Chapitre 6

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Je sortis enfin de la chambre et m'assis en face de mon père.
-Je suis désolé, j'ai eu un imprévu au boulot et j'ai oublié de te prévenir.
-Ce n'est pas grave, maman était là.
Il me sourit timidement pour essayer de briser la glace qui s'était répandue dans la cuisine. Ma mère ne parlait pas, elle portait toujours sur elle son air snob qui lui correspondait si bien.

Ma soeur, en parfaite fille bien élevée, remua le dîner et le servit.
-Nous avons révisé notre partition pour samedi avec Marie-Anne et Elizabeth. J'ai hâte que vous nous voyez.
-C'est merveilleux ma chérie, dit ma mère en l'enlaçant. Et toi Agathe, le piano ?
-Je m'améliore, mentais-je.

En réalité, il prenait la poussière et je n'en jouais plus depuis des semaines. Ma professeur me disait que jamais je ne serais prête pour samedi mais je m'en moquais.
-Tu pourrais peut-être nous jouer quelque chose.
-Je suis fatiguée maman.
-Allez, pour me faire plaisir, insista-t-elle.
-Une autre fois peut-être.
Mon père prit ma défense et ma mère s'énerva.
-Oh Jean-Baptiste arrête de toujours me contredire. Elle ne joue jamais, c'est une menteuse, sa professeur de musique m'a appelée dans l'après-midi. Pourquoi paie-t-on des cours à un fainéante ?
Je me levai brusquement en reposant mon verre que j'ai failli brisé.
-Pour toi évidemment, on doit toujours faire ce que toi tu aimes. Désolée mais je n'aime pas jouer du piano et je n'aimerai jamais ça !
-Agathe sur un autre ton.
-Qu'est-ce que tu me reproches au fond ? De ne pas avoir les mêmes goûts que toi. Je suis ta fille, pas ton double.
Sur ce, je me réfugiai de nouveau dans ma chambre. Je pris mon sac cabas et y j'étais quelques affaires.

Je ne supportais plus ma mère. Elle souhaitait tout contrôler, qu'il s'agisse de mes amis ou de ma tenue vestimentaire. Elle voulait nous façonner, ma soeur et moi, à son image. Deux petites filles de riches habillées comme des bourgeoises qui exerceraient évidemment une profession à la hauteur de leur grandeur.

Je n'étais pas du genre rebelle mais son comportement dépassait les bornes. J'en avais assez de jouer de la flûte ou du violon car cela fait bien de dire à tous ses amis riches : "Oh mes filles sont très intelligentes, elles pratiquent huit instruments différents et parlent 15 langues étrangères couramment."

La soirée de samedi ne m'avait pas seulement permis de faire la connaissance d'Evan ou de rencontrer le copain de Laura. Cette soirée m'avait ouvert les yeux sur ce qu'était la vraie vie. Qu'est-ce que c'était génial de se sentir libre et de pouvoir faire ce que bon me semblait sans devoir toujours jouer un rôle qui ne me correspondait pas.

Mes parents seraient déçus mais après tout, ma vie m'appartenait et je devais la vivre comme je l'entendais.

J'ouvris ma fenêtre et partis dans le noir. J'avais pensé à changer de chaussures et j'appelai Laura.
-Oui ?
-Je suis partie de chez moi, je n'y retournerai pas. Je peux dormir chez toi ?
Elle eut un moment d'hésitation et déclara :
-Je suis chez Gab. Il doit y avoir un bus qui y va près de la mairie. Tu peux nous rejoindre.
J'acquiesçai et raccrochai. Il me restait suffisamment d'argent sur ma carte et je pris le premier bus que je trouvai.

La musique dans mes oreilles me berçait et je voyais les immeubles luxueux s'éloigner de moi pour laisser place à ceux des banlieues.
Qu'étais-je en train de faire ? Fuguer la nuit et me retrouver dans des quartiers mal fréquentés, quelle idée absurde.

Le bus s'arrêta et je descendis, je devais être à cinq minutes à pied de chez Gabin. Je commençai à marcher et entendis des voix de jeunes qui m'interpelaient.
-Oh mademoiselle, tu vas où ?
Je les ignorai et l'un me toucha le bras.
- laisse-moi.
-Allez, viens avec nous, on est sympas.
-Je t'ai demandé de me lâcher !

Un autre garçon s'approcha et je n'arrivais​ pas à distinguer son visage à cause de l'obscurité.
-Agathe ?
Oh non, je reconnais cette voix.
-Evan, que...
-Toi qu'est-ce que tu fous ici ?
-Je vais voir Laura, elle est chez Gab.
-Ok, je t'accompagne, t'es folle de venir ici seule.

Il avait sûrement raison mais la seule chose qui me préoccupait était mon coeur qui tambourinait dans ma poitrine. J'étais tellement heureuse de le voir.

Liaison dangereuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant