LA POLITIQUE, LA MORALE - CHAPITRE 18

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CHAPITRE 18 : LA JUSTICE ET LE DROIT

L'essentiel du cours

Que  l'injustice  nous  indigne  montre  que  la  justice  est d'abord  une  exigence,  et  même  une  exigence  d'égalité  : c'est  d'abord  quand  un  partage,  un  traitement  ou  une reconnaissance  sont  inégalitaires,  que  nous  crions  à  l'injustice. La  justice  devrait  donc  se  définir  par  l'égalité,  symbolisée  par l'équilibre  de  la  balance.  mais  qu'est-ce  qu'une  égalité  juste  ? Suffit-il d'attribuer des parts égales à chacun  ?

LA JUSTICE SE CONFOND-ELLE  AVEC LA STRICTE  ÉGALITÉ  ?

Aristote  distingue  la  justice  distributive  et  la justice  corrective.  La  justice  corrective  concerne les  transactions privées volontaires (vente, achat, etc.)  et  involontaires  (crimes  et  délits).  Elle obéit  à  une  égalité  arithmétique  stricte  :  que l'homme lésé soit puissant ou misérable, le rôle de  la  justice  est  de  rétablir  l'égalité  en  versant des  intérêts  de  même  valeur  que  le  dommage, comme s'il s'agissait  de  biens échangés dans un acte  de  vente. La  justice  distributive  concerne  la  répartition des  biens  et  des  honneurs  entre  les  membres de  la  cité.  Ici,  la  justice  n'est  pas de  donner  à  chacun  la  même chose,  car  il  faut  tenir  compte du  mérite  :  l'égalité  n'est  alors pas arithmétique (le même pour tous),  mais géométrique, car elle implique des rapports de proportion (à chacun selon son mérite).

QUELLE ÉGALITÉ PEUT EXIGER LA JUSTICE  ?

Personne  ne  peut  soutenir  que les  hommes  sont  égaux  en  fait  : aux  inégalités  naturelles  (de force  ou  d'aptitudes)  s'ajoutent en  effet  les  inégalités  sociales (de  richesse  ou  de  culture). Pourtant,  la  justice  exige  que  les hommes  soient  égaux  en  droit, c'est-à-dire  que, malgré les inégalités  de  fait,  ils  aient  droit  à  une égale  reconnaissance  de  leur dignité humaine.

C'est  ce que montre Rousseau dans le  Contrat social : un État n'est juste et  légitime  que  s'il  garantit  à  ses citoyens  le  respect  de  ce  qui  fonde la  dignité  humaine,  à  savoir  la liberté.  Seule  en effet elle est « inaliénable  »  :  la  vendre  ou  la  donner au  tyran,  c'est  se  nier  soi-même. Cette  égalité  en  droit  doit  pouvoir ainsi  se  traduire  par  une  égalité en  droits  :  nul  ne  doit  posséder  de privilèges eu égard à la loi de l'État.

QUELS SONT LES RAPPORTS  DU DROIT ET DE LA JUSTICE  ?

Le  droit  est  d'abord  l'ensemble  des  règles  qui régissent  un  État  :  c'est  le  droit  positif.  Comme ces  règles  varient  d'un  État  à  l'autre,  n'y  a-t-il nulle  justice  qui  soit  la  même  pour  tous  les hommes  ?  C'est  bien  la  position  de  Pascal  :  les lois  n'ont  pas  à  être  justes,  elles  doivent  surtout garantir  la  paix  sociale,  car  «  Il  vaut  mieux  une injustice  qu'un  désordre  »  (Gœthe). Mais  ce  n'est  pas  la  position  de  Rousseau,  ni de  la  pensée  des  «  droits  de  l'homme  »  :  les lois  peuvent  être  injustes,  et  cautionner  des inégalités  de  droits.  Un  droit  positif  juste  sera alors  un  droit  conforme  au  droit  naturel, c'est-à-dire  à  ce  que  la  raison  reconnaît  comme moralement  fondé,  eu  égard  à  la  dignité  de  la personne  humaine.

LA JUSTICE EST-ELLE UNE  VERTU OU UNE ILLUSION  ?

Platon  soutient  que  la  justice,  si  elle  est  l'idéal de  la  communauté  politique,  doit  aussi  être une  vertu  morale  en  chaque  individu.  Contre ceux  qui  soutiennent  que  «  nul  n'est  juste volontairement  »  et  que  la  justice  comme vertu  n'existe  pas,  Platon  montre  que  c'est le  rôle  de  l'éducation  d'élever  chacun  à  cette vertu  suprême,  qui  implique  à  la  fois  sagesse, courage  et  tempérance. Certes,  l'homme a tendance à vouloir s'attribuer plus  que  les  autres  au  mépris  de  tout  mérite  : si  comme  Gygès,  nous  trouvions  un  anneau nous  rendant  invisibles,  nous  commettrions les  pires  injustices.  Mais  Gygès  était  un  berger  privé  d'éducation,  et  qui  vivait  hors  de  la cité  :  l'enjeu  de  la  politique,  c'est  précisément de rendre les citoyens  meilleurs,  en  leur  faisant acquérir  cette  vertu  qu'est  la  justice,  contre leurs  penchants  égoïstes.

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