54. Mélange épicé

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Stevens est face à nous, toujours vêtu du même uniforme costard qu'il porte habituellement. Je me demande comment il fait pour travailler dans ce genre de tenue. Mais ce n'est pas sur ça que je m'attarde pour le moment. Je me demande surtout ce qu'il va faire de nous. C'est un représentant de la loi et nous sommes illégalement, si c'est nécessaire de le préciser, sur une propriété privée. De plus, nous avons la chance qu'il nous connaisse et sache exactement ce que nous avons fait à l'agence et ce que nous faisons ici. Et cerise sur le gâteau, Thomas ne travaille plus chez eux. Autrement dit, il a toutes les raisons de nous arrêter, et avec les agents, que je doute expérimentés, qui l'accompagnent, il sera difficile pour nous de fuir.

— Stevens, finis-je par lâcher. Bizarrement, je n'étais pas vraiment enthousiaste à l'idée de vous revoir un jour.

— Mademoiselle Menson, toujours aussi pleine de cynisme. Je ne sais pas ce que je vais faire de vous.

— Eh bien dites-le nous rapidement, parce qu'on n'a pas que ça à faire.

Thomas a pris la parole sur un ton sec et arrogant. Il se fiche éperdument du respect qu'il devrait avoir envers son ancien patron, et veut simplement en venir à la partie sérieuse. Comme je le comprends.

— Je devrais vous faire arrêter pour ce que vous avez fait, et vous vous retrouveriez enfermés pendant un moment avec une belle amende sur le dos. De quoi vous faire apprendre la leçon et vous retenir assez longtemps pour que vous ne reveniez jamais mettre les pieds sur cette affaire.

Je serre les dents en ayant cette image de Thomas et moi, chacun dans une cellule derrière les barreaux, à faire les cent pas en attendant que les ravisseurs de Jonathan soient retrouvés  et arrêtés à leur tour. Cette image m'est insupportable.

— Mais... ajoute-t-il après un court instant pendant lequel Thomas et moi faillîmes dire quelque chose. Ça ne ferait que me retarder dans notre enquête et il est hors de question que je prenne du retard et que je mette la vie de Jonathan Hale en danger simplement parce ce que vous avez commis quelques délits.

— Pour une fois que vous réfléchissez, ne peut s'empêcher de rétorquer Thomas.

Stevens braque son regard vers le brun qui l'appuie sans sourciller. Il n'a pas apprécié, c'est certain. Et je dois pincer mes lèvres pour ne pas sourire après cette remarque cinglante et la réaction de Stevens. Thomas, lui, ne sourit pas, et se contente de soutenir le regard de Stevens, l'air totalement neutre mais non sans une pointe de moquerie. Avec ses mains croisées derrière le dos, son attitude est un parfait mélange entre l'arrogance et le sarcasme.

— Je vais tenter d'oublier cette remarque et vais plutôt vous proposer un marché.

— On vous écoute, fis-je sans bouger, tentant de ne pas montrer mon impatience face à sa démarche.

Stevens nous regarde tour à tour avant de se lancer :

— Vous allez nous remettre tous vos gadgets, ainsi que les armes que vous avez obtenu grâce à la PPAE, et vous n'allez plus vous approcher de l'enquête. Si un de mes agents ou moi-même vous revoyons dans un lieu comme celui-ci ou même à l'agence, si tenté que vous ayez l'audace de vous y présenter, nous vous arrêterons, vous enfermerons, et nous nous débrouillerons pour que vous ne ressortiez pas de vos cellules avant un moment. Je vous rappelle que nous savons à peu près tout de votre vie, même ce que vous essayez de cacher, et n'hésiterons pas à nous en servir pour vous nuire, n'est-ce pas Mademoiselle Menson ?

À ce dernier détail, j'envoie un regard noir à Stevens qui me renvoie un air sévère. Je sais parfaitement à quoi il fait allusion, et d'après le ton qu'il a employé, je suppose qu'il serait très capable de mettre ses menaces à jour. Et je ne peux pas prendre le risque qu'il le fasse ou ce sera la fin pour moi. Thomas ne semble pas comprendre et me lance des regards interrogateurs que j'ignore, ne lâchant pas Stevens des yeux. Je le déteste.

Affaire d'ÉtatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant