Nous étions nous aussi reparti afin de distancer le groupe de colons pour ne pas croiser leur chemin. Sur le trajet, je m'étais arrêté afin de récolter quelques plantes qui seraient utiles au chaman.
— Il est de confiance ? Finissait par demander l'Amérindien, je savais que cette question lui brûlait les lèvres depuis que j'avais laissé Peter s'en aller.
— C'était mon ami, mon seul. Un garçon un peu naïf et faible, il ne ferait pas de mal à qui que ce soit mais fidèle avant tout et plutôt sincère. J'ai confiance. Assurais-je en me redressant.
Chayton me dévisageait un moment comme il avait l'habitude de le faire lorsqu'il analysait mes dires.
— Rentrons maintenant, j'ai des choses à finir.
J'acquiesçais non pas mécontente de retourner au village, nous avions marché un moment et je sentais la faim qui commençait à tirailler mon estomac.
— Est-ce qu'il reste du ragoût de la vieille ? Demandais-je en rejoignant le natif qui avait pris de l'avance.
Chayton semblait amusé par ma question et esquissait un sourire sans rien répondre.
À notre retour au village, le temps était grisonnant et la pluie menaçait de tomber à tout moment. Chayton et moi nous étions dirigé directement à la cahute où le chaman devait surement être à veiller sur Andek.
Alors que approchions de la bâtisse, le guérisseuse en sortait justement, mais celui-ci n'était pas seul. Appuyer sur son épaule, Andek était à ses côtés.
Chayton s'était précipité de prendre la relève du chaman et passait le bras de son acolyte par-dessus son épaule. Andek semblait tirailler par la fatigue et il ne se tenait que sur une jambe, l'autre était encore bien trop blessé.
— Ne devrait-il pas se reposer d'avantage ? M'inquiétais-je en m'approchant du chaman.
— Il est réveillé depuis plusieurs heures et semble être un peu plus stable, il a réclamé lui-même de se lever, changer un peu d'air lui fera le plus grand bien.
J'observais les deux Amérindiens discutés, Chayton semblait ravi d'avoir retrouvé son ami. Andek avait levé le visage vers le ciel, même si le temps était couvert, il se laissait imprégner par la lumière qui s'offrait à lui. Il avait passé tellement de temps endormie et enfermé qu'il était évident qu'il avait besoin de se ressourcer.
La nouvelle avait visiblement déjà traversé tout le petit village, des hommes et des femmes s'étaient rassemblés afin de s'assurer que c'était bien vrai, qu'il était debout et bien vivant. Le chef était finalement arrivé lui aussi, il tenait dans sa main droite une lance qui lui servait d'appui, les yeux mi-clos, le visage figé, il avançait sans dire un mot. Lorsqu'il fut face au blessé, il l'observait un moment avant de finalement venir l'enlacer en laissant un sourire étirer son visage.
— Tu t'es bien battu mon fils, te revoilà parmi nous. Annonçait le chef en s'écartant fièrement de son fils.
— J'ai eu une précieuse aide.
Andek avait relevé les yeux en ma direction en disant cela, j'avais cru l'histoire d'un instant qu'il regardait surement quelqu'un d'autre étant donné la foule qui s'était agglutiné, mais il m'avait finalement fait signe de le rejoindre. Avec intimidation je l'avais rejoint, il avait attrapé mon poignet et avait levé mon bras en l'air.
— Cette blanche m'a sauvé la vie, elle a fait preuve de courage et malgré les circonstances elle ne m'a pas laissé mourir. J'ai une dette éternelle envers elle et elle mérite de vivre sereinement et à part égal parmi les nôtres si son choix est ainsi !
Andek avait lancé ces paroles d'une voix forte afin qu'elle soit audible aux oreilles de tous. Les natifs étaient d'abord restés silencieux surement dubitatifs à l'idée que je fasse partie dès leurs puis ils avaient fini par acclamer chaleureusement le retour de leur guerrier.
— Mon fils, j'aurais aimé t'épargner des nouvelles dès ton réveil, mais il nous faut prendre des décisions importantes, notre avenir est bien de nouveau menacé. Je veux voir chacun de nos soldats rassemblé pour le conseil.
Aussitôt les ordres donnés, tout le monde était retourné à leurs tâches sauf les guerriers qui suivait le chef qui avait réclamé leur présence à ses côtés.
— Tu devrais retourner au tipi en attendant mon retour. Annonçait Chayton qui n'avait pas suivi les autres.
— Mais Andek viens de dire que ...
— La pluie va tomber, me coupait le natif, il ne sert à rien de rester ici.
Chayton avait alors tourné les talons afin de rejoindre les autres soldats.
— Qu'est-ce-qu'il se passe ? Osais-je finalement demander avant qu'il ne soit trop loin.
— Quand le chef demande un rassemblement de soldat ce qui en sort n'est jamais bon. Se contentait de répondre froidement l'Amérindien avant de filer pour de bon.
Je restais bêtement planté là alors que tout le monde était déjà parti. Était-il en colère ? Ou inquiet ? J'étais incapable de savoir ce qu'il pensait mais sa façon de s'adresser à moi avait soudainement changé, il s'était endurci et semblait plus tendu que jamais.
Une goutte d'eau était venue s'écraser sur le bout de mon nez me faisant sortir de mes pensées. Bientôt, la pluie s'était mise à tomber de façon abondante, je m'étais donc précipité jusqu'au tipi. Une fois à l'intérieur, j'avais jeté une couverture sur mes épaules et avais réanimé le feu. Assise près des flammes, je me laissais bercer par le bruit de la pluie qui s'abattait le long de la toile.
Je repensais alors aux paroles d'Andek ; je pouvais vivre paisiblement parmi eux. Je n'avais pas d'autre endroit où aller, je n'avais même pas pensé quitter le campement pour aller voir ailleurs. Cela me faisait réaliser que depuis des jours, je n'avais plus songé à mon avenir. Même si j'en étais consciente, je n'avais pas réalisé que plus jamais je ne pourrais vivre avec mon père, ni avec mes sœurs. Je n'avais jamais été envieuse de l'avenir qui était réservé aux femmes des colonies ; préparer les repas, s'occuper des enfants et prendre soin des hommes. Je détestais imaginer mon avenir cloître en colonie à devoir suivre les ordres tous plus stricts les uns que les autres. Et pourtant, à présent cela semblait idyllique, j'aurais eu ma famille à mes côtés, je n'arrivais même pas à réaliser que plus jamais je ne pourrais partager de bons moments en famille, jamais je ne pourrais m'approcher de mes sœurs sans courir de risque ou les mettre en danger, et peut-être que même jamais plus je les reverrais ...
Je sentais mon cœur ce resserrer dans ma poitrine à chaque fois que je réalisais un peu plus l'ampleur de mon acte. J'avais senti les larmes me monter aux yeux, prêtes à dévaler le long de mes joues, mais avant que cela n'est eut le temps d'arriver, Chayton était revenu et m'avait longuement regardé.
— Tout va bien ? Demandait-il en fronçant les sourcils.
Je relevais mes yeux vitreux en sa direction et prenais une longue inspiration pour retrouver mon calme. Je ne sais pas pendant combien de temps je m'étais perdu dans ma réflexion mais je me sentais encore assommé par tout cela et ne trouvais même pas les mots pour répondre au natif qui attendait toujours ma réponse.
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Omakiya (Aide moi)
Historical FictionEleanor était l'aînée de sa famille, née d'un père anglais et d'une mère française, l'union de ses parents n'avait d'ailleurs pas fait l'unanimité dans le petit village d'Angleterre où ils vivaient. Elle avait deux sœurs cadettes, Rose et Madeleine...