LE SUJET - CHAPITRE 2

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CHAPITRE 2 : LA PERCEPTION

L'essentiel du cours

J'ai la  sensation  d'une  couleur  ou  d'une  odeur, mais  je  perçois toujours  un  objet  doté  de  qualités  sensibles  (une  table  rouge et  sentant  la  cire). 
Alors,  si  je  ne  perçois  pas  simplement  du rouge, mais  une  chose  rouge, cela  signifie  que, quand  je  perçois, j'identifie  des  objets  (l'objet  table,  ayant  telles  ou  telles  qualités sensibles)  et  que  j'opère  la  synthèse  des  sensations  provenant de  mes  différents  sens. 
La  question  est  alors  de  savoir  d'une part  comment  s'opère  cette  synthèse,  et  d'autre  part  comment je reconnais tel ou tel objet.

COMMENT ARTICULER  PERCEPTION   ET  SENSATION  ?

On peut soutenir que ce sont les différentes sensations  qui  vont  s'additionner  pour  composer l'objet  :  la  sensation  du  toucher  de  la  table,  de sa  couleur  et  de  sa  forme,  s'ajoutent  les  unes aux  autres  jusqu'à  constituer  la  perception de  l'objet  «  table  ».  C'est  la  solution  défendue par  les  empiristes  :  la  connaissance  dérive  de l'expérience,  entièrement  faite  d'une  accumulation  de  sensations.  Nous  avons  d'abord des  sensations,  et  ce  sont  elles  qui  composent nos  idées.

Mais  comme ces sensations  se  présentent  toujours  conjointement  dans  mon  expérience sensitive,  je  finis  par  prendre  l'habitude  de  les unir  :  je  désigne  alors  leur  union  par  un  seul nom (je  nomme « tulipe » l'union  de  certaines odeurs,  couleurs,  et  formes  se  présentant  ensemble). 
Au  sens  strict,  toute  chose  n'est  alors qu'une collection  de  sensations,  unies  sous une seule  dénomination  par  une  habitude.

LA  PERCEPTION  EST-ELLE  RÉDUCTIBLE À  UNE SOMME DE SENSATIONS ?

Peut-on  cependant  réduire  ainsi  l'objet  à  une collection  de  qualités  senties  et  la  perception à  une somme de sensations reçues  ?  Descartes montre  que  c'est  impossible  :  prenons  un morceau de cire qui vient d'être tiré de la ruche ; il  est  dur,  odorant,  et  possède  une  forme  déterminée.  Mais  si  on  l'approche  d'une  flamme, ces  qualités  sensibles  disparaissent  toutes  ;  et pourtant,  chacun  le  reconnaîtra  avec  évidence, «  la  même  cire  demeure  ».  L'expérience  révèle donc  que  la  cire  était,  à  mon  insu,  autre  chose que  ce  que  je  croyais  :  elle  n'est  pas  un  assemblage  de  qualités  sensibles  ;  son  essence  doit être  distinguée  de  son  apparence.

Edmund  Husserl  (1859-1938),  philosophe  allemand, fondateur de la méthode phénoménologique.

Qu'est-ce  donc  alors  qui  me  fait  connaître  ce qu'est  la  cire,  si  ce  ne  sont  pas  mes  sensations  ? Selon  Descartes,  c'est  une  «  inspection  de  l'esprit  »  :  si  l'objet  est  ce  qui  demeure  le  même par-delà  les  variations  de  l'expérience  sensible, alors  la  perception  ne  peut  être  qu'un  acte intellectuel.  Or  la  raison  me  fait  reconnaître  que la  cire n'est pas une somme de qualités sensibles, mais  une  forme  flexible  et  muable.  Percevoir un  objet,  ce  ne  serait  donc  pas  le  sentir  mais  le concevoir.

LA  PERCEPTION  EST-ELLE   RÉDUCTIBLE  À  UN  ACTE  DE  LA  RAISON  ?

Se  pose  ici  une  alternative  :  ou  bien  on  soutient  avec  les  empiristes  que  la  perception se  confond  avec  la  sensation,  mais  alors  elle n'offrirait  qu'un  pur  divers  sans  unité  ni signification  propre  ;  mais  cela  ne  correspond  en  rien  à  notre  expérience  perceptive. Ou  bien  on  soutient  avec  Descartes  que  la perception  d'un  objet  se  confond  avec  un  acte de  la  raison  :  percevoir,  c'est  concevoir,  ce  qui fait  aussi  problème.  Comme  le  note  en  effet  Merleau-Ponty,  devant  la  raison,  un  carré  est toujours  un  carré,  qu'il  repose  sur  l'une  de ses  bases  ou  sur  l'un  de  ses  sommets  ;  mais pour  la  perception,  dans  le  second  cas,  il est  à  peine  reconnaissable  :  nous  percevons spontanément  autre  chose.  Par  conséquent, il  faut  sans  doute  sortir  de  l'alternative  si l'on  veut  rendre  compte  de  notre  expérience perceptive  réelle  :  l'objet  perçu  ne  serait  alors ni  une  pure  collection  de  diverses  qualités
senties  par  les  sens,  ni  un  pur fragment  d'étendue  conçu  par la  raison.  Il  faudrait  cesser  de confondre  la  perception  avec autre  chose  qu'elle  (sensation ou intellection)  et  lui  restituer sa  spécificité.

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