Chapitre 1 - Partie 1

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Lou-Pepper

Je me redressai en posant les mains en bas du dos. C'était fastidieux comme travail. Surtout pour un résultat aussi mince.

C'était toujours comme ça quand une nouvelle zone était ouverte à la fouille. Sauf que si le gouvernement nous laissait y aller, c'était qu'il n'y avait plus rien d'intéressant à découvrir. Ce n'était pas comme s'ils aimaient nous voir gagner de l'argent sur les vieilleries du passé.

J'étais ce qu'on appelle chez moi, une fouilleuse. En gros, je fouillais parmi les ruines du passé, à la recherche d'objets que je pourrais revendre ou utiliser pour faire du trocs. Une fille doit bien savoir se débrouiller pour survivre. Surtout dans un monde comme le nôtre. Et ce n'était pas ici que j'allais pouvoir remplir mon assiette aujourd'hui.

Je fis glisser mon sac à dos devant moi pour vérifier ce que j'avais encore dedans. Ma gourde d'eau était encore pleine et j'avais plusieurs morceaux de viandes séchées. J'allais pouvoir m'éloigner sans craindre la soif ou la faim. Je ne m'inquiétais plus vraiment pour ce dernier d'ailleurs. Mon corps avait depuis longtemps appris à vivre avec très peu. Il faut dire que les rations étaient de plus en plus petites ces derniers mois. D'où la nécessité de fouiller.

Mon sac remit sur le dos, je m'éloignais. J'eus rapidement chaud. C'était le problème quand la couche d'ozone ne faisait plus tampon avec le soleil, la température montait très vite.

Mais là aussi, j'en avais l'habitude. Je parvenais à garder mon pantalon en toute circonstance. De nombreux de mes camarades les coupaient pour en faire de grossiers shorts. Mais quand on allait dans des lieux interdits comme moi, il fallait avoir les jambes suffisamment protégés pour ne pas craindre là où on s'allongeait.

J'atteignis finalement la limite. Un grillage faisait office de frontière. Techniquement, il était interdit de passer au travers. Seuls les travailleurs officiels de l'Etat le pouvait. Il paraîtrait qu'ils devaient sécuriser la zone avant de laisser les citoyens y mettre les pieds.

Personnellement, pour y avoir déjà mis les pieds, je n'ai jamais eu plus de problème que dans des ruines lambdas...

Je jetais un regard aux alentours pour vérifier qu'aucun soldat n'était dans le coin. Il semblait bien que non. J'avançais le long du grillage jusqu'à repérer un endroit où se trouvait un trou. Je l'avais fait moi-même il y a quelques mois. Si ce n'était pas la preuve que la limite n'était ni surveillée, ni entretenue... Je m'accroupis devant et fis glisser mon sac dedans. Maintenant, je n'avais plus qu'à y aller moi-même.

Vous comprenez l'utilité du pantalon, là ?

Et puis j'avais la chance, non négligeable, d'être petite. Si j'avais voulu séduire, je m'en serais surement plainte. Mais ce n'était pas du tout le cas. Donc au lieu de me morfondre de mon manque de seins, je m'en réjouissais ! Si j'avais eu un peu plus de poitrine, je n'aurais jamais pu passer. Et puis, les soutiens gorges étaient si difficiles à trouver de nos jours. D'ailleurs, c'était l'un des objets que je pouvais échanger à prix d'or !

Je marchais encore une bonne demi-heure avant d'atteindre les premières ruines.

Quand j'étais dans des endroits du genre, j'avais du mal à me dire qu'il n'y a pas si longtemps, tout ce que je voyais était des habitations. D'un autre côté, j'avais du mal à imaginer le ciel autrement que dans cette semi-éclipse éternel. Pourtant, on m'a déjà dit, qu'avant, la lune ne se voyait qu'au moment où la nuit allait tomber. Ou que quand on la voyait en journée c'était plutôt rare. Alors que l'ai toujours connue régnant sur le ciel et nous cachant une partie du soleil. Comment c'était arrivé ? Je n'en savais fichtrement rien.

