partout et me dirige de la même façon vers la porte. J'ai du mal à voir la serrure et m'aide de l'autre main pour lier la clef et la serrure. Une fois fait, je tourne la clef dans tous les sens, paniquant légèrement à cause de mon nouveau manque d'air. Une fois la tactique trouvée, la porte s'ouvre et laisse s'échapper l'eau.

Le niveau du liquide descend rapidement et je peux enfin respirer normalement. Quand je me retrouve à terre, je prends un moment pour souffler et recracher le peu d'eau qui était entrée dans mes poumons. Et, reprenant conscience du monde qui m'entoure, je me retourne vers l'endroit où j'étais il y a quelques minutes à peine. J'aperçois Thomas, toujours pendu par le bras au tuyau. Ses pieds touchent le sol mais il ne semble pas conscient. Soyons clairs, il n'est pas conscient. Je me relève d'un bond, attrape la clef que je viens d'utiliser et me rue sur les menottes qui le maintiennent. En un clin d'œil, j'ouvre les anneaux de métal et essaye de le retenir comme je peux pour ne pas qu'il s'écroule au sol. Tout comme moi, il est trempé, mais ses yeux à lui sont fermés. Je l'allonge comme il faut sur le dos et essaye de voir ce qui ne va pas.

—Non, non, non... T'as pas intérêt à me faire ça, t'entends !

Je passe ma main sous son nez. Il ne respire plus. Je plaque ma tête contre son torse pour écouter les battements de son cœur. Je crois bien qu'ils sont là mais ne suis pas sûre si ce sont les siens ou les miens que j'entends, tellement mon cœur bat fort.

Je penche sa tête en arrière, lui bloque le nez, ouvre sa bouche et prends une grande inspiration avant de lui donner tout l'air que je peux. Je me relève pour observer s'il a une quelconque réaction mais ce n'est pas le cas. Je recommence donc et ponctue mon geste enjoignant mes mains et en appuyant trois fois sur son torse. Je recommence une fois, deux fois, mais rien n'y fait. Alors je pose ma main sur son front, et la descend dans ses cheveux. J'attrape une mèche et la tire légèrement en arrière, histoire de bien faire passer le message.

Affaire d'ÉtatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant