Le souffle court, le cœur battant à m'en briser la cage thoracique, je courais, sans jamais m'arrêter malgré mes poumons qui ne laissaient même plus entrer l'air. Mes pieds nus, vivement écorchés me faisaient atrocement souffrir et courir dans cette forêt ne les ménageaient guère. Le bois sec m'irritait la voûte plantaire, les épines des sapins s'enfonçaient dans ma peau tandis que des branches fouettaient la totalité de mon corps.
« Laissez-moi, laissez-moi ! » Soufflais-je du bout de lèvre, la voix presque inaudible. Les larmes me montaient aux yeux, la fatigue était trop grande, je n'y tenais plus, bientôt, je tomberais et je serai fichu. Exécuté sans scrupules.
Mais alors que tout espoir semblait perdu, dans la nuit obscure, au milieu de nul par dans cette forêt qui semblait sans issue, là au loin, à encore quelques foulées, des flammes orange attiraient mon attention. Le regard flou à cause de mes yeux larmoyants, je comprenais tout de même qu'il s'agissait d'un feu de camp.
Je continuais d'avancer et distinguais à présent des ombres, des silhouettes d'hommes élancés, en espérant qu'il ne s'agisse pas de nouveaux ennemis, je tentais ma chance.
« Aidez-moi ! Aidez-moi ! » Hurlais-je afin qu'ils m'entendent, mes cris m'arrachaient la gorge qui était asséchée. Les hommes alors de plus en plus proches avaient redressé vivement la tête en ma direction. La lueur du feu mélangé à celle de la lune n'éclairait pas assez pour que je puisse distinguer leurs visages. Je n'arrivais pas à distinguer leur expression qui m'en aurait dit un peu plus long sur leur intention de ce qu'ils allaient bien faire de moi. Mais je continuais de courir, de toute façon si je m'arrêtais j'allais tout de même finir par mourir.
M'y voilà, j'y étais à présent à quelques mètres de ceux à qui j'avais demandé de l'aide. Dans leurs mains, de longues perches avec au bout, une lame taillée en pointe. Il y avait trois hommes, des étrangers à la peau bien plus sombre que la mienne, une tribu, oui c'était ça, une tribu de natifs américains, les Amérindiens, ou les Peaux-rouges comme on les appelait chez moi.
Lorsque j'étais arrivée devant eux, méfiants, ils pointaient leurs lances dans ma direction, je me stoppais net afin de ne pas finir empalée. Même à l'arrêt mes jambes continuaient d'être douloureuses, tous mes membres tremblaient de froid mais surtout de peur. Recroquevillée sur moi-même, les larmes perlant le long de mes joues, j'essayais d'affronter leurs regards foudroyants.
— Aidez-moi ... Articulais-je avec difficulté entre mes lèvres tremblantes. Je vous en supplie.
Je n'étais même pas sûre de savoir s'ils comprenaient ma langue, mais je réitérais mes supplications. Les hommes devant moi restaient impassibles, leur regard impénétrable ne me rassurait pas sur le sort qui m'attendait. Puis derrière moi, les branches craquaient de nouveau, les feuilles séchées sur le sol crépitaient puis des éclats de voix brisaient le silence pesant. Les voilà, ils étaient à mes trousses depuis si longtemps, j'essayais de les semer mais ils arrivaient maintenant à grands pas dans ma direction. Paniquée, je regardais par-dessus mon épaule pour voir à quelle distance ils pouvaient être. Déjà je distinguais les torches enflammées briser l'obscurité.
« Elle est là ! » S'écriait soudainement l'un des hommes qui m'avait repéré. A vrai dire, ma robe de nuit en tissu blanc n'avantageait pas à me fondre dans le décors même dans une nuit si noire.
Cinq hommes armés se retrouvaient maintenant alignés derrière moi, leurs fusils braquées en ma direction. L'un des soldats remarquait seulement après un instant la présence des trois natifs face à moi, il avançait d'un pas.
— Qui va là ? Demandait-il fermement son fusil sur l'épaule.
Les trois Autochtones ne montraient pas le moindre signe de vulnérabilité et se tenaient au contraire prêt à se battre s'il le fallait. Ils ne reculaient pas d'un pas face à la menace des armes à feu des soldats qui étaient bien plus redoutables que leurs lances.
A présent méfiant, le soldat qui s'était approché me saisissait durement par l'avant-bras, puis il reculait aussitôt de quelques pas. Son étreinte était si serré que cela laisserait des marques violacées sur ma peau déjà bien endommagée.
— Ne me faite pas de mal je vous en prie. Laissez-moi partir je ne reviendrais jamais ! Implorais-je en essayant de me détacher du militaire.
— Une traîtresse de ton genre ne mérite aucune clémence. Tu vas mourir sur-le-champ et ton corps sera exhibé afin d'illustrer ce qui arrive aux scélérats de ton genre.
Il me liait les mains derrière le dos et d'un coup de genou dans le tibia me faisait tomber sur les rotules. S'en était fini. Les larmes ruisselantes, je baissais la tête vers le sol ne voulant pas pour dernière vision les visages de ses hommes que je haïssais. Je voulais penser à mes parents ainsi qu'à mes deux sœurs que j'aimais tant.
— Messieurs, préparer vos armes.
La gorge serrée, j'entendais les hommes charger leurs mousquets, prêt à tirer, mon cœur s'emballait dans ma poitrine, j'avais envie de fuir mais je n'irai pas bien loin, j'étais cernée.
— A mon signal, tirez !
La détonation résonnait, je serrais la mâchoire, les sourcils froncés, prête à mourir. Et puis pendant un instant qui semblait interminable alors que le son des tires avaient disparu rien n'arriva. Pas la moindre sensation de brulure, pas le moindre fragment. Je ne m'étais jamais fait tirer dessus auparavant évidemment mais il semblait que les chose ne se soit finalement pas passé comme prévu.
Dans l'incompréhension, je relevais la tête. Les armes n'étaient dorénavant plus braquées sur moi. Les visages si enragés des soldats affichaient désormais une mine stupéfaite.
Soudain, je fus saisie sous l'épaule avant d'être soulevée pour me redresser sur mes pieds. L'un des natifs m'avait aidée avant de se poster devant moi. Je comprenais à cet instant que si la balle ne m'avait pas atteinte, c'est qu'à l'aide de sa lance, l'homme avait fait dévier le canon de l'arme avant qu'il ne soit trop tard. Du moins c'est ce que j'en déduisais.
Les Anglais, comprenant maintenant que je n'étais plus leur seul problème s'étaient mis à contre-attaquer. Mais dans leurs précipitations ils ne prenaient pas le temps de viser et tiraient à tout-va. Lorsqu'ils furent à court de poudre, les natifs reprirent le contrôle et avec habileté, sans hésiter un instant, ils enfonçaient leurs pointes tranchantes dans la chaire des soldats qui tombaient un à un au sol.
Lorsque tous furent mort, le plus grand des trois hommes s'approchait dangereusement de moi, il me saisissait fermement par le haut du bras en m'emmenait avec lui suivi des deux autres combattant.
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Omakiya (Aide moi)
Historical FictionEleanor était l'aînée de sa famille, née d'un père anglais et d'une mère française, l'union de ses parents n'avait d'ailleurs pas fait l'unanimité dans le petit village d'Angleterre où ils vivaient. Elle avait deux sœurs cadettes, Rose et Madeleine...