Chapitre 1

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Clara me regardait en silence depuis plusieurs minutes. Quelque chose semblait la perturber. Je levai les sourcils pour l'interroger et elle m'indiqua le dessus de ma lèvre supérieur en souriant.

-Dès que je bois du lait, j'en ai une, dis-je en désignant ma moustache blanche.

-Ce n'est pas de ma faute si tu manges comme une gamine de cinq ans, me rappela ma sœur en rangeant son sac.

Je lui jetai une serviette de table à la figure pour protester et mon père entra dans la cuisine. Il regarda sa montre en frottant sa barbe de trois jours. Son costume de banquier lui donnait un air grave mais il était très compréhensif avec nous.

-On pourra y aller quand vous aurez terminé de vous chamailler.

-Oui Papa, disions-nous en chœur.

Ma mère entra à son tour, vêtue de son tailleur noir habituel. Ses cheveux blonds coupés en un carré plongeant étaient parfaitement lissés, comme à son habitude. Elle ouvrit le placard et sortit le paquet de biscottes aux céréales complètes. Elle était gérante dans une bibliothèque et l'image qu'elle renvoyait semblait être sa préoccupation première.

-Il est peut-être l'heure de vous en aller, dit-elle d'un ton stricte.

-Toujours aussi aimable ma Marie, chuchota mon père à son oreille en déposant ses mains sur ses hanches.

-Toujours aussi sérieux, Monsieur Jean-Baptiste.

Ma sœur se racla la gorge et mes parents quittèrent leur rêverie.

-A ce soir, Madame.

Mon père déposa Clara à sa fac où elle étudiait la littérature. Elle rêvait de devenir écrivain et lisait toute la journée. Toujours rangée, toujours calme, c'était vraiment la petite fille modèle par excellence.

Je n'étais pas vraiment son opposé mais j'étais loin d'être sa copie conforme. Evidemment, j'avais de bonnes notes et mes parents étaient fiers de moi mais tout n'était qu'apparence. Mon père comptait sur moi pour gérer sa banque alors que je cherchais toujours un sens à ma vie. Je me sentais étouffée et oppressée dans un monde trop parfait et faux. Heureusement, ma meilleure amie Laura me permettait de m'évader. Elle était d'un milieu social inférieur au mien, ses parents travaillaient dans une entreprise qui fabriquait des matelas et elle fréquentait beaucoup de garçons plus âgés.

-Ta mère veut aller à un orchestre samedi soir. Ça ne te dérange pas de rester seule à la maison avec ta sœur ?

-Non, je sais me faire chauffer des pâtes. Je ne suis pas incapable à ce point.

-Tu te souviens de ton gâteau au chocolat ?

J'étais en cinquième et après avoir regardé Top Chef, je voulais jouer à la grande cuisinière étoilée. J'avais préparé un malheureux gâteau au chocolat que j'avais laissé cuire trois heures. Les voisins avaient aperçu de la fumée et avaient appelé les pompiers que j'ai accueillis, au passage, en pyjama rose.

-Non, je ne vois pas de quoi tu parles.

Il s'arrêta devant la grille du lycée et me souhaita une bonne journée. Laura m'attendait avec sa cigarette matinale dans la main droite. Elle me fit la bise en sautillant sur place.

-T'as eu mon message ?

-A l'instant, dis-je en sortant mon IPhone. Apparemment, t'as quelque chose à me dire.

-Oui, samedi, y a une putain de soirée. Faut qu'on y aille !

-Je sais pas si mes parents voudront. C'est chez qui ?

-Oh un mec de la fac. Je sais plus comment il s'appelle mais ça a l'air trop bien.

Mes parents seraient absents. Ils n'en sauraient rien. Je n'aurais qu'à inventer un prétexte et à m'éclipser.

-D'accord, je viendrais, mais c'est juste pour te faire plaisir.

Elle se remit à sautiller partout et me prit dans ses bras.

-Oh Agathe, je t'adore. Mon frère viendra nous chercher à 19h30, sois prête, acheva-t-elle en me faisant un petit clin d'oeil.

Liaison dangereuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant