VINGT-ET-UN

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Cela faisait des années que j'essayais de ne plus y penser et voilà que Hyun-Ae arrive et chamboule tout.

Je la déteste.
Je me déteste.

Je n'ai jamais été proche de mon père contrairement à la relation, presque fusionnelle, que j'entretenais avec ma mère. Mon père a toujours été une personne hypocrite, superficielle et égoïste. Je ne dis pas que je n'ai pas hérité de certains de ses traits mais mon frère, lui, en est une copie exacte. Il est tout ce que j'ai toujours détesté chez mon père. C'est pour cela que je n'ai jamais eu de mal à considéré Jimin comme un frère, comme mon véritable frère.

Maintenant que j'y pense, Jimin ressemble beaucoup à ma mère. Elle a toujours était une personne bienveillante et toujours souriante, j'adorais la voir rire. Elle me prenait souvent dans ses bras et m'emmenai partout où elle allait, comme si, au plus profond d'elle, elle refusait que je suive le même chemin que mon père, tel que mon frère l'avait fait.

Puis, elle a du, malgré elle, prendre ses distances. Elle s'est éloigné de moi à cause de je ne sais quelle putain de maladie et ne sortait presque plus.

Je me souviens que la mère de Jimin venait rarement à cause de son travail. Cependant, au fil du temps, elle commença à venir de plus en plus souvent, comme si elle redoutait quelque chose, comme si elle avait peur que chacune de ses visites ne soit la dernière.

On avait engagé une infirmière à domicile pour prendre soin de ma mère, afin de lui permettre de rester à la maison avec sa famille. Je me suis rapidement liée à cette infirmière, c'était une femme vraiment très gentille et elle aidait ma mère. Oui, depuis qu'elle était arrivée, ma mère allait mieux, elle recommençait à rire. J'étais heureux. A chaque fois que cette femme sonnait à ma porte j'accourais, je voulais être le premier à lui ouvrir, le premier à lui dire bonjour. Même juste être le premier à lui sourire, car c'et tout ce que je pouvais faire pour la remercier.

Cependant, un soir tout bascula. Je me réveillai au beau milieu de la nuit dans un sursaut, des personnes criaient dans la maison, et des lumières rouges vacillaient à ma fenêtre. Lorsque je sorti en courant de ma chambre je vis des hommes que je ne connaissais pas porter ma mère hors de la maison, je m'empressai alors de courir vers l'un d'entre eux et le frappa aussi fort que je le pouvais. Mais j'avais seulement 13 ans, et à 13 ans je n'étais pas assez fort.

C'est seulement lorsque deux bras vinrent me reculer brusquement que je compris ce qui se passait.

« Ce sont des médecins Jungkook, ils sont là pour aider ta maman », je regardais attentivement l'infirmière de ma mère qui me tenait alors qu'elle reprit « Ta maman ne va pas très bien, tu comprends ? Elle va aller à l'hôpital et ils vont l'aider, elle ira mieux tu verras ». Les larmes commencèrent à couler, malgré moi, le long de mes joues. Je voulais rester fort pour elle mais lorsque je la vis, avec ces tubes et ce masque qui lui couvrait la moitié du visage, je m'écroulai. Elle essaya de se relever pour venir vers moi mais on l'en empêcha, elle me fit alors signe de venir et je m'approchai d'elle à quatre pattes car mes jambes refusaient de me soutenir.

« Mon petit garçon... », sa voix tremblante m'effrayait, j'avais peur. J'étais terrorisé.

Je lui coupai la parole afin de répéter les mots exacts de son infirmière « Ne t'en fais pas maman, tu vas aller à l'hôpital et ils vont t'aider, tu iras mieux tu verras », elle me sourit tendrement mais je pouvais remarquer que quelque chose n'allait pas. Peut être parce qu'elle n'arrivait plus à retenir ses larmes.

« Jungkook, écoute-moi... Ce fut le plus bel été de toute ma vie, mais aujourd'hui c'est le début de l'automne. Il va commencer à faire froid, vraiment très froid et... » sa voix tremblait de plus en plus et elle fermait les yeux pour arrêter ses larmes « ... et il va falloir que tu sois fort ».

Je la regardais avec deux grands yeux, je ne comprenais pas, j'attendais la suite lorsqu'elle reprit. « Il va falloir que tu sois fort car l'hiver sera pire que l'automne. Mais dis-toi bien que... » elle baissa la tête alors que ses sanglots l'empêchaient de respirer « ... Souviens-toi qu'après l'hiver reviens le printemps ». Ses paroles n'avaient aucun sens, je ne comprenais pas, je ne comprenais rien.

« Tu seras heureux à nouveau je te le promets. »

On se regarda un long moment et j'aurais pu rester là éternellement si des hommes ne l'avaient pas éloigné de moi. Je la voyais partir alors que ses paroles résonnaient encore dans ma tête, j'aurais voulu qu'elle reste un peu plus longtemps, qu'on lui laisse le temps de m'expliquer.

Comme elle l'avait dit, l'automne arriva. Ma mère allait de plus en plus mal et personne ne faisait rien pour elle. Pourquoi est-ce qu'elle restait là alors qu'ils étaient en train de la tuer ? Son infirmière a toujours bien pris soin d'elle mais depuis qu'elle est à l'hôpital, ma mère sombrait de plus en plus et j'assistais à sa chute sans rien pouvoir y faire. L'hôpital était en train de la tuer.

Puis, je me suis réveiller un matin et l'hiver était là.

L'automne était parti en emmenant ma mère avec lui, laissant un trou béant dans ma vie.

L'hôpital l'avait tué.

J'allais mal, je sombrais à mon tour. Mon frère aussi je pense, mais d'une façon différente. Alors que lui se rua sur les bonheurs qu'offraient l'alcool, la drogue et le sexe, moi je me contentais de chercher éperdument ce printemps que m'avais promis ma mère. Je commençais alors à me battre de plus en plus souvent et sans plus aucunes raisons, je voulais seulement passer le temps, faire quelque chose de ma vie. Je voulais seulement m'occuper jusqu'au retour du printemps. Mais en grandissant, j'ai compris que ça n'arrivera jamais car l'hiver n'épargne rien. Il durera éternellement.

Mes coups devinrent alors de plus en plus violents et ceux que je recevais également. Je rentrais chez moi en boitant et le visage défiguré. Je passai devant mon père qui restait muet, bien trop occupé, alors que mon frère était trop défoncé pour se rendre compte de mon état, pour se rendre compte que j'allais mal.

Après plusieurs années, je me souvenais même plus du discours de ma mère, ou du moins je n'y pensais plus. Je me battais parce que j'aimais ça et parce que je gagnais. Ma vie me convenait parfaitement et je me contentais de baiser et de voir mes potes pour être heureux. Ça me suffisait.

La dernière fois que j'ai vu l'infirmière de ma mère, elle m'avait demandé pourquoi. Pourquoi je faisais ça, pourquoi je me battais, pourquoi j'avais changé. « Je sais pas », c'est tout ce que j'avais trouvé à lui répondre. Et depuis je ne l'avais plus revue.
Jusqu'à aujourd'hui.

Aujourd'hui elle a tout chamboulé dans ma tête, elle m'a obligé à me souvenir et c'est pour ça que je la déteste. Et je me déteste pour la haïr elle, la seule personne qui a su prendre soin de ma mère. Depuis que je l'ai revu tout se bouscule et j'ai peur de ça, j'ai peur de croire que ma vie pourrait changer, j'ai peur de croire que le printemps pourrait arriver et de me prendre ensuite une déception en pleine gueule encore une fois.

Mais le pire dans tout ça, c'est que cette peur au fond de moi est arrivée avant Hyun-Ae. Cette peur a commencé lorsque j'ai rencontré Taehyung. Cette peur s'est intensifiée au moment même où j'ai vu Taehyung par terre, ce moment où je me suis rendu compte que je ne voulais pas le perdre. Cette peur deviens plus grande à chaque fois que je le regarde, car même sans le vouloir, j'ai l'impression qu'il représente ce bonheur que ma mère m'avait promis.

Ce bonheur que j'avais arrêté de chercher.

L'hiver touche à sa fin.

𝐒𝐄𝐎𝐔𝐋 | ʲʲᵏ⁺ᵏᵗʰOù les histoires vivent. Découvrez maintenant