61. En scène !

505 48 6
                                    

J'attends que l'homme soit dos à nous pour me positionner dans l'angle, puis j'inspire un coup et m'avance dans le couloir. Je regarde à ma droite, l'homme est toujours de dos. Je ferme les yeux un instant pour entrer dans le personnage, et mon visage est transformé lorsque je les rouvre. Je dégage une nouvelle atmosphère, je suis dans un autre rôle que le mien. J'arrange une dernière fois mon chemiser, m'appuie contre un mur et laisse apparaître un sourire en coin. Lorsque l'homme se retourne, il reste stoïque. Il se méfie d'abord, ne bouge pas, puis il s'avance doucement vers moi. Il passe devant l'ouverture qui mène au couloir dans lequel se trouve Thomas et vient me rejoindre de mon côté du couloir sombre. L'homme pose sa main sur son colt sans pour autant être menaçant, et finit par me demander :

—Qu'est-ce que vous faites ici ?

Je me décroche du mur et m'avance d'un pas doux vers lui, essayant d'être le plus aguicheuse possible en dépit des chaussures que je porte qui ne m'aident pas à marcher correctement. Je plante mon regard dans celui de l'homme qui commence à montrer un sourire de satisfaction. Exactement celui que j'attendais.

—On m'a envoyé... répondis-je d'une voix que je veux envoûtante.

Je me surprends moi-même dans mon personnage. J'ai dû le jouer plus souvent que dans mes souvenirs.

—Pour divertir quelqu'un de beaucoup trop occupé, continué-je sur le même ton.

L'homme retire sa main de la cross de son pistolet et un rire s'échappe de ses lèvres. Apparemment, il est content de me voir, et il est tombé pile dans mon piège. Maintenant il ne faut pas que je lâche ma prise, et il faut surtout que je continue à le distraire sans qu'il ne détourne son regard de moi. Pour l'instant, ça ne me paraît pas difficile. Il boit absolument toutes mes paroles. Je réduis de nouveau l'espace qu'il y a entre nous et lui offre mon plus beau regard aguicheur, avant de poser ma main sur sa joue. La chaleur de ma peau va le réconforter dans sa confiance et lui permettre de s'abandonner à lui-même, ce qui est pour moi tout bénef. Je vois du coin de l'œil Thomas qui commence à sortir de sa cachette et j'essaye de ne pas détourner mon regard de celui de l'homme. Il ne faut surtout pas que je brise ce lien où il reviendra sur terre pour se remettre à son travail. 

Il passe sa main sur mon bras et la laisse glisser doucement. Je déteste ce contact. Je ne vais jamais jusque là normalement. Mais il faut que je continue dans ma lancée pour rester crédible. Comme je continue de voir Thomas, je m'aperçois qu'il n'a pas du tout apprécié. Le brun continue de s'approcher de nous d'un pas tellement discret que si je ne le voyais pas, je serais certaine qu'il ne bouge pas. Il faut que je passe à la vitesse supérieure où on finira par se faire remarquer tous les deux.

Je penche mon visage à hauteur de l'oreille de l'homme et commence à lui souffler quelques mots qu'il doit probablement aimer. Mes yeux se détournent de son visage pour voir Thomas, face à moi, derrière cet homme. Il fronce les sourcils et me regarde d'un air mauvais. Puis il tourne ses yeux vers l'homme et le foudroie. Je sais ce qu'il doit ressentir, et je suis vraiment désolée pour lui, mais je n'ai pas vraiment le choix. Quand il disait qu'il n'allait pas apprécier, je ne pensais pas que ce serait à ce point. J'approche doucement mes mains de la ceinture du garde pour retirer le pistolet par la même occasion, continuant de lui murmurer des paroles à voix basse, mais il me stoppe en posant ses mains sur les miennes :

—Oh là ! Tout doux ! Je garde ça avec moi.

Je fulmine de l'intérieur et souris gentiment à l'extérieur. Pour envoyer la ceinture d'armes en direction de Thomas, c'est fichu. Il va falloir trouver une autre solution. Je n'en vois pas d'autre à moins que Thomas ne vienne le chercher de lui-même. J'attrape les mains du gardien à mon tour et les pose sur mes hanches, geste qui me demande une force inconsidérée pour ne pas l'envoyer balader. Maintenant que ses bras ne sont plus le long de son corps, Thomas a le champ libre pour prendre l'arme. Mais il faut qu'il se dépêche, parce que je ne tiendrai pas longtemps comme ça. Quoi que le brun n'a pas forcément envie de me voir comme ça beaucoup plus de temps non plus, alors ça va au moins le booster. En tout cas, je compte là-dessus, parce l'homme rapproche dangereusement son visage de mon cou que j'ai dégagé pour qu'il n'atteigne pas mon visage. Je sens son souffle chaud sur ma peau et ferme les yeux. Je ne veux rien voir de ce qui va se passe et prie pour que Thomas ait la décence de faire quelque chose.

Affaire d'ÉtatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant