27. Cet inconnu

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Alors que je pensais qu'un lourd silence allait planer dans la salle, les deux hommes affichent de grands sourires. J'ai beaucoup de mal à comprendre ce qui se passe, je dois avouer. Est-ce qu'ils sont aussi sadiques l'un que l'autre ou ce n'est qu'une impression ? En y repensant, le fait de les mettre à terre sans le moindre tact me revient aussitôt, mais une main vient se poser sur mon épaule.

- Ne vous en faites pas, mademoiselle, me rassure le gérant, vous n'avez rien à payer.

- Quoi ?

On se fiche de moi, ou alors on se paye ma tête. Le jeune homme s'approche vers moi à son tour, toujours avec un sourire chaleureux plaqué au visage.

- Celui qui a réparé votre moto est quelqu'un qui ne travaille chez nous qu'à temps partiel. Il a fait du cas de cet engin une affaire personnelle et a insisté pour tout réparer à ses frais.

- Comment ça ? demandé-je une nouvelle fois, sceptique. Qui est-ce ?

- Il ne travaille pas aujourd'hui, mais je lui ferai part de vos remerciements, me répond le quarantenaire.

Le fait qu'une personne ait travaillé gratuitement sur la moto qui devait être dans un état misérable ne me rassure pas vraiment. Je ne vois pas pourquoi quelqu'un qui ne me connaît pas en ferait autant pour moi. Il faut que j'en sache plus, qui sait ce qu'il a pu mijoter sur le moteur ou je ne sais quoi.

- Est-ce que je peux au moins avoir son nom ?

Cette fois, un réel silence plane dans la salle froide. Le père et son fils se lancent un regard, puis ce premier jette un œil à Thomas et enfin à moi, avant de lâcher :

- Il a préféré rester anonyme. Mais nous le connaissons bien, nous lui faisons confiance.

Je reste interdite face à cette réponse. Avant d'arriver au garage, j'avais en tête que seulement deux options s'offraient à moi : la moto était réparée et j'étais dans le pétrin, ou alors elle ne l'était pas et je pouvais repartir en laissant un petit quelque chose pour avoir gardé l'engin. Et quand je me remémore ce qu'il s'est passé depuis notre arrivée, j'ai l'impression d'avoir affaire à une histoire improbable. J'ai découvert que ma moto avait été réparée, mais que cela ne me coûtait rien parce qu'un inconnu qui ne travaille même pas vingt-quatre heures sur vingt-quatre au garage a décidé de s'en occuper entièrement de manière gratuite.

- Très bien, finis-je par soupirer, ne sachant quoi dire. Je suppose que je dois signer un papier.

- Venez avec moi, m'indique le mécanicien.

Nous sortons de la pièce pour nous rendre dans un coin du garage où est installé un comptoir avec plusieurs papiers. Il me tend un formulaire avec simplement quelques cases à cocher, le type de véhicule que j'ai amené, et une signature en bas de page. Quand je relève la tête, le jeune homme m'envoie un sourire rassurant. Je lui rends le dossier auquel il jette un œil, ce qui ne fait qu'agrandir son sourire et montre deux fossettes.

- Enchanté Alice, je m'appelle Raphaël.

Il me tend sa main pour sceller notre échange, et après une seconde d'hésitation, je décide de la serrer. Lorsque je me retourne vers l'atelier, je vois le gérant du garage s'adresser à Thomas, une main sur son épaule. Je fronce les sourcils à cet échange. Ils donnent l'impression d'être proches, et lui a l'air de le rassurer. Thomas tourne la tête vers moi, et quand il s'aperçoit que je le regarde, fuit mes yeux et coupe la conversation. Sans attendre que je les rejoignent, ils sortent la moto de l'atelier et me l'apportent juste sous mon nez. Je les en remercie mais garde tout de même en tête l'échange que Thomas vient d'avoir avec cet homme qui m'est totalement inconnu.

Affaire d'ÉtatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant