Ce jour-là, j'allais remettre les pieds sur une planète que je pensais avoir définitivement quittée quatre ans plus tôt, ce qui provoquait en moi un mélange étrange d'adrénaline et d'appréhension. Pour ma descente, j'avais revêtu une combinaison collée au corps développée par les ingénieurs de la Résistance qui permettait de tempérer le corps et de limiter les dégâts causés par les balles.
Pour atteindre la terre ferme, j'allais emprunter le chemin le plus rapide : les airs. Le moyen le plus sûr car le moins détectable par les instruments électroniques restait un bon vieux parachute. Découpé dans la même matière que ma combinaison, il semblait imperméable à tout danger.
Je regardai dehors. Il était tôt. Comme je l'avais espéré, le ciel était rouge sang. Je vis cela comme un signe du destin. La trappe descendit et un gouffre vertigineux s'ouvrit à ma vision. Il aspirait mon regard de son éternité. Trois battements de coeur me séparaient de la chute. Je pris une dernière longue inspiration, jetai un dernier coup d'œil à Jordan, sachant qu'en lui disant adieu, je disais adieu à la base, au confort, à la routine, et à l'amour.
Je me laissai tomber. Mon cœur remonta dans ma poitrine et je crus que ma dernière heure était venue. Le vent tentait de se frayer un passage au travers de la combinaison moulante qui cependant tenait bon. Quand j'arrivai au sol, je me réceptionnai si brutalement que mes genoux craquèrent avec une puissance et simultanéité inquiétantes.
J'eus l'impression que ma jambe gauche était cassée, mais j'avançai tout de même avec détermination au milieu des marécages dans lesquels j'étais atterrie. Il fallait que je trouve Dave, notre seul espion infiltré jusque dans une faction, la cinquième. Je devais réussir à le faire convaincre son chef de m'engager. Les ordres de Jordan avaient été ces derniers : faites ce que vous pouvez, dussiez-vous donner jusqu'à votre personne à l'un de ses hommes.
Et c'était exactement ce que je comptais faire. Car quel meilleur moyen de rentrer dans le système que d'être connue comme la femme de Dave, un fidèle qui jamais ne trahirait ?
J'avais appris par cœur la localisation exacte de la maison de Dave. Il me fallait simplement atteindre la ville la plus proche, et je serais en mesure de le trouver. Il avait été prévenu de ma mission et devait normalement lui aussi se mettre à ma recherche.
[...]
Après ce qui me semblait être de nombreuses et douloureuses heures de marche, j'arrivai enfin à l'entrée de la ville que je cherchais. Elle était splendide. Pas splendide comme on pourrait l'entendre - il n'y avait rien d'opulent dans les bâtiments qui la composaient -, mais splendide grâce au mélange de végétation et de vieilles pierres qui la composaient et lui donnaient un inexplicable charme.
Je me marchai d'un pas pressé vers l'auberge « Au nuitrenier » qui se tenait au centre de la place principale. Je passai par la porte de derrière, dérobai une tenue plus passe partout abandonnée de sa propriétaire, qui était en train de batifoler avec le cuisinier.
Je sortis sans me faire prendre, puis me dirigeai vers le quartier le moins recommandable de la ville. Dave avait bien choisi son lieu de résidence. Je me dépêchai d'atteindre la rue Malemort, dans laquelle nous étions censés nous retrouver. Je me plaquai contre le mur, ma tenue sombre se confondant dans les ombres du matin.
J'attendis. Une bonne heure dût passer avant que je ne visse apparaître le visage séduisant que j'avais pu étudier sur des photographies. Dave se tenait devant moi. Il empoigna ma main, puis sans un mot, me tira dans une ruelle plongée dans l'obscurité, déverrouilla une porte puis l'ouvrit d'un coup de pied. Après m'avoir assise sur un canapé miteux en vitesse, il alla la fermer avec la même délicatesse.
« Il n'y a pas de caméras dans le quartier - c'est d'ailleurs pour cela que je vis ici. Néanmoins, les murs ont des oreilles. »
Sa voix était rauque. On aurait dit qu'il parlait pour la première fois depuis longtemps.
Il reprit avec le même ton bas, vigilant :
« Si j'ai bien compris, tu seras ici ma femme, ou du moins ma compagne.
- En effet », soufflai-je, la gorge nouée.Je surpris son regard bleu perçant en train d'examiner chaque partie de mon anatomie.
« Si tu es ma compagne, tu devras te comporter comme telle. C'est-à-dire que tu devras au moins m'embrasser en public, et utiliser cette voix mielleuse que tous les amoureux ont, pour que ce soit crédible. Ne crois pas un instant qu'on te laissera rentrer dans une faction sans avoir préalablement vérifié que tu es folle de moi. »
Il passa la main dans ses cheveux blonds.
« Ilhan veut des fidèles. Il est convaincu que j'en fais partie. Si tu es folle de moi, même si tu ne crois pas en lui, il pourra te contrôler. C'est tout ce qui lui importe. Tu ne dois pas faillir à le convaincre. Sinon, nos deux couvertures seront fichues. »
Il s'installa dans un fauteuil en face de moi, et je sentis son regard me parcourir à nouveau. Le rouge me monta aux joues.
« Dis-moi tout ce que tu trouves attirant en moi. Convaincs-moi comme si j'étais Ilhan. »
Dave croisa les jambes et sourit d'un air moqueur. Je fronçai les sourcils, et il haussa l'un des siens.
« Quoi ? C'est toujours agréable d'être complimenté !
- C'est de la triche, je suis obligée de te trouver des qualités. »Il rit.
« Allez, Thalia, fais donc un éloge de ma magnifique personne. »
Je soupirai.
« Hé bien, tu es très beau, concédai-je. Et puis tu as un regard intense, de beaux yeux bleus, de ceux dans lesquels on peut se perdre. Tu as une belle voix. Grave. La cicatrice que tu as à côté de l'œil droit te donne un charme, comme un style bad boy. Tu as aussi un teint magnifique, et un corps qui en ferait fantasmer plus d'une. »
Il me regarda longtemps. Puis il sourit.
« Merci.
- C'était forcé, je te rappelle.
- Ouais, ben recommence, parce que Ilhan, il va le voir si c'est forcé. Parle de moi comme si tu étais passionnellement amoureuse.- Génial », marmonnai-je.
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INTEBIAN
Science FictionDans un monde tombant en ruines où la misère et les exécutions font partie du quotidien, sept factions sous l'autorité d'un dictateur sanguinaire contrôlent et formatent la moindre pensée en tenant le peuple par les technologies, la terreur et la di...