La forêt avait fini par s'estomper sur notre chemin , les fumées d'un village se dessinaient à l'horizon. Mon cœur se serrait à nouveau. Cette fois-ci, je savais que les choses allaient réellement change.
Nous étions descendus de notre monture, Chayton avait attaché son cheval à un arbre en lui notifiant que nous viendrions le chercher plus tard.
Nous étions rentrés dans un champ de maïs adjacent au village des natifs. L'hiver approchait, les champs étaient défraîchis. Il ne fallait pas que l'on remarque notre présence, Chayton devait être au front tandis que pour ma par, j'avais disparu depuis des jours et j'avais des devoirs auprès des français que je n'avais pas remplis.
Le temps était maussade, aussi triste que l'aspect du soi-disant village de natif limitrophe à celui du fort français. Il n'y avait que quelques femmes exténuées qui travaillaient chacune de leur côté. Aucun feu ne réchauffait l'atmosphère. Seul une fumée grisâtre d'un feu éteint sortait au sommet d'un tipi, eux qui d'ailleurs étaient si attrayants autrefois semblaient tristes et délavés.
Chayton s'était arrêté à la vue de ce triste spectacle. Je l'avais vu se tendre, ses épaules restaient crispées et son regard balayait l'ensemble de ce qu'il pouvait apercevoir. Je pouvais ressentir toute sa colère ainsi que sa tristesse. J'attrapais sa main avec douceur, il la serra aussitôt sans pour autant détacher son regard de l'horizon.
Lorsque nous foulions enfin les terres qui nous avaient été promises, quelque chose d'étrange se dégageait dans l'atmosphère. Il se passait quelque chose, quelque chose de grave? Et sans même une parole Chayton et moi l'avions compris.
Nous marchions d'un pas lent foulant les tristes terres pauvres en verdure qui nous entourait. Une femme sur notre chemin avait redressé la tête lorsque nous passions devant elle. Son visage était aussi maussade que le reste de ce qui nous entourait. Je n'arrivais pas à lire la moindre émotion sur ses traits fatigués, ou si peut-être de la peur mais je ne serais en être sûre.
C'est alors que notre chemin fut brusquement coupé par l'apparition de quelqu'un, mon cœur avait loupé un battement sous l'effet de surprise. Il s'agissait de Wakiza. Son expression d'abord méfiante avait vite tourné à l'étonnement. Il avait subitement lâché la béquille sur laquelle il prenait appui et s'était hâté en direction de Chayton à qui il donna une étreinte plus forte que jamais. " Tiblo (mon frère)" répétait-il à plusieurs reprises. L'émotion était forte entre les deux hommes qui pensaient sans doute ne jamais se revoir.
Après un instant, Wakiza avait lâché son ami et reculait d'un pas. Après avoir récupéré ses béquilles son visage changeait une nouvelle fois d'émotion, cette fois-ci il avait un air grave. Sans dire un mot il fit quelques pas avant d'ouvrir l'entrée d'un tipi et nous fit signe d'y entrer.
A l'intérieur il faisait une chaleur étouffante et l'ambiance y était étrange. Le chaman était allongé au milieu de fourrure et transpirait à grosse goute. Je m'étais dépêché de venir m'agenouiller près de lui et attrapais sa main.
— Wakanda que se passe-t-il ? Demandais-je avec beaucoup d'inquiétude.
Le chaman affichait un sourire, puis lorsqu'il remarquait Chayton à sa gauche il posait sa main libre sur la joue de celui-ci.
— J'ai toujours su que tu reviendrais.
Le vieil homme avait l'air faible, à bout de forces et prêt à partir d'un instant à l'autre. Malgré son état, il essayait tant bien que mal de se redresser afin de prendre un peu de contenance. Ses yeux à demi clos semblaient larmoyants. Il avait le cœur lourd. Dans un ultime effort, se remémorant sans doute les dernières semaines il annonça :
— Certains enfants ont oublié leurs langues, ils ont été baptiser et on dut changer de prénom, ils ont été forcés d'abandonner leurs identités et leurs cultures. Nous ne pouvons laisser faire les choses ainsi. Il faut partir, l'homme blanc a déjà décimé une grande partie de nos peuples. Trop on perdu la vie en essayant de se battre. Il faut essayer de reconstruire avant qu'il n'y ait plus rien. Il y a nos alliés par-delà les frontières, là-bas encore il y a de l'espoir. Il faut partir, vous êtes nos dernier espoirs d'avenir.
Le souffle du chaman devenait de plus en plus bruyant et ses poumons sifflaient de manière inquiétante. Je m'étais précipité là où étaient entreposé les herbes médicinales du vieux sage. J'assemblais plusieurs aromates dans un récipient que j'écrasais énergiquement avant de placer le tout en cataplasme sur une longue bande de tissu. Je me retournais en direction du chaman et m'apprêtais à déposer la mixture sur son torse mais avant que je n'ai eu le temps de faire quoi que ce soit, avec une force surprenante étant donné son état, il avait attrapé mon bras et me stoppa net.
— Il est temps pour moi de partir mon enfant.
L'homme fermait les yeux, et laissait sortir un dernier souffle sans plus inspiré après ça. C'était fini. Un son étouffé par les larmes m'échappait, mes forces semblaient me quitter. Pourquoi ? Pourquoi était-il mort ? Je ne pouvais me résoudra à l'accepter s'il m'avait laisser l'aider alors sans doute serait-il encore parmi nous.
— Je te reverrai. Parce qu'on est né pour se retrouver un jour dans le monde des esprits.
Avait lancé Chayton puis il était venu m'encercler et me serrait contre lui. Wakiza lui avait appliqué de la peinture rouge sur son visage ainsi que celui du défunt et prononcé quelques mots à peine perceptibles.
Après un moment, chacun avait repris sa place autour du corps sans vie du sage. Nos cœurs étaient lourds pourtant personne n'oubliaient les paroles du chaman.
— Quand partirons-nous vers le nord ? Demandait Andek en triturant la lame d'un couteau qu'il venait de sortir de son étui.
Une nouvelle rude aventure se présentait à nous? Nous allions devoir traverser le pays colonisé par l'ennemi sans se faire attraper en essayant de sauver la plus grande partie de notre peuple. Mais combien d'entre nous arriveraient à bout de ce périple ?
![](https://img.wattpad.com/cover/100152605-288-k254695.jpg)
VOUS LISEZ
Omakiya (Aide moi)
Historical FictionEleanor était l'aînée de sa famille, née d'un père anglais et d'une mère française, l'union de ses parents n'avait d'ailleurs pas fait l'unanimité dans le petit village d'Angleterre où ils vivaient. Elle avait deux sœurs cadettes, Rose et Madeleine...