Chapitre 4

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Le journal que ma mère me lança sur la tête me réveilla brusquement, et je sursautai en ouvrant les yeux.

— Lis le, dit-elle en claquant la porte.

Je m'assis sur le lit de mon frère, dont la place était d'ailleurs déjà vide, et jetai un coup d'œil furieux au coupable qui m'avait tiré de mon sommeil. Le titre écrit en grosses lettres sur la première page du journal me sauta aux yeux :

« Qui est l'heureuse élue ? »

Une photo d'une jeune fille blonde accompagnait le gros titre. Je la reconnu immédiatement. C'était la pimbêche aux talons aiguilles. J'ouvris nerveusement le journal et cherchai l'article.

« Alicia Martinu, heureuse élue.

Alors que 150 candidats ont été retenus pour rentrer dans les Grandes Écoles des Fonctions des Hauts Postes de l'Etat, un seul a obtenu le poste le plus convoité et le plus célèbre. Alicia Martinu, 17 ans, est arrivée première du classement. Fille unique du doyen du plus grand quartier du Nord et de la créatrice des plus hautes gammes de parfums et de cosmétique de la ville, notre heureuse élue au comble du bonheur s'est exprimée il y a quelques heures aux journalistes : C'est la chance de ma vie. « Je suis si heureuse. Je promets de servir mon pays jusqu'à mon dernier souffle, et de donner pleins de petits enfants au Gouverneur », a-t-elle confié. Nous souhaitons nous aussi tout le bonheur du monde et de nombreux enfants à notre jeune couple. »

Je refermai le journal en soupirant. Quelle niaiserie. Vive les classes privilégiées. Maintenant, peu m'importait de connaître les résultats. Je ne pourrai pas sauver ma famille. Je me blottis sous ma couette pour pleurer.

***

Les jours passèrent, mornes et longs. Très longs. Comme je ne savais pas si j'avais réussi le Test, je ne pouvais pas m'inscrire aux Grandes Écoles, sous peine de me retrouver renvoyée des simples usines, et peut être même en prison, pour tentative de fraude. Je ne pouvais pas non plus m'inscrire aux usines, avec de faux résultats.

Ma mère ne me faisait aucun commentaire sur mon échec, mais je voyais à son regard combien elle m'en voulait.
Un jour, alors qu'elle venait de coucher Matt, elle descendit lentement les escaliers pendant que je les montais pour aller me coucher. Elle évita mon regard, et malgré moi, les larmes me vinrent aux yeux. J'étais rejetée par ma propre mère.

— Tu m'en veux ? murmurai-je, de peur d'entendre sa réponse.

Elle leva enfin les yeux vers moi, et son regard se radoucit en voyant mes larmes.

— Oh non ma chérie, je ne t'en veux pas. Je ne mettrais pas tout ce poids sur tes épaules. Je suis déçue, c'est tout. Et en colère. Parce que j'ai confiance en toi, et je sais que tu l'as réussi ce Test. Mais à cause de moi, ta réussite n'aura servi à rien.

— Tu ne devrais pas. Je ne sais pas si je suis à la hauteur, finalement.

Elle prit mon visage entre ses mains et murmura :

— Bien sûr que tu l'es. J'en suis sûre. S'il n'y avait que notre famille en jeu, je te dirais d'y aller, de te présenter aux Grandes Écoles. Je pourrai encore nourrir Matt quelques années. Mais il y a aussi ta vie en jeu, alors jamais je ne le ferai.

Je me blottis dans ses bras et m'abandonnai à son réconfort.

***

Le lendemain, je me rendis chez Gino et Dia qui attendaient avec impatience de connaitre les résultats.

— Tu sais, me dit Dia. Je ne vais pas te dire que l'important c'est de participer. Mais je pense que l'important, c'est que tu aies eu l'ambition, la volonté d'aider ta famille, et que jusqu'au bout, tu as tout donné.

Le Ciel dans tes BrasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant