Chapitre 8 - Le fils du chef

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Au petit matin, j'avais ouvert les yeux de façon naturelle, sans y être forcé. Je m'asseyais sur le sol et venais m'étirer. Depuis bien trop longtemps maintenant je n'avais pas fait une aussi bonne nuit. Je me sentais requinquée, pour autant, mon moral n'était pas au meilleur de sa forme. Ma famille me manquait, ma vie d'avant aussi. Maintenant je vivais dans l'instant, incapable de savoir de quoi serait fait mon avenir, redoutant la mort au quotidien. 

Pour autant je n'allais pas me laisser abattre si facilement. Je m'étais levée afin de me rendre dehors, le soleil brillait, j'étais sortie immédiatement du tipi pour profiter des quelques rayons de l'astre qui n'apparaissait que rarement depuis quelque temps. La main en guise de visière au-dessus des yeux, après avoir jeté un bref coup d'œil au ciel bleu, je regardais devant moi et croisais les regards pleins de jugements des Amérindiennes qui ne semblaient pas beaucoup m'apprécier, aussitôt qu'elles eurent remarqué que je les regardais, elles retournaient à leurs tâches comme si de rien était.

J'avais décidé de me rendre à la rivière afin de me rafraîchir et de boire un peu. Je m'étais sentie vaciller un instant, sûrement le manque de nourriture, je n'avais pas avalé un bon repas depuis trop longtemps et je mourrais de faim. Je ne sais pas si j'avais réellement le droit de me déplacer à ma guise dans le campement, je ne savais plus ce que je faisais ici d'ailleurs mais je décidais tout de même de tenter une petite excursion afin de me désaltérer.

Ce fut un jeu d'enfant d'arriver jusqu'à la rivière, j'avais croisé plusieurs hommes, plusieurs guerriers mais aucun ne m'avait stoppé, il ne m'attribuait que des regards furtif voire m'ignoraient complètement. 

Lorsque j'avais regagné la rive, j'avais trempé mes orteils dans l'eau qui était à peine chaude, pour autant je n'hésitais pas une seconde et plongeais entièrement mes deux pieds. Un soupire de soulagement était sortie de ma bouche, cela faisait un bien fou à mes pieds encore si douloureux.

Après avoir profité de ce bref instant de bonheur, j'avais bu quelques gorgés d'eau puis je m'étais assise sur la rive, toujours les pieds ballant. Je profitais de ce moment, depuis des jours maintenant, c'était la première fois que je me sentais si libre. Le visage tendu vers le soleil, je me sentais ressourcée et espérais que cela dure encore longtemps. 

Un peu plus loin, j'entendais résonner des voix d'hommes portés par l'eau. Je regardais sur la droite, des pêcheurs s'apprêtant à partir à bord de leur canoë. Je remarquais Chayton sur la rive leur tendant le matériel qu'ils allaient emporter.

Soudain, je constatais que le natif avait remarqué ma présence, il restait un moment à me fixer ce qui m'avait mis extrêmement mal à l'aise. Je ne savais pas ce que je devais faire, m'enfuir rapidement avant qu'il ne m'attrape ou retourner au tipi comme si de rien était . Chayton n'était pas un homme aussi violent que Wakiza mais il suivait les ordres de son chef et n'hésiterait pas à obéir si le chef lui demandait de m'étriper, du moins c'est ce que j'imaginais.

Prise de panique, je m'étais égarée dans mes réflexions et  je n'avais même pas remarqué que Chayton n'était déjà plus là. Les canoës avaient pris le large mais le natif n'était pas à bord, je fronçais les sourcilles comme pour m'assurer d'avoir bien observé, mais cela ne changeait rien.

Pendant que j'observais les bateaux s'éloigner tout en me demandant où était passé l'Amérindien, j'avais soudainement senti un poids s'abattre sur mes jambes. J'avais lâché un râle de panique en bondissant en arrière. Une fois éloignée, j'observais ce qui venait de me tomber dessus.

Des chaussures ? M'étonnais-je en voyant la petite paire de mocassins qui gisait sur le sol. Je remarquais alors la présence de Chayton maintenant à mes côtés, un sourire moqueur inscrit au coin des lèvres. Je ne m'attardais pas davantage sur ses traits et prenais les chaussures entre mes mains, j'avais tout de même lancé un regard furtif au natif qui haussait les sourcilles à l'instant ou nos regards se croisaient. 

Enfile les idiotes ! M'était dis-je à moi-même. J'avais enfilé la paire de chaussures qui était juste à la bonne taille, elles étaient incroyablement confortables, je crois que je serais éternellement reconnaissante envers cet homme pour m'avoir fait parvenir cette paire de chaussures. 

Alors que je m'apprêtais à remercier l'Amérindien, je remarquais que cette fois-ci il me tendait autre chose. J'attrapais son offrande et fus encore une fois enchantée de remarquer un panier contenant quelques fruits. Sans perdre une seconde je croquais dans une pomme, sans doute la meilleure pomme que j'avais pu manger ma vie.

Tandis que j'avais tenté de remercier le natif une nouvelle fois, celui-ci commençait déjà à s'éloigner. Je m'étais relevée rapidement et lui courrait après jusqu'à être à ses côtés. 

    — Pourquoi est-ce que tu me donnes tout ça ? Demandais-je après quelques secondes de réflexion à peine sûre que poser cette question était une bonne idée. 

    — Tu n'es plus notre prisonnière. Tu es libre.

    — Libre ? Me répétais-je à moi-même en croquant dans ma pomme, perdu dans ma réflexion.

Je m'étais arrêté l'espace d'un instant en me répétant à plusieurs reprises le mot "libre". Comme si je venais enfin de réaliser le sens de ce mot je redressais la tête en direction de l'Amérindien qui était déjà loin. Je m'étais précipitée de le rejoindre.

    — Alors je suis plus prisonnière.

    — C'est bien ce que veut dire libre dans ta langue non ? Répondait Chayton en haussant les sourcils d'un air moqueurs

    — Et pour quelle raison ?

J'avais croqué une dernière fois dans la pomme avant d'atteindre le trognon, j'avais aussi remarqué que mes questions commençaient à peser au natif qui comme toujours, surement dû à son instinct de pisteur, regardait autour de lui.

    — Tu préférerais qu'on t'enferme de nouveau ? Lâchait-il en ne me portant pas le moindre regard.

    — Te fiche pas de moi, tu sais très bien de là où je veux en venir.

J'avais soudainement réalisé le ton que je venais de prendre, je lui avais parlé comme j'aurais pu m'adresser à l'une de mes sœurs ou bien à mes quelques rares amis. Je m'attendais à une réponse glaciale du natif ou bien même à ce qu'il fil sans plus m'adresser un mot. Mais rien de cela n'était arrivé, il s'était contenté de me répondre simplement :

    — Tu as sauvé le fils du chef de la mort.

Il avait juste dit cela avant de partir à grands pas, j'avais été incapable de le suivre. De toute façon je m'étais moi-même arrêtée de marcher. J'avais pris quelques secondes pour réfléchir. 

Andek ? Andek était le fils du chef ? Je me sentais confuse mais en même temps euphorique à l'idée d'être enfin libre et de ne plus craindre pour ma vie, enfin ne plus craindre les natifs qui ne voulaient plus se débarrasser de moi. J'avais senti un sourire idiot étirer mes lèvres, un poids s'était retiré de mes épaules et cela était d'un soulagement indéfinissable. 

Je remontais l'allée d'un pas joyeux tout en continuant de grignoter les quelques fruits qui me restaient. À mon plus grand déplaisir, je croisais la route de Wakiza qui en me voyant avec un sourire aux lèvres me dévisageait un moment de la tête aux pieds puis crachait à mes pieds.

    — Répugnant. Lançais-je avec plein de dégoût dans la voix.

Le natif semblait plus énervé que jamais lorsqu'il remarquait que j'avais répliqué à son acte, j'avais remarqué ses poings se serrer laissant apparaître des jointures blanches autour de ses doigts. Je regrettais immédiatement ce que je venais de dire. J'allais le payer. 

    — Wakiza ! Wakiza !

Une voix féminine avait interpellé plusieurs fois le prénom de l'Amérindien, c'était la fille d'hier soir. Il était aussitôt parti la rejoindre, c'était non sans soulagement que je le regardais s'éloigner jusqu'à disparaître dans un tipi.

Omakiya (Aide moi)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant