— Encore un geste et je le tue. Susurrait le soldat en enfonçant son arme sur la tempe de mon père.
Malgré la pression de la main de Chayton autour de mon poignet pour ne pas me lâcher, je m'étais quand même arraché de son emprise.
— Ne lui faite pas de mal je vous en pris. Implorais-je en levant les mains. Je ... Je me rends s'il le faut.
— Eleanor non ! Coupait Chayton en me rattrapant.
— Relâcher le colonel et nous pourrons discuter d'un possible arrangement. Répliquait le soldat toujours en maintenant mon père.
Je m'étais retourné pour croiser le regard de Chayton, ses yeux étaient sombres et sa mâchoire serrée lorsqu'il regardait le soldat.
— S'il te plaît, laissez le colonel repartir. Le suppliais-je les larmes aux yeux.
Chayton n'avait rien répondu. Je savais à quel point cela leur coûterait s'il devait le relâcher, avec ce qu'il leur avait fait subir, cet homme avait une grande valeur pour les natifs, mais ils connaissaient aussi l'importance de la famille.
Andek et Wakiza qui avait sans doute remarqué que nous n'arrivions pas étaient venus nous rejoindre. Ils avaient sorti leurs armes les plus tranchantes en les brandissant devant eux. Ils s'étaient arrêtés près de nous et faisaient désormais aussi face au soldat qui retenait mon père.
— Libérez le colonel ... Quémandais-je encore une fois.
Les natifs s'étaient regardés les uns et les autres, sans doute ne savaient-ils eux-mêmes ce qu'il devait faire de cet homme à qui il réservait un châtiment bien plus sombre que la liberté.
— Nous avons assez perdu de temps ! S'impatientait l'autre militaire. Relâchez-le ou dans les dix prochaines secondes, je l'exécute !
Il s'était alors mis à crier un décompte en partant de dix, les secondes étaient courtes et les amérindiens ne montrait toujours aucune réaction. La pression avait été si forte que je n'avais pas pu tenir plus longtemps et je m'étais précipité sur le colonel. Wakiza qui le tenait toujours par la corde qui lui liait les mains n'avait bizarrement montré aucune résistance et me laissait m'emparer de son prisonnier. J'eu le souffle coupé lorsque j'avais attrapé le colonel pour le traîner devant moi, cet homme me pétrifiais, mais je ne me démontais pas et avançais vers le soldat. Lorsque nous étions face à face à seulement quelques mètre les uns des autres, je détachais le foulard noué autour de la bouche du colonel.
— Si je libère le colonel, je veux que vous laissiez les natifs quitter le fort sans aucun encombre et que vous laissiez leur village en paix et je veux que mon père soit libre ! Ordonnais-je en essayant d'être le plus ferme possible mais les tremblements dans ma voix trahissait ma solidité.
— Allons, et moi qu'est-ce que j'y gagne ? Susurrait le colonel avec malice alors qu'il était encore entre mes mains.
— Nous vous laissons le droit de vivre, c'est déjà beaucoup plus que vous ne pouviez l'espérer. Répondais-je aussitôt avec haine.
Il avait soudainement réussi à se retourner face à moi avec force, il me regardait de nouveau de haut comme il le faisait si bien de son air détestable.
— Je laisse partir tes amis les sauvages, de toute façon, je finirais par les retrouver, mais ton père lui, ne s'en sortira pas.
— Alors vous non plus ! Menaçais-je en ressortant mon couteau de ma poche.
La lame sous la gorge du colonel lui avait fait relever la tête l'obligeant à détacher son regard.
— Je laisse la vie à ton père sur nos terres, mais le prix de sa liberté, c'est toi. Lançait-il.
À peine sur de comprendre, je l'avais observé sans rien dire.
— Tu ne repart pas avec les sauvages, tu deviens ma propriété et j'accepte toutes tes demandes.
Je me retrouvais sonné face à cette annonce. Que devais-je faire ? Cet homme m'effrayait, il allait se servir de moi et j'allais endurer d'atroces choses auxquelles je n'allais sans doute pas survivre. Mais en même temps, j'obtenais tout ce que je souhaitais ... Un flot d'images intense avait traversé mon esprit dans un laps de temps incroyablement court. J'avais imaginé mon père mourir ainsi que les villages indiens dévasté avec de nombreuses victimes, les seuls survivants seraient traqué, emprisonnés ou servirait comme des esclaves. C'était impossible, je ne pouvais pas laisser de telles horreurs se produire alors sans plus réfléchir, je déliais les mains du colonel.
— Ashaisha non ! S'était exclamé Andek non loin derrière.
J'entendais les natifs s'agiter sans doute prêt à se battre à nouveau, mais il était trop tard, ma décision était prise. Je m'étais approché du colonel et m'étais mis dos à lui. Il n'avait pas perdu une seconde pour m'attacher les mains puis ensuite m'agripper par le bras pour ne le laisser aucune chance de fuir.
— Maintenant déguerpissez ! Aboyait le colonel qui n'avait pas encore repris toute sa contenance.
Les natifs n'avaient bougé d'un pousse, dans la peine ombre de la nuit qui arriverait bientôt son terme, j'avais pu croiser le regard des trois hommes avec qui j'avais passé l'essentiel de mon temps dernièrement. Pour la première fois, ils avaient l'air troublés, pas certains de la bonne décision qu'ils pourraient prendre. Mon cœur se serrait dans ma poitrine à l'idée de ne plus jamais les revoir, j'avais vécu à leur côté l'histoire la plus folle de ma vie, mais aussi la plus incroyable et enrichissante. J'avais découvert un peuple méfiant d'abord puis ensuite le plus tolérant qui soit.
Perdu dans ce qui ne serrait bientôt plus que des souvenirs, le manque de patience du colonel m'avait fait revenir à la raison. Il soupirait bruyamment en tapant du pied montrant son mécontentement. Trop imprévisible, il ne valait mieux pas laisser traîner les choses face à cet homme.
— Partez maintenant. Annonçais-je à contre cœur. C'est ... C'est ici qu'est ma vie, je n'aurais jamais eu ma place parmi vous, nous étions trop différents de toutes façons. Je ... Je dois rester avec les miens ...
Les mots me brûlaient la gorge, je me détestais de dire de tels inepties rien de cela n'était sincère. Auprès d'eux, j'avais enfin trouvé ma place, ma liberté et la vie dont j'avais toujours eu besoin, mais leur dire n'aurait fait que les encourager à se battre pour que je puisse partir avec eux. C'était inconcevable et trop dangereux.
Après un dernier instant, les trois amérindiens avaient finalement tourné les talons pour s'en aller, mon cœur se serra encore plus fort. J'aurais voulu leur crier de rester, de m'attendre, mais ça aurait été égoïste de ma part. Avant de franchir la colline qui séparait le fort de toute liberté, je remarquais un loin la silhouette élancée de Chayton s'arrêter dans la monté. Même si dans la nuit, je n'y voyais rien, j'étais certaine qu'il lançait un regard dans ma direction. Sans doute un adieu, un regard encourageant ou bien un regard plein de haine ... La frustration de ne pas le savoir était l'une des pires que j'avais pu ressentir.
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Omakiya (Aide moi)
Historical FictionEleanor était l'aînée de sa famille, née d'un père anglais et d'une mère française, l'union de ses parents n'avait d'ailleurs pas fait l'unanimité dans le petit village d'Angleterre où ils vivaient. Elle avait deux sœurs cadettes, Rose et Madeleine...