Le lendemain, Dave se rendit seul au quartier général ; je n'étais pas en état de préserver ma couverture. Un mot de travers et j'étais repérée. Nous avions convenu que je reste à la maison et que je travaille sur un moyen de retrouver Kyhan, pendant que lui faisait de même de son côté. Nous étions tous deux conscients que je n'avais aucune chance de trouver une solution d'un claquement de doigts, étant donné que nous y réfléchissions depuis plus de trois mois.
Il était hors de question que je tente d'y parvenir par le biais d'Ilhan. En réalité, je tenais à repousser le plus possible notre prochaine réunion, étant donné ce qu'il m'avait dit lors de la dernière. Je ne m'étais vraiment pas faîte à l'idée qu'il veuille que je torture des gens pour lui. Avoir tué était déjà bien au-delà de mes compétences psychologiques. J'avais passé la pire nuit de mon existence le soir précédent.
Il m'avait fallu une éternité pour m'endormir. Regarder la poitrine de Dave se soulever à côté de moi avait plus ou moins réussi à m'apaiser, mais tomber endormie n'avait pas arrangé ma situation. Jae était venu me visiter et les cauchemars étaient si réalistes qu'en me réveillant, j'avais l'impression de l'avoir tué trois fois de plus. J'avais ouvert les yeux au moment où son corps s'écrasait sur le mien, et j'avais mis un moment avant de réaliser, le souffle court et le cœur palpitant, que c'était en fait celui de Dave qui avait roulé sur le matelas contre le mien. Mon sursaut ne l'avait pas éveillé, et j'en remerciais le ciel. Il avait simplement poussé un léger soupir et rabattu son bras sur ma taille.
J'avais tressailli à ce contact - pour un peu, je le repoussais. Le dernier homme à m'avoir touchée avait fini la gorge tranchée, et je crevais de trouille qu'inconsciemment je tente de faire du mal à Dave dans un mécanisme d'auto-défense stupide. Le cœur battant, je me refusai une minute de plus de sommeil. Je passai le reste de la nuit à regarder les rayons de lune venir caresser la chevelure blonde de Dave en tentant de refouler les images sanglantes de l'après-midi. Au petit matin, il avait ouvert les yeux et son sourire était parvenu à chasser le pire derrière moi.
Malgré tout, j'étais incapable de passer une seule minute sans penser à Jae. Je me demandais comment faisaient ceux qui avaient pour métier l'assassinat. Jae en avait fait partie, après tout. Il avait sans doute autant de sang sur les mains que moi, de quel droit ses mânes venaient-elles me tourmenter ? Une autre question restait en suspens. Qui avait envoyé ce mercenaire me tuer ? Comment savait-il où me trouver ? Etait-ce Stéphane ? Sa haine à mon égard était si passionnelle que je ne doutais pas qu'il en soit capable. Seulement, avant de mourir, Jae m'avait dit que je possédais des ennemis puissants ; était Stéphane quelqu'un de cette importance ?
Peut-être avait-il un rôle plus important dans la faction que je ne pensais. Après tout, il était celui qui venait voir Dave pour lui donner les informations importantes.. c'était lui qui nous avait transmis le message d'Ilhan. Peut-être était-ce Stéphane, mais peut-être que c'était quelqu'un d'autre, et soudainement il me vint à l'esprit une idée qui me glaça le sang.
Et si c'était Jordan ? Il avait voulu que je me rapproche d'Ilhan, mais j'imagine que le fait que j'aie accédé à cette place aussi vite le fasse douter de ma fidélité. C'était possible, après tout. Il ne renonçait à aucune extrémité pour la sécurité du mouvement, et s'il fallait me faire disparaître pour ça, je savais qu'il n'aurait pas hésité.
[...]
Lorsque Dave rentra, l'horloge pendue au mur en face de moi indiquait qu'il était plus de vingt-deux heures. J'étais lovée dans le canapé miteux, un oreiller entre les bras. Il referma la porte d'un coup de pied, comme il avait l'habitude de le faire, car comme il disait, moins on était discret plus on passait inaperçu. Je le soupçonnais d'apprécier de le faire pour relâcher la tension accumulée au cours de la journée, ce que je comprenais tout à fait, mais qui était nettement moins classe à avouer.
Il vint me rejoindre dans le canapé, lâchant un long soupir. Il me regardait droit dans les yeux et nous ouvrîmes la bouche de concert. Avec un sourire amusé, il me fit signe de commencer.
« Dave... Je me demandais, est-ce que tu crois que Stéphane est du genre à tenter de nous attaquer ? »
Le blond sembla totalement pris au dépourvu.
« Non... Non, je ne vois pas pourquoi il ferait ça... »
Dave avait l'air assez mal à l'aise, pour une raison ou pour une autre, mais peu à peu la surprise s'étala sur son visage à la place.
« Y-a-t'il une raison particulière pour laquelle tu me demandes ça, Thalia ? C'est ça qui t'est arrivé hier, n'est-ce pas ? Tu t'es fait attaquer... »
Je baissai les yeux. Il s'interrompit.
« Bon Dieu, je déteste te tirer les vers du nez. Ne dis rien, ok ? Ne dis rien si tu n'es pas prête à le faire.
— Merci », soufflai-je, véritablement soulagée qu'il n'insiste pas plus.
Il passa une main dans ses cheveux et fit une moue que je ne parvins pas à déchiffrer.
« Bon, commença-t-il, moi aussi je dois te dire un truc. J'ai deux nouvelles, une bonne, et une mauvaise. Logique. C'est pas possible d'obtenir un truc sans se prendre une bonne baffe en retour. »
Je n'osai pas demander de quoi il s'agissait, et il embraya sans que j'aie à le faire.
« On commence par la bonne : j'ai trouvé Kyhan. Etant donné qui je suis et qui tu es, on devrait pouvoir avoir une entrée VIP dans sa clientèle. La mauvaise, c'est que Ilhan requiert tes services aussi tôt que possible. Il a fixé la date à la semaine prochaine, parce que j'ai intercédé en lui annonçant notre mariage et ta volonté de prendre un sérum de fertilité. »
Un rire nerveux me secoua.
« Je suis pas prête pour ça, Dave. »
Il me serra dans ses bras et laissa tomber d'une voix désolée :
« T'as pas le choix, Thalia. C'est affreux, mais on a pas le choix de faire des choses terribles. »
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INTEBIAN
Science FictionDans un monde tombant en ruines où la misère et les exécutions font partie du quotidien, sept factions sous l'autorité d'un dictateur sanguinaire contrôlent et formatent la moindre pensée en tenant le peuple par les technologies, la terreur et la di...