51. Tel père, tel fils

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C'est à mon tour de froncer les sourcils. Je ne comprends rien, comment se fait-il qu'il sache comment je m'appelle ? Comment est-ce qu'il peut me connaître ? Une main sur ma hanche, à la recherche de l'arme que j'avais caché sous mon manteau, je me méfie maintenant de lui. C'est impossible. Il ne peut pas savoir qui je suis. J'entends Thomas réagir à l'oreillette, tout aussi surpris que moi par le nom qui vient d'être évoqué.

— Alice, tu le connais ? Pourquoi est-ce que tu ne m'as rien dit ?

Si je le connaissais, je n'aurai pas manqué de le lui en faire part. Ce n'est pas une information qui j'aurais gardé secrète. Mais ce n'est pas le cas. Je ne l'avais jamais vu jusqu'à maintenant, et il est rare que j'oublie un visage. Je m'avance doucement vers l'homme tandis qu'il descend de son tabouret, me faisant face. Lui aussi a l'air sceptique. Qui de nous deux devrait l'être le plus ? C'est bien lui qui m'a appelé par mon prénom alors qu'il est censé ne pas le savoir ! Il faut que je tire ça au clair.

— Comment vous connaissez mon prénom ?

— Jonathan a dû vous dire que je ne passais pas beaucoup de temps avec lui, mais quand je le fais, je prends le temps d'écouter ce qu'il me raconte de sa vie. Et il m'a parlé de vous. Qu'est-ce que vous faites ici ?

— Comment est-ce que vous m'avez reconnu ? continué-je mon interrogatoire sans répondre à sa question.

Je ne lui fais pas encore confiance. Il faut que je sois certaine de ce qu'il avance. Quand je me rends compte de la situation, je me sens légèrement mal. Si je me mets à me méfier de ceux que je protège et pour qui je travaille, je ne vais plus m'en sortir.

— Il m'a montré une photo de vous et lui avec deux autres de vos amis.

Je me souviens de cette photo. Je l'avais vu le jour où j'étais allée chez Jonathan parce qu'il avait « disparu ». Elle était posée sur une étagère, entre plusieurs de ses congénères, et Jonathan m'avait surprise, la regardant. Je me rappelle de ce jour comme si c'était hier. Mes épaules se relâchent à cette explication, et je m'approche un peu plus de Georges Hale pour entamer la conversation, mais il reprend sa précédente interrogation avant que je ne puisse ouvrir la bouche.

— Comment se fait-il que vous ayez atterri ici ? Vous êtes au courant de ce qui est arrivé à Jonathan ?

Je souffle un coup et lui demande d'aller s'asseoir sur le canapé tandis que je m'installe sur un fauteuil en face de lui.

— Écoutez, M. Hale...

— Georges, me coupe-t-il. Tous les amis de Jonathan m'appellent par mon prénom.

C'est une manie dans leur famille cette manière de couper les gens pour leur demander des familiarités. Mais, les coudes sur les genoux, j'affiche un air sérieux et plutôt grave. Je préfère le lever de ce mensonge maintenant, ce n'est pas la peine qu'il croit à toute cette mascarade bien longtemps.

— M. Hale, insisté-je, je préfère rester professionnelle.

Je ne saurais expliquer le regard qu'il porte en ce moment sur ma personne. Il ne comprend pas ce que je veux dire. Ou bien il comprend mais ne veut pas vraiment y croire. Je passe mes mains sur mon visage pour me lancer. J'ai l'impression que je dois avouer toute la vérité à Jonathan, de but en blanc, et le visage de l'homme, tellement ressemblant, ne m'aide pas beaucoup à penser que ce n'est que son père qui est en face de moi.

— Je suis un agent de contre-espionnage qui a été engagée par l'agence qui vous protège à présent, pour surveiller votre fils pendant plusieurs semaines et trouver une homme qui en voudrait à sa vie. J'ai terminé ma mission après l'arrestation de Walter Wood Van Del dont vous avez dû entendre parler.

Affaire d'ÉtatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant