28. Les préparatifs

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Le dernier cours que nous avons avec M. Stelman est mortellement ennuyant. Heureusement que j'ai eu le réflexe de me mettre au dernier rang, parce que les visages de ceux qui écoutent juste devant lui reflètent simplement le dégoût. Avec son odeur corporelle mêlée à sa mauvaise haleine, l'avoir à supporter le matin, juste avant le déjeuner, n'ouvre pas forcément l'appétit. Comme je n'écoute absolument rien de ce qu'il raconte, j'ai commencé à établir les premières étapes du plan de ce soir. Il me manque certaines informations, bien sûr, qui me seront données par les élèves-organisateurs, mais quelques petites choses sont déjà en place.

Quand la cloche annonçant la fin des cours sonne comme un gong, je range mes fiches personnelles en vitesse dans mon sac avant de me lever de ma chaise. Sortie de la salle, je salue Jonathan et Thomas et leur dit que nous nous voyons vendredi, faute de bal, et faute de cours le lendemain.

Une fois la moto démarrée, je mets un temps fou pour trouver un coin où me poser. Je vagabonde dans les routes étroites de la ville. Je dépasse les voitures qui sont dans les embouteillages habituels de l'heure du déjeuner, mais cela ne me sert à rien puisque j'ignore totalement où aller. Je me cherche donc une place et termine mon chemin à pied, parmi les passants. C'est moi, cette fois, que l'on doit observer à travers la vitre d'une voiture. Je ne sais pas ce qu'on doit dire sur ma démarche, selon moi elle n'est ni trop lente, ni trop rapide, elle n'est pas assurée mais n'est pas pour autant sans énergie. Je me rangerai dans la catégorie « Autres ». Celle qui n'a aucune caractéristique qui se remarque d'un coup d'œil, celle qu'on oublie après l'avoir croisé dans la rue, celle qui n'attire aucun regard. Je rentre dans un pub qui a l'air de servir des menus assez rapides à manger, mais qui a tout de même un style chaleureux et accueillant.

Un air frais me fouette le visage à peine passée la porte. La température est redescendue par rapport à la trop forte chaleur qui règne dehors et qui étouffe. Plusieurs tables sont installées contre le mur, et deux divans font face à chacune d'entre elles, d'un côté et de l'autre. De l'autre côté de la pièce, un bar a été aménagé, et plusieurs tabourets fixés au sol le suivent sur toute sa longueur. Je m'avance dans le petit restaurant et aperçois, au fond de la pièce principale, quelqu'un que je connais très bien. Je ne sais pas ce qu'il fait ici, cela me surprends de le voir ainsi, seul devant la carte des plats. Il ne m'a pas vu alors que je m'approche de sa table. Je décide, sans lui demander l'autorisation, de m'asseoir en face de lui. J'observe ses faits et gestes quelques secondes et, m'apercevant qu'il ne m'a pas remarqué, me racle la gorge pour attirer son attention. Il baisse la carte d'un geste vif, et je peux enfin voir son visage surpris. J'esquisse un léger sourire, et tends la main vers lui :

- On fait la paix ?

Je vois qu'il hésite, et son manque de confiance en moi peut se sentir à des kilomètres à la ronde. Mais il finit tout de même par lier sa main à la mienne et à la serrer. Une fois cela fait, il retire sa veste, et j'ai l'impression qu'il l'inspecte sous tous ses angles.

- Tu peux me dire ce que tu fais ?

Une fois sa tâche terminée, il se place au bord du divan et place ses jambes sur le côté pour vérifier ses chaussures.

- Je me suis déjà fait avoir une fois, alors je vérifie que tu ne m'est rien posé cette fois, ni sur la veste, ni en tapant mon pied sous la table.

- Je ne t'ai même pas touché.

- On m'a appris à me méfier, finit-il en se replaçant correctement.

Lorsque le serveur arrive à notre table, je commande un plat à emporter et informe Thomas que je vais devoir me dépêcher si je veux avoir le temps de faire tout ce dont j'ai prévu pour aujourd'hui. Quand l'homme nous apporte nos commandes, je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche qu'il repart aussitôt pour aller servir une autre table. Alors je salue Thomas, lui dit que je l'informerai si besoin quand j'avancerai dans l'enquête, et repars après avoir posé quelques billets sur la table.

Affaire d'ÉtatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant