Chapitre 35 - partie 2

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Jamais il a été aussi difficile de venir jusque-là. Aucun d'entre nous n'est véritablement en forme. Mais nous atteignons finalement l'usine. Elias, habitué à mon fonctionnement, me demande immédiatement où sont planqués les affaires. Il m'aide à sortir duvet et provisions. Malheureusement, je n'ai que deux sac de couchage. Pourquoi aurais-je prévu plus ? Je venais toujours seule en fouille. S'il y en a deux, c'est juste en cas de nuit extrêmement froide, comme ce soir.

- Je dormirais avec Elias et toi avec ta mère, annonce subitement Marcus.

Je ne peux retenir un rire qui ne plait pas du tout à mon père.

- Ah tu es sérieux ? reprends-je. Tu sais que durant toute notre fuite avant de vous retrouver, on était seuls, dans des endroits comme celui-ci. Alors c'est pas une nuit dans la même couverture qui va faire une différence.

Je me détourne pour sortir le réchaud de sa cachette. Dans ce vieil entrepôt, j'avais trouvé quelques boites de conserve à l'époque. J'en avais laissé deux de raviolis, puis emporté le reste pour les orphelins. Nous nous contenterons de ça.

- Quelqu'un pourrait allumer le feu ? demandé-je.

- Je suis déjà dessus,  m'annonce Elias.

Je le trouve dans un coin, en train de réunir des bouts de bois. 

- Pas trop gros, hein, il faut pas...

- Je sais, Lou, me coupe-t-il en se tournant vers moi. Il faut pas qu'il soit repérable. On peut l'allumer uniquement parce que cette usine n'a pas de fenêtre.

Je lui souris d'un air entendu et me tourne vers mes parents qui nous regarde avec étonnement.

- J'oublie toujours tout ce dont tu es capable, murmure Lara.

Elle pose alors une main sur l'épaule de mon père.

- Faut te faire à l'idée, Marcus. Notre bébé sait se débrouiller toute seule.

Il passe une main dans ses cheveux.

- Je vois ça...

- J'ai quand même besoin de toi pour un truc, le taquiné-je.

Je lui lance une boite, qu'il attrape au vol.

- Faut ouvrir ce truc. Essaie avec une pierre, j'ai déjà eu des résultats.

Ma mère rit avec moi et vient m'aider à installer les sac de couchage autour du feu qu'Elias est toujours en train d'allume.

***

L'estomac plus ou moins apaisé, je me sens déjà mieux. Pourtant aucun de nous ne semble disposé à dormir. Nous sommes tous les quatre assis contre le mur, nos couvertures sur nous.

- Ce sera quoi la prochaine étape ? interrogé-je.

- Rejoindre les autres, répond Marcus. Mais pour ça, on doit s'assurer que Costa ne nous suit pas.

- On peut continuer quelques jours dans les ruines, proposé-je. Aller de cachette en cachette. 

- Oui, ce sera le plus judicieux... Vous devriez dormir, ajoute-t-il. Je prends le premier quart.

- Je prendrais le deuxième, renchérit Elias.

Je me retrouve ainsi avec le dernier quart. Elias et moi nous blottissons sous le duvet, pendant que Marcus commence à faire des allers-retour partout. Je prends une profonde inspiration, profitant de cette liberté retrouvée. Tant qu'elle dure.

***

Mon sommeil est agité, ponctué de réveil intempestif. Ce qui réveille également Elias. Je m'excuse en chuchotant et il répond en me serrant contre lui. Apres tout ce temps à m'inquiéter pour lui sans le voir, ces étreintes sont la chose la plus rassurante au monde.
Mais très vite viens son tour de garde et là, je suis incapable de me rendormir. Je me tourne et retourne dans sac de couchage. Je finis par me lever et le rejoindre, emmitouflé dans le duvet . Il fronce les sourcils en me voyant.
— Tu ne dors pas ?
Je secoue la tête et m'assied près de lui. Je passe un pan de la couverture sur ses épaules et d'un bras, il m'attire contre lui, pour préserver la chaleur.
— Une part de moi a bien envie de te forcer à retourner te coucher, mais je sais aussi que tu es plus têtue qu'une bourrique.
Je ris doucement, pour ne pas reveiller mes parents.
— Tu me connais si bien...
Son bras se ressert autour de moi.
— Et puis, je dois bien l'avouer, murmure-t-il, je suis bien heureux de t'avoir auprès de moi.
Par la suite, nous restons silencieux, lui fixant l'horizon, moi somnolant contre son épaule.
— Merde, s'exclame-t-il en se redressant. Des lumières.
Je regarde dans la direction qu'il pointe. Je me fige en voyant plusieurs points lumineux qui ressemblent a des phares.
Elias s'est déjà levé et se dirige vers le feu.
— Lara! Marcus! Il faur vous lever !
Du talon de sa botte, il écrase le peu de flamme qui reste. Je rejoins tout le monde. Mes parents sont debout, l'œil vif malgré le peu de sommeil.
— Comment ont-ils pu nous trouver si vite ? demande ma mère.
— Nous sommes trop fatigué, repond mon père. Nous n'avons pas dû suffisemment caché nos traces.
J'échange un regard vers Elias. Il acquiesce d'un signe de tête, comme toujours, il sait ce que j'ai en tête.
— Fuyez, leur intimé-je. Nous on va gagner du temps.
— Tu es complètement folle, s'ecrie mon père. Tu penses vraiment qu'on pourrait vous sacrifier.
Je soupire.
— Vous êtes le seul espoir de tant de monde. Vous devez vivre.
— Tu oublies C. C., argumente ma mère.
— Et si elle n'y arrivais pas ? ajoute Elias. Nous devons mettre toute les chances de notre côté. Et vous êtes notre seule chance.
J'attrape mon sac et le fourre dans les bras de ma mère.
— Gardez le journal ! Vous pourrez peut-être l'aider.
Ils ouvrent la bouche, prêt à protester. Je les coupe en leur donnant l'adresse de plusieurs de mes cachettes. Cela semble fonctionner, puisqu'ils baissent la tête.
Elias et moi les regardons partir. Me voilà de nouveau séparé d'eux, mais cette fois-ci, c'est moi qui l'ait voulu.

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