48. Voyage dans le temps

622 41 4
                                    

Absolument rien qui pourrait t'être utile...

Cette phrase tourne dans ma tête depuis un moment. Il ne pouvait pas faire plus vague que ça. Soit il sait quelque chose, soit il ne sait rien. Il n'y a pas de juste milieu. À peine arrivée à l'appartement, j'ai ouvert le frigo pour remarquer qu'aucune âme ne pouvant être mangée n'y vivait, alors je me suis commandé du chinois, la même chose que ce j'avais pris la fois dernière, avec Thomas. Et depuis, entre chaque bouchée, je repense à cette phrase. Absolument rien qui pourrait t'être utile. Soit il a une idée derrière la tête et dans ce cas il sait quelque chose qu'il ne veut pas me dire pour ne pas m'amener vers la vérité, soit il n'a rien derrière la tête et il a répondu ça simplement pour dire non.

Je vais me coucher plus tôt que d'habitude, aujourd'hui. Je sais que Thomas va se pointer ici demain matin, tôt, alors il faudra que je me lève presque à l'aurore. Le problème est qu'à vingt-deux heures, je me tourne et me retourne dans mon lit, à la recherche du sommeil. C'est la première fois depuis très longtemps que j'essaye de m'endormir à cette heure-ci. Mon acharnement pour le boulot veut que ce soit généralement vers une ou deux heures du matin. Du coup, je suis complètement décalée. Je me place sur le côté droit, face à la fenêtre qui donne sur la rue. Les stores sont ouverts, et la lumière orange du lampadaire traverse la vitre de la chambre pour l'éclairer. 

Je me lève d'un bond, ayant trouvé quelque chose à faire qui pourrait m'aider à dormir. J'attrape la ficelle pour abaisser les stores et jette un œil par la fenêtre. Une affiche placardée sur l'immeuble d'en face attire mon attention. C'est une publicité pour un site de voyages. Je suppose qu'ils commencent déjà à enregistrer des réservations pour cette été avec le slogan qu'ils ont inscrit : Voyage-été, partir en famille avec l'esprit léger. J'ai un sourire en coin en voyant ça. Qui est déjà parti en famille sans avoir le problème de l'organisation des bagages, sans se demander si il a oublié la peluche du garçon ou l'inhalateur de sa fille, sans se rendre compte après trois heures de voiture qu'il a oublié de couper le chauffage alors qu'il part pendant trois semaines ? Qui n'a jamais dû gérer les disputes entre frères et sœurs sur la banquette arrière de la voiture, alors que le petit troisième pleure dans son rehausseur parce qu'il a faim ou qu'il n'est pas propre ? Et d'ailleurs, qui n'a jamais entendu durant tout un voyage de la part des gamins, quel que soit l'âge : J'ai faim. J'ai sommeil. J'ai envie d'aller aux toilettes. C'est quand qu'on arrive ? Et qui n'a jamais repris son gosse sur cette même question en répliquant : On ne dit pas «c'est quand qu'on arrive» mais «quand est-ce qu'on arrive».

Il n'y a pas à dire. Pour quatre-vingt-dix-neuf pour cent des cas, les voyages en famille sont de vraies catastrophes.

Je finis par baisser les stores et reviens me coucher. Je n'arrête pas de bouger pour trouver une position pour dormir, et finalement, je crois que je finis par tomber d'épuisement.

***

Il fait beau aujourd'hui, pour notre départ. C'est presque dommage de se retrouver dans la voiture avec un temps pareil dehors, mais quand je nous imagine tous, arrivés à cette maison de vacances, je me dis que c'est un petit sacrifice pour des vacances prometteuses. Cela fait bientôt une heure que nous sommes partis, et comme nous commençons à nous ennuyer avec Matthias, nous décidons de commencer un jeu. Après mûre réflexion, nous optons pour un jeu de devinettes simple, où nous devons trouver quel personnage nous incarnons. J'ai choisi que Matthias incarnerait le rôle de Sacha, le personnage d'un dessin animé dont il est absolument fan, et qui ne sera donc pas trop difficile à trouver. Quant à moi, il faut que je pose ma première question.

Est-ce que je suis une fille ?

Non ! s'amuse-t-il.

Je lui fais de grand yeux, comme si je voulais me mettre en colère mais ça le fait encore plus rire. Je n'ai aucune autorité envers mon petit frère, c'est presque insultant.

Affaire d'ÉtatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant