Affaire d'État

62. Mauvais "After"

Je la regarde, inquiète. Mais qu'est-ce qu'elle fait ici ? Je la croyais dans l'Iowa avec ses parents ! Comment est-ce qu'elle a pu atterrir dans un endroit pareil ? Et surtout, depuis combien de temps est-ce qu'elle est ici ? Moi qui pensais avoir tout vu et tout compris, je ne m'attendais pas à la trouver, elle, ici. Thomas s'approche de nous, et quand il identifie qui est la fille assise sur la chaise, il prend son sac et en sort un couteau. Il commence à couper les liens qui la retiennent à la chaise tandis que je demande à Genny des explications quant à cette situation. Elle est assez faible, mais elle réussit tout de même à sortir quelques mots.

— Ils sont venus me chercher... à l'hôtel... commence-t-elle en soufflant.

J'ignore ce qu'ils lui ont fait pour la mettre dans cet état là, mais ils vont le payer très cher. Cette pensée m'oblige à la stopper dans ses explications. Je dois d'abord savoir ce qui lui est arrivé ici pour comprendre son état de santé, et l'aider à aller mieux si possible.

— Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? Est-ce qu'ils t'ont frappé ?

— Je m'en suis pris une ou deux au début... Ils ont dit que c'était nécessaire pour le convaincre... Mais à la fin ils m'ont surtout affamé.

De quoi elle parle ? Ils voulaient convaincre qui ? J'ai une folle envie de lui poser tout un tas de questions mais je me retiens et me concentre sur son état. Elle n'est vraiment pas bien. Son teint est pâle, ses yeux marqués par des cernes affreuses, et ses bras ballants sont dépourvus d'énergie. Il faut que nous fassions quelque chose pour elle. Seulement, je n'ai rien sur moi pour la nourrir, et Thomas ne semble pas en avoir non plus. Je cherche une solution quand Genny articule :

— Qu'est-ce que vous faites ici ? Comment vous m'avez retrouvé ? Et c'est quoi ces tenues que vous portez ?

— C'est un peu long à expliquer, alors tout ce que je peux te dire c'est qu'on n'est pas vraiment ceux que tu crois. Mais on va d'abord s'occuper de toi.

Je la fais s'allonger sur le sol pour qu'elle soit plus confortablement installée étant donné son manque redoutable de force, et je me relève pour m'avancer vers Thomas qui s'est mis à l'écart. Il a l'air de réfléchir, et j'en fais de même. Je ne sais pas ce qu'on va faire maintenant que nous savons que Genny a été enlevée elle aussi. Nous devons la sortir de là au plus vite avant que les gardes ne se réveillent, mais nous ne pouvons pas faire demi-tour et emprunter le même chemin qu'à l'aller. Nous pourrions rencontrer beaucoup trop de personnes, et ça nous prendrait beaucoup trop de temps. 

J'expose mes interrogations à Thomas qui semble réfléchir, les yeux dans le vide. Je tourne la tête vers Genny et m'aperçois que cette position ne la soulage pas plus que cela, alors je fouille dans mon sac pour trouver une chose quelconque qui pourrait l'aider. À ma plus grande surprise, il me reste un fond d'eau que je lui donne instantanément, gardant la bouteille à la main pour l'aider à boire plus facilement. Cela a l'air de lui faire du bien puisqu'elle souffle un long soupire et fais un sourire crispé. Je la laisse se reposer et rejoins de nouveau Thomas. Quand il me voit arriver, il tourne sa tête vers moi et chuchote pour que Genny n'entende pas :

— On ne peut pas faire demi-tour, ça c'est certain. Après, on ne peut pas non plus la prendre avec nous pour chercher Jonathan, ce sera trop difficile pour elle. Il est évidemment hors de question qu'on la laisse ici et qu'on revienne la chercher plus tard. Il ne reste plus qu'une solution : tu la sors d'ici et tu l'amènes à l'hôpital le plus vite possible. Vous n'aurez qu'à prendre ma voiture. Moi je vais continuer de chercher Jonathan, et quand je l'aurai trouvé, j'appellerai la police en utilisant le téléphone d'un des gardiens.

— Tu as dit qu'il ne fallait pas qu'on se sépare, répondis-je d'un ton plus que sérieux.

— Oublie ce que j'ai dit. On n'a plus le choix, Alice. Si on veut s'en sortir il va falloir prendre des options un peu plus risquées.