Thalia avait disparu depuis plus de deux mois désormais ; Samir avait pris le temps de préparer correctement son effraction dans le bureau de Jordan. Il était convaincu que celui-ci lui cachait quelque chose à propos de celle qu'il aimait, et il était déterminé à tout faire pour découvrir ce que c'était.
Il avait tout planifié ; la relève de la garde, les allées et venues du chef de la Rebellion, et celles des différents services qui empruntaient le couloir du Commandement. Pendant deux mois il avait régulièrement volé des outils technologiques dans le stock afin de se protéger des systèmes de sécurité et de faire ses recherches le plus efficacement possible.
Lorsque le jour J arriva, il était prêt. Il profitait d'une mission de la plus haute importance, planifiée depuis des semaines, à laquelle le chef lui-même prenait part. Un raid dans une ville du Nord Ouest de l'Amérique. Toute l'attention de la base serait focalisée sur le bon déroulé des événements. Étant toujours considéré inapte, Samir n'avait pas été missionné. C'était Adrian, le meilleur ami de Thalia, et Ilayda, une autre soldate haut placée du mouvement, qui seconderaient Jordan.
Une fois les meilleurs agents de la base descendus sur Terre, la voie était libre. Avec l'aide d'un gamin qui lui était dévoué depuis qu'il avait réglé le compte de l'assassin de son père, Samir mit en place son plan. Le garçon à l'allure ascétique avait déclenché une alarme avant de se précipiter dans le couloir du Commandement. Attrapant l'un des gardes du bureau de Jordan par la manche, il le tira en direction du corridor adjacent, prétendant avec un talent d'acteur certain une panique folle. L'autre garde leur emboîta le pas et Samir apparut dans le couloir alors que son acolyte s'écriait à propos d'une odeur de brûlé dans le dortoir des enfants, entraînant les gardes dans sa course.
Le jeune homme plaqua son poignet contre le mur puis la porte du bureau de Jordan, désactivant la sécurité grâce à un code sur lequel il avait du travailler cinq bonnes semaines. Les caméras - si quelqu'un les regardait jamais - produiraient des mélanges de videos prises dans le mois, avec les passages habituels programmés. Samir utilisa un autre gadget dans lequel il avait enregistré l'empreinte digitale de Jordan à partir d'un vieux T-Shirt jeté à la poubelle pour déverrouiller la porte. Il avait la chance que la Rebellion, aux moyens limités, n'avait pu s'armer de la technologie moderne.
La porte s'entrouvrit et il se faufila à l'intérieur. Il avait une fenêtre d'à peu près cinq minutes. Le coeur battant plus vite que les secondes, il avait d'autant plus l'impression que le temps passait vite. Les mains du jeune homme, rendues moites par le stress, collaient aux papiers qu'il soulevait et lisait par dessus la jambe au cas où il trouverait des informations sur son amante.
Il avait fait toute la surface du bureau ; il fallait maintenant qu'il ouvre tous les tiroirs puis qu'il s'attaque à l'étagère. Le temps passant, ses membres tremblaient de plus en plus. Si près du but, se dit-il, je ne peux pas abandonner.
Il accélèra encore le mouvement, jusqu'au moment où il mit la main sur un papier bien plus dense que les autres. Le papier était un papier à lettres. Qui pouvait donc bien écrire à Jordan ? Une idée traversa l'esprit de Samir mais il se refusa à le croire. Les résistants ne communiquaient que de vive voix pour éviter de se faire remarquer.. Bien que détestant l'idée de s'occuper d'autre chose que de Thalia, Samir avait besoin de vérifier ses propres yeux que Jordan n'était pas un traître. Si lui l'était, la Résistance n'était que de la poudre aux yeux. Une manière d'occuper tous les révoltés.
D'un mouvement sec, il retira la lettre de son enveloppe, terrifié à l'idée de trouver de telles preuves. Il ferma les yeux un bref instant puis les dirigea vers le bas de la feuille. La vue de la signature lui coupa le souffle.
[...]
« Sérieux, Thalia », implora Dave. « Raconte-moi ce qu'il s'est passé. »
Ils étaient assis sur le canapé miteux de son appartement — ou plutôt de leur appartement. Mine de rien, ils vivaient ensemble depuis plus de deux mois.
« Honnêtement, je ne sais pas, avoua-t-elle. Je me rappelle de m'être battue avec Stéphane... je me rappelle qu'Ilhan nous a arrêtés et qu'il a ensuite viré ce connard de la salle. »
Je reniflai.
« Je ne me rappelle plus vraiment de ce qui est arrivé après. Nous avons quitté l'église et nous sommes entrés dans une pièce rouge. »
Je me repris : « Non. Bleue. Ou peut-être qu'elle était verte ? Voilà, je ne sais plus, c'est insupportable ! Tu crois qu'il m'a droguée ? »
Dave fit une moue.
« J'en ai aucune idée.
— Attends, ça me revient... je crois. On a parlé un petit peu, mais de quoi, alors ça c'est totalement flou, et — ah oui ! Après, il a lancé une musique, et c'était comme si j'avais fumé des joints. Je planais totalement », examinai-je.Mon compagnon se releva.
« C'est étrange, observa-t-il. Tes souvenirs sont trop flous pour que ce soit normal. »
Je tentais aussi fort que possible de me souvenir de notre conversation. De quoi avait-il été question ? De quoi pouvait-on bien parler avec une personne telle que Heraì ?
Dave se triturait les mains alors qu'il marchait à petits pas dans le salon étriqué.
« Est-ce que tu te souviens d'avoir bu quelque chose ?
— Non. Non, absolument pas.
— D'avoir mangé quelque chose, alors ?
— Non plus. »Il soupira.
« Ilhan a tellement de moyens à portée de main qu'on ne pourrait même pas penser au quart d'entre eux, de toute façon... c'est peine perdue. »
Des flashs de souvenirs me revenaient, mais ils était trop brefs pour que je puisse en tirer quoi que ce soit. Je me rappelai de son regard dans le mien. Or. Des yeux dorés. Sa cicatrice blanchissante. Qu'avait-il donc évoqué ? Une partie de mon corps. Il y avait un a dans ce mot-là, c'était certain.
a, b (certainement pas un b) c, d, e, f, g (pas de g non plus), h, i, j, k, l, m — c'était un m. Mains. Mes mains. Mes mains et mon âme, c'était ce dont il parlait. Sans doute. Il avait parlé de charme et — oh.
« Dave, je me souviens », bredouillai-je. « Il veut que je torture des gens pour lui. »
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INTEBIAN
Science FictionDans un monde tombant en ruines où la misère et les exécutions font partie du quotidien, sept factions sous l'autorité d'un dictateur sanguinaire contrôlent et formatent la moindre pensée en tenant le peuple par les technologies, la terreur et la di...