LA REFLEXION PHILOSOPHIQUE - CHAPITRE 4

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L'IDÉE D'UNE PHILOSOPHIE AFRICAINE

INTRODUCTION

Le débat portant sur l'existence ou la non existence d'une philosophie africaine tire sa source à partir d'un préjugé raciste. Il s'agit d'une conception européocentriste qui conçoit le noir comme un être sans culture, ni civilisation. Certains philosophes vont même défendre cette idéologie européocentriste. Par exemple Hegel affirme : « pour le temps pendant lequel il nous a été donne d'observer l'homme africain, nous le voyons dans l'état de sauvagerie et de barbarie. Le négre représente l'homme naturel dans toute sa barbarie et son absence de discipline ». D'autres penseurs tels que David Hume, Martin Heidegger, Lucien Levy Brühl et Arthur de Gobineau ont également défendu cette idéologie.
Sans nous appesantir sur ce débat, nous allons situer les quelques moments de l'évolution de la question de la philosophie africaine et les principales prises de positions qu'elle a rendue possible.

I - LA PHILOSOPHIE AFRICAINE COMME ETHNOPHILOSOPHIE

Le terme ethnophilosophie renvoie à des recherches qui reposent en tout, ou en partie sur l'hypothèse d'une vision du monde, d'une philosophie collective. Il s'agit donc d'une étude menée dur un groupe social donné en vue de légitimer une philosophie. En Afrique, ethnophilosophie va prendre avec la parution de l'ouvrage de Placiade Tempels (1945). Tempels était un missionnaire belge qui explorait la région des grands lacs. Au cours de ses expéditions, il va découvrir la richesse de la culture Bantoue. Dans son livre la philosophie bantoue, Tempels nous écrit une forme d'ontologie. Les Bantoues avaient une conception de lettre qu'ils représentaient par le vocal de « Muntu ». La publication de l'ouvrage du missionnaire belge va susciter plusieurs réactions. Dans un premier temps, nous avons des réactions favorables. L'Abbe Alexis Kagamé va publier deux ouvrages pour prolonger l'œuvre de Tempels. Les penseurs de la Négritude : Alioune Diop, Senghor, Damas, Alassane Ndao, Césaire, etc. vont également saluer le travail de Tempels. Certains penseurs européens (Bachelard, Lavelle Marcl) reconnaissent le mérite de Tempels.
Les travaux de Cheikh Anta Diop et l'ouvrage d'Assane Sylla intitulée La philosophie wolof s'inscrivent dans la même dynamique que le texte de Tempels.

II - LA CRITIQUE DE L'ETHNOPHILOSOPHIE

A la suite du succès de l'ouvrage de Tempels, nous allons assister à une critique de l'ethnophilosophie. Certains Africains vont développer des critiques en s'appuyant sur l'œuvre de Tempels.

➡ Le Camerounais Marcien TOWA pense que les ethno philosophes sont victimes d'une confusion. Pour lui, ils confondent l'ethnologie qui utilise des techniques et méthodes propres à la science et la philosophie qui est une entreprise critique. TOWA affirme : « l'ethnophilosophie est à la fois une trahison de l'ethnologie et de la philosophie ». De plus, l'ethnophilosophie s'inscrit dans la même logique que la Négritude. Il faut préciser que TOWA a un point de vue critique à l'égard de la Négritude.

➡ Le Béninois Paulin Hountondji soupçonne Tempels de travailler au service de l'idéologie colonialiste. Hountondji pense que l'ouvrage de Tempels s'adresse à un public blanc. Ainsi, il fallait d'abord comprendre le Nègre pour ensuite mieux l'endoctriner et mieux l'exploiter. Pour le penseur béninois, le texte de Tempels peut être assimile à une enquête qui vise à mieux connaitre le Nègre.

➡ Enfin, le philosophe camerounais F. Eboussi Boulaga va mettre à nu un paradoxe dans le livre de Tempels. En effet, dans certains passages de philosophes bantoue, on note quelques incohérences. Par exemple, lorsque Tempels affirme : « nous ne prétendons certes pas que les Bantoues soient à même de nous présenter un traité de philosophie exposé dans un vocabulaire adéquat. C'est à nous qu'il appartient d'en faire le développement systématique. C'est nous qui pourront leur dire de façon précise, quelle est leur conception intime des êtres ».
Ici le paradoxe, c'est que les Bantoues soient dépositaires d'une philosophie dont ils ne sont conscients, ni capable d'exprimer.

À la vue de ces critiques, nous pouvons dire que l'ethnophilosophie présente des insuffisances. Maintenant, on est en droit de se poser la question à savoir : Sous quelles formes et à quelles conditions la philosophie africaine existerait-elle ?

III - LE DEPASSEMENT DE LA QUESTION

Les penseurs TOWA et Hountondji ont certes critiqué l'ethnophilosophie mais ils ont également proposé des pistes de solutions. Pour TOWA, les penseurs africains doivent participer à l'édification d'une civilisation universelle. Au lieu de défendre une philosophie propre à l'Afrique, les ethno philosophes devraient plutôt apporter leur pierre à l'édifice. Pour Hountondji, la philosophie africaine sous la forme d'une littérature. Il s'agit de l'ensemble des œuvres produites par les écrivains et ayant une portée philosophique.
L'ancien président ghanéen Nkrumah Kwamé va théoriser le concept de « consciencisme ». Il affirme : « notre philosophie doit trouver ses armes dans le milieu et les conditions de vie du peuple africain. C'est à partir de ces conditions que doit être créer le contenu intellectuel de notre philosophie : le consciencisme ». Nkrumah pense que les Africains doivent opérer une prise de conscience pour prendre en charge les préoccupations essentielles du continent.
Synthèse du passé et du présent dans un élan dynamique vers l'avenir, la philosophie africaine plonge ses racines dans les traditions. Elle pourrait renvoyer à une littérature orale traditionnelle qui n'a pas encore fini de se dévoiler. Il revient à la génération actuelle l'impérieuse tache d'opérer les fouilles archéologiques d'une pensée authentique à exhumer, d'une philosophie africaine qui ne saurait naitre ex nihilo, ni du simple effort tout à fait des philosophes de formation. Car la philosophie, âme qui vibre dans les contours culturels des peuples n'a pas attendu le vocable de philosophie pour commencer à exister.

Instagram et Twitter : Papywoss

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