Partie 49

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Après avoir lu cette dernière ligne de la page qu'elle tenait Dieynaba reposa tous les papiers qui constituait la lettre près d'elle. Elle n'avait pas envie de connaître la suite, plutôt elle en avait peur. Elle ne voulait pas à travers ces écrits avoir la  confirmation sur ses doutes. Les larmes aux yeux, elle essayait d'imaginer ne serait-ce qu'un seul instant tout ce que sa mère avait dû endurer. Tout ce par quoi elle était passé, avait-elle, elle sa fille, '' hérité '' de ce lot de malheurs ? Car à y voir de plus près, sa mère avait vécu autant de souffrances qu'elle sinon plus...

Au même moment mais à un endroit différent, Mouhamed lui, était accoudé à son balcon, un roman à la main. Et ce n'était nul autre qu ' ''Un chant écarlate '' de son auteur préféré Mariama Ba. Et il regrettait tellement que cette œuvre soit publiée à titre posthume. Il aurait adoré voir en face cet écrivaine en or et avoir l'occasion de s'entretenir avec elle. Que n'avait-elle pas fait pour son pays ? à travers ses écrits elle avait tant de fois dénoncé ces nombreuses et variées tares de la société, sa société, celle qui l'avait vu naître. Et il ne pouvait s'empêcher de la relire à chaque fois que le besoin se faisait sentir. Il n'était pas un grand adepte de la lecture mais cette femme avait su le charmer par sa manière de montrer ce que d'autres sous-entendaient ou alors ils en faisaient fi. Il avait connu l'auteur et ses œuvres via Dieyna, et il n'avait pas du tout regretté de s'y être concentré quelques jours.
Le fait est que dès qu'il commençait à penser à elle, le jeune homme n'arrivait plus à se concentrer. Et cela c'était peu importe ce qu'il faisait, il n'y pouvait rien. Il ferma donc le roman, se rappelant de leur dernière rencontre. Ce fameux jour où il l'avait invité pour simplement savoir comment elle allait. À vrai dire c'était surtout un prétexte pour la revoir, mais il refusait de se l'avouer...

C'était donc le soir même où Babacar et Mère Coumba devaient effectuer leur voyage. Il s'étaient donc revus au niveau des rochers qui bordent la corniche ouest de Dakar. Et Mouhamed lui avait par la même occasion appris que sa mère et son frère s'en étaient allés à l'étranger. Et comme il devait s'y attendre la jeune fille lui avait demandé la raison pour laquelle il avait tenu à rester à Dakar. Elle n'était pas sans savoir que Mouha avait prévu de continuer ses études hors du pays car il lui en avait parlé alors qu'ils étaient encore en relation. Mais Dieynaba n'était pas prête pour une relation à distance et lui avait proposé d'en reparler. Mais depuis lors ils n'avaient pas discuté de nouveau de ce sujet.
Mouha avait répondu à sa question après un instant d'hésitation puis lui avait fait savoir que c'était parce qu'il avait reçu une proposition d'emploi. Il n'avait certes pas menti, mais il avait volontairement décidé de taire une partie de l'histoire. Il lui avait également fait part du nom de la grande société qui lui avait proposé un travail aussi bien payé. Bizarrement elle avait sursauté à l'entente du nom de l'entreprise mais n'avait rien dit par la suite.

Et Mouha avait également demandé à Dieyna comment se portait son père et elle lui avait répondu qu'il allait beaucoup mieux, avec une pointe d'amertume dans la voix que le jeune homme n'avait pas manqué de déceler. La vérité c'était que la jeune fille ne voulait plus embêter ce dernier avec ses problèmes personnels. Mais hélas, rien n'avait vraiment changé car à partir de ce soir et tous les autres soirs le père de famille rentrait chez lui tardivement en plus d'être complètement ivre. Elle ne voulait plus mêler ni Mouha ni quiconque d'autre à cette histoire. C'était un problème familial et elle n'avait par dessus tout aucun droit d'étaler la vie de son père comme elle le faisait. Car oui un parent reste un parent même s'il est le pire au monde, il faut savoir le préserver du regard et des moqueries des autres. Tout devrait se passer dans la discrétion et elle se rappelait qu'un vieillard près du lycée qu'elle fréquentait autrefois avait l'habitude de dire ceci : " Waydiour waydiour rek laay doone ba abadanne, moo kham mouy sathie mba mouy tiagatou ( Même si ton père est un raté ou que ta mère est une prostituée, ne les déteste pas pour autant ). Nioom niola diour tei lolou rek waarna taxx nga sangg leine soutoureu ( Tu es au monde grâce à eux et rien que pour cela tu devrais les couvrir de discrétion et ne jamais montrer au monde leur faiblesse ). Ammo wareefou dileine niakkei kersa (Tu ne dois ni les juger ni les repousser) ndaxx doom rek nga tei meunoko weissou ( car tu n'es qu'un fils et tu ne peux dépasser ce rang) ''. Ce vieil homme disait ces mots d'une manière assez crue et elle ne se contentait que de le regarder. Certes il mélangeait le français et le wolof comme il lui plaisait, mais malgré cela il fallait l'écouter et se rendre à l'évidence qu'il avait raison sur toute la ligne. Elle se rendit compte, plus tard, de la véracité de ses propos.

Ma vie avant et après toi [ TERMINÉ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant