LA RAISON ET LE REAL - CHAPITRE 15

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CHAPITRE 15 : LA MATIÈRE ET L'ESPRIT

L'essentiel du cours

La  matière  est  ce  qui  est  le  plus  élémentaire,  au  sens  où  c'est ce  qui  existe  indépendamment  de  l'homme,  comme  ce  qui  est susceptible  de  recevoir  sa  marque,  la  marque  de  l'esprit.  La  définition  est  ici  nominale  :  est  matière  ce  qui  n'est  pas  esprit,  et inversement.  Pourtant,  matière  et  esprit  sont-ils  deux  réalités que tout oppose  ?

QU'EST-CE  QUE  LA  MATIÈRE  ?

Couramment, la matière désigne l'inerte, par opposition  au vivant : c'est la pierre, le bois,  la terre,  bref,  ce qui est inanimé, c'est-à-dire qui ne possède pas d'âme au sens qu'Aristote donne à ce terme (le principe vital interne  à  tout  être  vivant).  Pourtant,  l'être  vivant  est lui  aussi  composé  d'une  matière  :  la  distinction  de départ  est  donc insuffisante. En fait,  ce  qui  caractérise  la  matière,  c'est  d'abord  un défaut de détermination. La matière est sans forme : ce n'est  qu'une fois mise en forme qu'elle est délimitée  et  déterminée,  par  exemple,  une  fois  que  l'argile a  reçu  la  forme  d'une  cruche.  C'est  ainsi  qu'Aristote considère  toute  chose  concrète  comme un composé de forme et de matière, ou composé hylémorphique (de  hylé,  «  matière  »,  et  morphè,  «  forme  »,  en  grec). La  matière  n'est  alors  ici  que  le  support  sans  forme propre de déterminations formelles.

QU'EST-CE  QUI  OPPOSE  LA  MATIÈRE  À L'ESPRIT  ?

Si  la  matière  est  ce  qui  manque  de  détermination, l'homme  est  par  excellence  l'être  qui  va  lui  donner forme par son travail. Or, ce travail de transformation n'est  possible  que  parce  que  l'homme,  comme le dit Hegel,  «  est  esprit  ».  Parce  qu'il  a  une  conscience, l'homme  peut  sortir  de  lui-même  et  aller  vers  le monde,  pour  le  ramener  à  lui  et  se  l'approprier,  ne serait-ce  que  dans la perception.

Parce qu'il est esprit ou « être pour soi », l'homme est capable  de  ce  double  mouvement  de  sortie  hors  de soi et de retour à soi, ce qui l'oppose précisément à la matière,  ou « être en soi », qui est incapable de sortir hors de ses propres limites.

LA  MATIÈRE  EST-ELLE  CE  QUI  N'A  PAS DE  CONSCIENCE  ?

Pour  Hegel,  la  distinction  entre  la  matière  et  l'esprit rejoint la distinction entre être conscient de soi et être non conscient de soi : en ce sens, l'esprit désigne tout ce  qui  porte  la  marque  de  l'homme  (un  produit  du travail humain ou une œuvre d'art) et la matière, tout ce  qui est étranger à l'homme et n'est qu'un support possible  pour  ses  activités  :  les  choses  de  la  nature, dans la mesure où elles existent indépendamment de toute  intervention  humaine  et  n'ont  pas  encore  été transformées, sont matière. La matière est donc ce qui n'a pas de conscience et ce dont l'esprit a conscience.

MATIÈRE  ET  ESPRIT  S'EXCLUENT-ILS NÉCESSAIREMENT  ?

Telle  est  la  position  de  Descartes,  qui  pose  d'emblée l'existence de deux substances distinctes : « la substance pensante  »  et  «  la  substance  étendue  »,  la  première caractérisant  l'homme  en  tant  qu'il  pense  et  se  pense, et  la  seconde  caractérisant  la  matière  corporelle, pure  étendue  géométrique.  Pourtant,  cette  distinction  pose  problème  :  comment penser  en  effet  l'union  étroite de  «  la  substance  pensante  »  et de  «  la  substance  étendue  »  que tout  oppose,  c'est-à-dire  l'union de  l'âme  et  du  corps  dans  l'être humain  ?  Si  cette  union  va  de soi  dans  la  vie  courante  (je  veux mouvoir  ma  main,  et  je  la  meus) comment  l'expliquer  sur  le  plan métaphysique  ? 
Descartes  pose l'existence  «  d'esprits  animaux  », sortes  d'influx  nerveux  assurant la  communication  entre  l'esprit et  le  corps  ;  Spinoza,  mais  aussi Leibniz  et  Bergson,  montreront que  cette  solution  n'est  pas  satisfaisante.

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