Au petit matin, alors que le soleil se levait tout juste et que le brouillard recouvrait les pleines et les montagnes qui nous entouraient, Wakiza avait arraché sauvagement la fourrure qui m'avait aidé à me tenir au chaud durant cette nuit.
Sans perdre de temps, nous étions reparties, cette fois-ci, j'eus le droit de m'asseoir correctement en croupe. Voyager était tout de même plus confortable que de ballotter comme une vulgaire marchandise.
Nous traversions plusieurs pleines, des champs nus en cette saison encore trop froide pour que quoi que ce soit ne pousse. Puis, nous avions rejoint une épaisse forêt. Les hommes avaient décidé de quitter le chemin de terre pour empreinte les sentiers sauvages de la forêt. Le trio s'était séparé afin de brouiller les pistes. Le poids des chevaux laissait des empruntes de sabot dans la terre humide et les hommes ne voulaient prendre aucun risque afin de ne pas croiser de troupes ennemies.
— Où m'emmener vous ? Tentais-je d'interroger non sans crainte.
Je profitais de l'absence des autres pour essayer d'obtenir des réponses à la question qui me brulait les lèvres. Chayton avait jeté un coup d'œil par-dessus son épaule afin de me regarder, sûrement avait-il été étonné que je lui adresse la parole. Il m'observa pendant un instant avant de reporter toute son attention sur notre trajectoire au milieu de la végétation qui se voulait dense.
— Tu retournes chez toi.
Ma première réaction fut l'étonnement, contre toute attente, il m'avait répondu. Et puis je m'étais redressé brusquement en réalisant ce qu'il venait de dire.
— Mais je suis recherchée, je vais me faire exécuter ! Vous étiez là l'autre soir, vous savez ce qu'il adviendra de moi s'ils me retrouvent ! Trépignais-je en craignant déjà pour mon sort.
— Justement, tu dois avoir de la valeur. Répondait-il faisant abstraction de tous mes arguments.
— Quoi qu'il en soit, je vais mourir ... Murmurais-je ne sachant même plus quoi ressentir à cet instant la.
Je soupirais exaspérée par la situation. Après tout, à quoi bon vivre si c'était dans de tel conditions. J'avais perdu tout espoir de m'en sortir. Je ne voulais plus me battre de toute façon tout le monde semblait contre moi. Je ne pourrais plus retourner auprès de ma famille, le reste du monde était peuplé d'inconnues et tous étaient apparemment mes ennemies ... Je n'avais plus rien.
Sans même m'en apercevoir, dans ma réflexion, en plein désarroi, j'avais posé ma tête sur le dos du natif qui n'avait même pas essayé de me faire reculer. Malgré la situation chaotique une atmosphère calme et apaisante régnait, seul le chant des oiseaux venait briser le silence. Même si mon esprit était tourmenté, je somnolais, profitant de cet instant calme et de la chaleur corporelle du dos de l'amérindien qui était surement la dernière chose qui me faisait sentir encore un peu vivante.
Mais alors que mes paupières étaient devenu d'une extrême lourdeur, un coup de feu éclatait, les oiseaux avaient cessé de chanter et s'étaient brusquement envolés. Arraché de ma léthargie, la surprise m'avait fait pousser un cri. J'avais senti le dos de Chayton se redire lors de la détonation. N'y une n'y deux il donnait un coup de talon dans le flanc de son cheval qui partait aussitôt au galop.
Les chemins escarpés n'avantageaient pas la course de l'animal qui manquait à plusieurs reprises de déraper dur la terre humide du sol. Ça n'avait pas l'air d'inquiéter le natif qui essayait de faire accéléré son destrier. Ce fut un grand soulagement d'enfin retrouvé le sentier principal, tout du moins pour moi en tout cas.
Andek qui se trouvait déjà là tentait de calmer son cheval qui s'était cabré, sans doute effrayé par la détonation. Face à lui, un groupe de soldats était agglutiné. Le mousquet du premier soldat était encore fumant. Chayton s'avançait sans ralentir pour rejoindre son compagnon ce qui fit reculer de quelques pas l'ennemie en face. Le troisième ne tardait pas à arriver à son tour, il avait l'air encore plus inquiétant que d'habitude, son regard noir lançait des éclaires et son cheval semblait aussi fou que lui.
Il s'agissait d'une troupe anglaise, je ne connaissais pas ces hommes mais leur veston rouge me le confirmait, c'était la couleur officielle de leur armée.
— Mademoiselle, que fait vous avec ces hommes ? Vous ont-ils fait du mal ?
L'information n'avait apparemment pas dépassez les remparts du fort où nous étions installés ma famille et moi, cet homme ne savait pas qui j'étais. Peut-être que les militaires n'avaient pas trouvé important d'informer les autres colonies de mon escapade.
Chayton avait passé sa tête par-dessus son épaule vérifiant ma réaction. Je croisais pour une énième fois en peu de temps les prunelles brunes du natif, je n'avais pas peur de lui, même s'il se montrait froid jusqu'ici il avait été le plus humain avec moi.
— Mademoiselle ? Renouvelait le soldat en inclinant la tête pour me voir davantage derrière l'imposante carrure du natif.
Je ne pouvais lui dire que j'étais leur prisonnière ... Même s'il semblait vouloir ma protection, il ne tarderait pas à apprendre mon identité et comme ses compères, il me ferait exécuter.
Mon temps de réflexion avait sans doute été trop long et le plus agressif ne pût contenir son impulsivité plus longtemps. Il fit avancer son cheval dangereusement en direction de la troupe, dans un simple réflexe un soldat à l'arrière extirpa son mousquet de son étui et le braquait sur Wakiza en appuyant sur la gâchette. Le natif bien trop agité sur son animal esquiva de justesse l'impacte et déviait malheureusement sur Andek qui se retrouvait sur la trajectoire de la balle. Aussitôt le pauvre homme était tombé à terre, son cheval partie au triple galop complètement effrayé.
Si tôt, les deux autres se mirent à la poursuite des soldats qui prenaient déjà la fuite. Je tournais la tête derrière moi et vie Andek allongé sur le sol, poussant des hurlements de douleur.
Il fallait intervenir et vite sinon il n'allait pas tarder à se vider de son sang et ne survivrait pas à ses blessures. Pas le temps de réfléchir, je me mordais la lèvre et fermai durement les yeux, j'allais surement regretter mon geste mais je ne pouvais lutter contre mon instinct.
D'un mouvement peu habile je me laissais tomber du cheval qui était au galop. Je tombais lourdement sur le sol et lâchais un râle de douleur, un nuage de poussière s'était soulevé sous mon poids me faisant tousser quelques instants puis tant bien que mal, je me redressais. Une fois debout, essayant tant bien que mal de faire abstraction de ma chute je me mettais à courir en direction du blesser.
En quelques foulées que l'avais déjà rejoint. Je m'agenouillai à côté de lui et constatais avec peine que la balle avait traversé sa cuisse. Aussitôt, je pressais la plaît à l'aide de mes mains toujours liées, je ne pus m'empêcher de lâcher quelques jurons à l'encontre de cette foutue corde qui me privait de ma mobilité en espérant que ça ne serait pas fatal pour Andek.
— Tiens bon, reste calme, je suis là, je ne t'abandonnerais pas. Répétais-je à l'intention du natif qui se crispait sous la douleur intense.
Je maintenais autant que possible la pression de mes mains sur la plaie, je sentais le sang continuer d'affluer de façon importante. Les mains liés me privais de la moitié de ma force, il fallait le soigner et vite ou il ne survivrait pas.
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Omakiya (Aide moi)
Historical FictionEleanor était l'aînée de sa famille, née d'un père anglais et d'une mère française, l'union de ses parents n'avait d'ailleurs pas fait l'unanimité dans le petit village d'Angleterre où ils vivaient. Elle avait deux sœurs cadettes, Rose et Madeleine...