36 : ajyuesteo

37 4 6
                                    

Un frisson secoua le corps de Samir au contact du tissu particulier dont était composé sa tenue de survie. Dans quelques minutes seulement, ils allaient descendre. La descente était toujours un moment particulier, d"angoisse mêlée à une bonne dose d"adrénaline. Il avait beau ne pas être un novice en terme de missions terriennes, le danger restait constant, tant pour les missionnés que pour la base, contrainte de s"exposer le cours de l"évacuation des soldats.

A côté de lui se trouvaient Adrian et trois soldates dont il ignorait le nom. L'une d"entre elle avait un visage qui lui était familier ; il sembla au jeune homme qu'il l'avait déjà vue plusieurs fois auparavant. Elle tourna subitement la tête vers lui, surprit son regard appuyé et le lui rendit avec un air de défiance - semblait-il à Samir - plissant les yeux. En vérité, elle était extrêmement mal à l'aise ; Samir ignorait tout de la sensation de brûlure que la jeune fille ressentait sur ses joues sous le poids de son observation. Cette dernière finit par se retourner d'un air fier, sa longue queue-de-cheval de jais s'envolant pour atterrir sur son épaule droite et les yeux fixés droit devant vers les écrans indiquant le compte à rebours de la descente.

Si Samir était tout à fait nonchalant d'apparence, la peur avait saisi ses tripes et son regard indolent aux paupières lourdes dissimulait le feu de l'angoisse. Adrian répondait aux situations de stress intense par la discipline ; ainsi, depuis leur arrivée respective dans la salle, il n"avait pas bougé d"un pouce, le regard vissé vers l'avenir tout comme celui de la jeune fille que Samir avait observée quelques minutes auparavant. Maintenant debout à quelques pas de lui, elle était en position parfaite pour qu'il la détaille un peu plus. Elle lui semblait jeune, au moins aussi jeune que lui l'avait été en arrivant sur la base. Elle était belle, et les courbes de son corps étaient savamment épousées par la combinaison qu'ils avaient tous enfilé. Il était évident que la jeune fille était déterminée, Samir pouvait le lire dans la posture de ses membres, tendus jusqu"à la moelle. Mais cette détermination s"accompagnait d"une peur qui tenaillait toutes les personnes réunis dans le sas.

Après tout, il était plus que probable que ceci soit leur dernier passage dans la base. L"une des deux adolescentes qu"il ne connaissait pas peinait à ne pas laisser paraître ses tremblements. Samir regardait sa main droite être prise de convulsions contre son flanc depuis un moment, et le mouvement lui était de plus en plus insupportable, alors il se plaça à ses côtés et glissa ses doigts entre le siens avec douceur, sans quitter l"écran qui leur faisait face des yeux. Il sentit le regard vert brillant de larmes qu"on tente de refouler se poser sur son profil, mais il ne tourna pas la tête. Il pressa néanmoins la main de la jeune fille, qui avait ressenti un soulagement inattendu au contact du géant dont on lui avait plus d"une fois fait l"éloge.

Une voix retentit soudainement dans l"espace clos. La tension monta d"un cran.

« OKNULVION »

La fille aux yeux verts-marrons chercha désespérément à entrer en contact visuel avec Samir, qui, cette fois, tourna la tête vers elle. Il tenta d"étirer ses lèvres en un sourire rassurant, sans être totalement persuadé d"avoir réussi.

« EKTASH »

Elle lui serra la main plus fort.

« Ca va aller, tu verras », lui dit-il, avec ces mots que personne ne croit mais que n"importe qui aurait avalé si Samir le leur avait lancé de sa voix frémissante de certitude.

« THRANV »

Du pouce de sa main droite, il vint, par réflexe, caresser sa dernière dent de sagesse. De l"autre côté de sa mâchoire, il pouvait sentir le trou béant qu"avait laissé sa jumelle, celle qu"il avait arraché pour garder compte des jours. Il avait eu une chance folle que la plaie ne s"infecte pas en prison.

« SHAA »

C"était étrange, et cela semblait être plus vrai cette fois que toutes les autres où il était descendu, mais à chaque décompte, Samir avait l"impression que le temps accélérait.

« ELOHI »

Peut-être était-ce que c"était effectivement vrai ? Peut-être que l"annonce était volontairement rapprochée dans le temps pour rappeler au soldats l"urgence du départ.

« UTRAN »

Peut-être était-ce son cœur, qui allait trop vite. Ses battements devaient le méprendre.

« YPSTAESH »

Bientôt, bientôt il allait partir de ce lieu de malheur. Plus de prison.

« JAKARTT »

Plus d"isolement. Plus de Jordan.

« AERN »

Il allait enfin trouver Thalia...

« OKN »

Ou il trouverait la mort.

[...]

Depuis plusieurs nuits, le sommeil me venait difficilement, comme si mon corps était au fait d"événements perturbateurs dont mon esprit ignorait tout. Je venais de m"éveiller d"un cauchemar dont je n"avais par ailleurs pas le moindre souvenir ; aucune image ne me hantait, rien ne subsistait sinon le parfum de la peur qui m"avait saisie et ne voulait visiblement pas me relâcher. Lors de mon réveil, j"avais senti une douleur lancinante me déchirer l"oeil droit une fois de plus. La douleur avait beau être récurrente, je ne m"y faisais pas. Des larmes de joie avaient dévalé mes joues, en revanche, lorsque je m"étais rendu compte que la vue me revenait petit à petit. J"étais maintenant capable de voir des sources de lumières sous forme de halo. Tout était flou autour, mais je percevais déjà quelque chose. J"avais la chance infinie d"avoir Dave à mes côtés, qui prenait soin de moi comme d"un animal blessé dont la souffrance aurait attisé sa compassion.

Il suffit que je me retourne dans le lit, posant mes yeux sur sa silhouette endormie, sa poitrine qui se soulevait à un rythme régulier, et son visage aux traits détendus dans le sommeil, pour me sentir capable de traverser une nuit de plus.

INTEBIANOù les histoires vivent. Découvrez maintenant