Je savais surtout tout ce que cela avait engendré. La couche d'ozone qui continuait de s'effriter. La montée des eaux. Les inondations qui avaient ravagés la planète. Les maladies qui avaient continués à nous affaiblir. Les guerres et les bombardements. Aujourd'hui, nous vivions tous en communauté dans des petites villes. Si on pouvait vraiment appeler cela des villes. C'était plutôt des centres d'accueils.

Le gouvernement nous y fournit des vivres, des couvertures et un coin où dormir. Mais tout cela était tellement rationalisé que très vite un marché clandestin s'était créé. Et j'avais trouvé mon business à moi. Même si je devais cacher mes trouvailles des autres orphelins qui partageaient ma chambre.

J'étais arrivé devant une première bâtisse. Visiblement, il devait au moins y avoir un étage par le passé, mais il n'en restait plus que le rez de chaussée et une partie du premier. Je commençais par les débris qui se trouvait dans l'entrée. Je soulevais une lourde planche de bois. Le mot antiquité y avait été gravé. Était-ce la devanture d'une boutique ?

En tant que fouilleuse, je faisais mon possible pour en apprendre le plus possible sur la vie de l'Avant. Sinon, comment pourrais-je savoir à quoi pouvait bien servir certains objets ? J'avais déjà eu des soucis avec ce qui semblait être un appareil pour écouter de la musique. Malheureusement, je n'avais pas pu en faire grand chose. Comme tout le reste, l'électricité était rationné et personne n'était prêt à débourser pour un gadget qui allait continuer à lui couter cher. J'avais fini par réussir à l'échanger à Ettie contre deux bons ragoûts bien chaud. Ettie était une vieille folle qui aimait raconter qu'elle avait vécue durant l'Avant. Mais elle avait beau être bien vieille, elle ne l'était pas encore suffisamment pour ça. Personne ne l'était. Nous étions tous de la génération nés Après.

Je savais donc que dans l'Avant, des gens achetaient de vieux objets dans des boutiques juste pour décorer. Comme si la décoration avait un sens chez nous. Il y avait bien eu Cora qui avait collé un dessin que je lui avais ramené au dessus de son lit. Il représentait une fleur. Ettie nous avait dit que c'était plus exactement une rose. Mais Cora avait 8 ans. Les adultes n'avaient pas le temps pour ça. Mais elle avait commencé une mode que les plus jeunes des orphelins de notre chambre avait suivi. Depuis, je l'appelais d'ailleurs mon bouton de rose. Un surnom qu'elle aimait beaucoup.

Je pénétrais dans le magasin. Il y avait là un pêle-mêle sans nom. Entre les morceaux de murs et les meubles des étages supérieurs qui étaient tombés, il y avait de quoi faire. J'aurais peut-être un peu de chance en fin de compte.

Je passais près d'une heure à fouiller. Je trouvais des tas de choses intéressantes. Je regrettais d'ailleurs de n'avoir que mon sac à dos sur moi. Je cachais beaucoup d'objets dans l'espoir de revenir les prendre plus tard. Surtout, comble de la chance, j'avais des sous vêtements féminins ! Je m'étais même permise de prendre un petit quelque chose pour Cora. Les autres orphelins allaient certainement criés au favoritisme, et ils auraient raison.

Je m'apprêtais à sortir quand un dernier meuble attira mon attention. Il s'agissait d'un bureau, renversé sur le côté auquel il manquait un pied. M'accroupissant une nouvelle fois, j'ouvris le tiroir. Une multitude de papier, quelques crayons. Je les fourrais dans mon sac. Une fois n'est pas couture, tous les orphelins auraient quelque chose.

Puis sous les feuilles, je découvris un livre. Du moins ce qui me semblait en être un, parce que quand je l'ouvris, j'eus la surprise de ne voir que des feuilles blanches. Je le refermais pour mieux voir sa couverture.

Elle était tout simplement faite d'un cuir plutôt souple. Il n'y avait rien d'écrit dessus, ce qui ne m'aidais pas vraiment à savoir ce que c'était. Un cordon était fixé au milieu. Je compris alors que c'était pour en faire le tour et le fermer ainsi.

Je n'étais pas plus fixé sur sa fonction. Je le fourrais dans mon sac. Ettie saurait peut-être à quoi il servait. De toute manière, je devais aller la voir. J'avais deux cuillères en bois pour elle.

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