QUARANTE-DEUX

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« S-stop... »
« Tu me fais mal... »

J'ai l'impression d'être encore en plein rêve.
Ou alors suis-je réveillé ?

« Nhnn... »

Je sais pas. Mais je me sens tellement bien. Ça faisait longtemps... Je suis sûrement en train de rêver.

« Arrête... »

Oui, voilà. Je rêve.

« NON ! »

Je me réveille en sursaut, me levant tellement rapidement que ma tête tourne un moment alors que ma vision s'assombrit pour revenir doucement à la normale.

Je secoue la tête pour ébouriffer mes cheveux bruns alors que j'essaye de comprendre ce qu'il se passe.

Je suis dans ma chambre.
Il fait sombre.
Mon réveil affiche 4h12.

Je garde les yeux plissés un long moment, encore trop endormi pour les ouvrir. Mais surtout encore trop endormi pour me rendre compte de ce qu'il se passe.

Il gémit.

Je me tourne doucement, juste assez pour apercevoir Tae dans un coin du lit. Son visage crispé transmet un mélange de crainte et de douleur. Il est terrifié et il a mal.

Mais surtout il est en plein sommeil.

À certains moments son corps est pris de spasmes plus ou moins violents alors que de nombreux râlements sortent de sa bouche entrouverte. Ses lèvres sont gercées et sa peau brille dans la pénombre. Il transpire tellement que ses cheveux lui colle au front alors qu'il répète les mêmes mots encore et encore.

« Je t'en pr-ie »

Sa voix se coupe et recommence, il a du mal à formuler ses phrases, ses mots.

Et moi je reste complètement figé devant cette vision. J'aimerais agir, réagir, mais rien ne bouge. J'aimerais l'aider mais je n'y arrive pas. Je suis bloqué devant son corps qui se tord d'une douleur pire que toute, d'une douleur qu'on ne peut apaiser. Celle qui vient du cœur et non du corps.

Cette douleur que je connais tant.

Celle qui m'a tourmenté après la mort de ma mère.

Celle qui m'empêchait de dormir et celle qui me réveillait en sueur la nuit.

Cette douleur qui me rappelle tant de choses.
Cette douleur qu'on ne peut soigner.

Son supplice continue de se dérouler face à moi alors que je reprends peu à peu le contrôle de mon corps. L'air semble rentrer dans mes poumons pour la première fois alors que mes jambes ne sont plus engourdies.

Mon premier reflex est de lui retirer les quelques mèches qui lui collent au front, lui dégageant ainsi son visage. Ses paupières frémissent à chacun de mes touchers, à chacun de mes gestes.

J'ai peur de l'effrayer.
J'ai peur de lui faire du mal.

Mais ses mouvements qui étaient jusqu'à présent vifs et brutaux s'adoucissent alors que sa main vient inconsciemment tapoter le drap jusqu'à ma peau. Ses doigts viennent entourer mon bras alors que sa respiration semble s'apaiser.

Et c'est là que j'ai compris.

Je n'ai pas besoin de dire ou de faire quoi que ce soit. J'ai juste besoin d'être là, d'être présent pour lui. Il a besoin d'un contact, d'une chaleur.

Il en a besoin autant que moi j'en avais besoin à l'époque.

Mais contrairement à moi, lui n'est pas seul. Il ne le sera plus jamais.

Je repose doucement mon dos sur le matelas, provoquant un léger grincement et tourne ensuite la tête vers Tae faisant suivre mon corps qui se retrouve alors sur le côté.

Il recommence à remuer, à s'agiter alors que j'enlève sa main de mon bras. Sa respiration accélère. Son visage se crispe. Ses spasmes reviennent.

Mais tout s'arrête soudainement au moment même où mes mains se posent sur ses hanches et que je le rapproche de moi. J'entoure son dos de mes bras, l'empêchant de tout mouvement, le protégeant, alors que sa tête vient naturellement se nicher dans mon cou. Ses doigts, inconsciemment agrippé à mon t-shirt me procurent milles sensations alors que je me rendors au rythme de son souffle à présent calme.

Mon esprit divague entre l'éveil et le sommeil et maintenant que j'y pense... Je me suis tout de suite demandé comment faire pour le calmer mais je ne me suis pas posé la question la plus importante.

La question qui résonne dans ma tête depuis longtemps.

La question à laquelle il ne veut jamais répondre : « Pourquoi ? »

𝐒𝐄𝐎𝐔𝐋 | ʲʲᵏ⁺ᵏᵗʰOù les histoires vivent. Découvrez maintenant