Chapitre 30 - Partie 2

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Sans preuve, Carl eut bien du mal à me croire. Même quand mes parents et Elias lui soutenaient qu'ils avaient bien vu le journal à l'œuvre. Mais nous avions le temps d'en parler encore et encore.

Ce fut même notre seule distraction. Un moyen pour ne pas penser à la faim. Les repas se font rares dans les oubliettes. Et quand ils arrivent, ce n'est jamais suffisant pour remplir nos estomacs vides. Un peu d'eau trouble et un morceau de pain constitue la seule chose que nous avons le droit de consommer.

Malgré tout, mon corps sait se rappeler à moi. J'ai dû utiliser ce satané pot plusieurs fois. A l'extrémité de ma toute petite cellule. Ce n'est pas assez pour ne pas sentir l'odeur. Personne ne vient le vider, bien entendu. Tout comme il est impossible de prendre une douche. Après le confort que nous avons connu à la communauté, la chute est douloureuse.

- C'est trop gros ton histoire, s'insurge Carl. C'est impossible. Quelqu'un devait te faire une blague. Ecrire dedans quand tu ne regardais pas.

Je soupire.

- On a vu les mots apparaitre sous nos yeux, réplique ma mère, lasse de répéter sans cesse la même chose.

- Ok, ok, vous devez avoir raison. Ce serait inquiétant si vous aviez eu une hallucination collective.

Personne ne lui répond. Il sait pertinemment que sa théorie ne tient pas la route. Nous restons silencieux, chacun perdu dans ses pensées. Même si cela ne dure pas longtemps. Il est court depuis le début de notre incarcération. Parler nous permets de ne pas sombrer.

- Vous imaginer ce que serait nos vies si la lune n'avait pas exploser ?  questionne Carl, intarissable.

- Nous aurions pu voir notre fille grandir, soupire mon père. 

Ma gorge se serre. M'abandonner reste leur plus grand regret.

- Je serais encore plus casse bonbon, m'exclamé-je pour détendre l'atmosphère. Imaginez un peu, sans autant de problème, j'aurais pu être une adolescente normal. Je serais sans doute devenue capricieuse, à me plaindre de l'école et à courir les garçons.

- Les garçons ? s'insurge Elias.

- Tu aurais eu beaucoup plus de concurrence, insisté-je.

Les éclats de rire de mes parents sonnent comme une douce mélodie à mes oreilles.

- J'aurais sûrement réussi à me trouver un boulot de bureau bien barbant, une jolie petite femme avec qui j'aurais eu un ou deux marmots, marmonne Carl. Ce serait la belle vie.

- Tu t'ennuirais, ajoute Lara.

- Bah, c'est mieux que d'être ici.

Aucun de nous ne le contredirais sur ce point.

Chacun continue à imaginer cette vie semblable à l'avant. Je reste silencieuse et pense à C.C. j'espère qu'elle va bien et qu'elle avance. Je ne suis pas sûre que nous puissions tous survivre encore longtemps.

Il est déjà incroyable que Costa nous ait laissé si longtemps ici. Sans venir nous terroriser. Il ne tardera pas à passer bientôt à l'action. Je me prépare mentalement pour la torture et les menaces. Tout ce qui pourra faire en sorte que mes parents  cèdent au moindre de ses caprices.

Je sais que je parviendrais à résister. Mais que va-t-il advenir de Carl et d'Elias ? Ce que je connais du commandant m'a montré qu'il aimait les mises en scène grandiloquente. Comme un tueur en série. Sans doute c'est qu'il serait si son sadisme n'était pas encouragé par les militaires.

Il va donc prendre son temps, pour les exécuter de façon à ce que personne n'oublie. Il commencera sans doute par Carl. Puis Elias.

Je serre les paupières pour empêcher les larmes de couler. je refuse de penser à tout ça.

- Bon sang C.C., marmonné-je entre mes dents.

- Lou ! Lou ! souffle subitement une voix.

Je cherche autour de moi, avant de comprendre qu'elle vient de cette minuscule fenêtre que je ne parviens pas à atteindre. Un visage apparait et mon coeur fait un bon.

- Cora ! Que fais-tu ici ??

- Avec d'autres, on s'est faufilé dans le campements pour essayer de vous faire sortir de là.

- C'est trop dangereux, m'alarmé-je !

Après la dernière fois, ils ont dû renforcer la sécurité.

- On sait. On pourra pas vous sortir de là, mais je peux au moins te donner ça.

Par l'ouverture, elle glisse alors mon sac.

- Mon bouton de rose ! Tu es géniale !

Lorsqu'une sangle pend, je me mets sur la pointe des pieds pour l'attraper et le tirer vers moi.

- Merci Cora. Maintenant files ! Avant qu'on ne t'attrape.

- Ne t'en fais pas, souffle-t-elle. Et rassure-toi, on ne lâche rien. On vous sortira de là.

Malheureusement, cela a plutôt l'effet inverse. S'ils l'attrapait ? L'angoisse me noue l'estomac. C.C. est véritablement ma dernière chance. Je m'assied sur ma couchette et me rue sur le journal, espérant qu'elle a avancé dans ses recherches. J'y découvre les derniers mots de ma correspondante. J'en ressors perturbée. Quelque chose ne colle pas... Dans les rapports que nous avons trouvé, c'est dans un appareil de mesure qu'était la puce défectueuse. Pas dans la fusée ! A moins que le bosse est falsifié bien plus de rapport que nous le pensons. Au fond du sac, je trouve les derniers papiers que nous avions sorti de la réserve. Ce que je lis ne me dit rien, mais peut-être que cela aidera C.C.. Je prend rapidement mon crayon pour lui répondre.

" C.C. 

Je vais essayer de faire court et rapide, je n'ai que peu de temps. Le commandant nous a trouvé et nous sommes actuellement au fin fond des oubliettes. Les papiers que je glisse dans le journal sont les derniers que je pourrais te donner.

La puce défectueuse est dans un appareil de mesure d'après ses rapports, pas coupler au moteur de la fusée. Tu es la seule à pouvoir démêler le vrai du faux à présent.

Mais fais vite ! Le commandant ne nous gardera pas longtemps enfermer. J'ai peur qu'il se contente d'exécuter ceux qui ne lui seront pas utile. Elias en haut de la liste.

Lou. "

Je glisse les feuilles à l'intérieur et referme le tout. Je range le journal dans le sac avant de le cacher sous ma paillasse. 

Ma jambe tressaute sous le coup de la nervosité. Discuter ne pourra plus me calmer maintenant.


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