LA RAISON ET LE REAL - CHAPITRE 16

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CHAPITRE 16 : LA VÉRITÉ

L'essentiel du cours

La  vérité  fait  partie  de  ces  termes  que  la  philosophie  scolastique nommait des « transcendantaux », parce qu'ils sont toujours « au-delà  »  (trans)  de  tout  ce  qui  est  (ens),  et  que,  comme  tels,  ils  ne sont pas définissables : il ne s'agirait pas alors de les comprendre, mais de les saisir  directement  par une intuition  immédiate.

QUEL SENS DONNONS-NOUS HABITUELLEMENT À LA VÉRITÉ  ?

Descartes  remarque  que  l'on  définit  couramment  le vrai  comme  ce  qui  n'est  pas  faux,  et  le  faux  comme ce  qui  n'est  pas  vrai...  Ici,  les  contraires  se  définissent les uns les autres, et la définition, circulaire, est purement « nominale », c'est-à-dire  qu'en  fait  elle  ne  définit rien. Il faut donc chercher une autre définition. Pour cela, il faut d'abord définir  ce  qui  est  susceptible  d'être vrai  ou faux.

QU'EST-CE QUI EST SUSCEPTIBLE D'ÊTRE VRAI OU FAUX  ?

Seuls nos énoncés sur les choses, et non  les  choses  elles-mêmes,  sont susceptibles d'être vrais ou faux ; et encore : la prière, le souhait, l'ordre, etc.,  sont  des  énoncés  qui  n'ont  pas de valeur de vérité. En  fait,  seuls  les  énoncés  qui  attribuent  un  prédicat  à  un  sujet,  c'est-à-dire  les  jugements  prédicatifs, peuvent être vrais ou faux. La vérité serait  alors  d'attribuer  à  un  sujet  le prédicat qui exprime bien comment le sujet est réellement (par exemple, l'énoncé « la table est grise » est vrai si  la  table  réelle  est  effectivement grise).  Une  proposition  serait  donc vraie  quand  elle  décrit  adéquatement la chose telle qu'elle est.

LA DÉFINITION DE LA VÉRITÉ COMME ADÉQUATION EST-ELLE SATISFAISANTE  ?

Saint Thomas d'Aquin a le premier défini  la  vérité  comme  l'adéquation  de  l'esprit  et  de  la  chose. Mais  pour  que  cette  définition soit  valide, il  faudrait que je puisse comparer  mes  idées  aux  choses  ;  le  problème,  c'est que je n'ai jamais affaire aux choses en elles-mêmes, mais seulement à  ma représentation des choses. Or, rien ne m'assure que le monde est bien conforme à ce que j'en perçois ; il se pourrait, comme l'a montré Descartes, que toute ma vie ne soit qu'un « songe bien lié  »,  que  je  sois  en  train  de  rêver  tout  ce  que  je  crois percevoir  :  rien  ne  m'assure  que  le  monde ou autrui existent  tels  que  je  les  crois  être.

FAUT-IL ALORS RENONCER À PARVENIR À LA  VÉRITÉ  ?

Même  si  tous  mes  jugements  sont  faux,  il  est cependant  une  seule  chose  dont  je  ne  peux  pas douter  :  pour  se  tromper,  il  faut  être  ;  donc,  je  suis. «  Je  pense,  donc  je  suis  »  est  la  seule  proposition nécessairement  vraie.  Cette  intuition  devient  le modèle  de  la  vérité  :  il  ne  s'agit  plus  de  comparer mes  idées  aux  choses,  ce  qui  est  impossible,  mais mes  idées  à  cette  intuition  certaine,  le  cogito.  Toute idée  qui  est  aussi  claire  et  distincte  que  le  cogito  est nécessairement vraie. Cependant,  à  ce  stade  du  doute  méthodique,  je  ne suis  assuré  que  d'être  en  tant  que  chose  qui  pense  : pour  m'assurer  qu'autrui  et  le  monde  existent, et  me  sortir  du  solipsisme,  Descartes  devra  par  la suite  poser  l'existence  d'un  dieu  vérace  et  bon  qui ne cherche pas à me tromper.

QUELLE EST LA SOLUTION PROPOSÉE PAR  DESCARTES  ?

« Je pense, donc je suis » : il est impossible de douter de cette proposition. La certitude du cogito ne me dit cependant rien d'autre : hormis cela, je peux encore me  prendre  à  douter  de  tout.  Mais,  parmi  toutes  les idées dont je peux douter, il y a l'idée de Dieu. L'idée d'un être parfait est elle-même nécessairement parfaite  ;  or,  je  suis  un  être  imparfait  :  de  mes  propres forces, je ne peux donc pas avoir une telle idée. Si  j'ai  l'idée  de  Dieu, il faut donc que ce soit Dieu lui-même qui l'ait mise en mon esprit ; par conséquent, je  suis certain que Dieu existe avant d'être sûr que le monde est  comme je  le  perçois.  Mais  si  Dieu  existe, et  s'il  est  parfait,  il  doit  être  vérace  et  bon  :  il  ne peut  avoir  la  volonté  de  me  tromper,  et  le  monde doit  bien  être  tel  que  je  me  le  représente.  Descartes est  ainsi  contraint  de  poser  l'existence  de  Dieu  au fondement de la vérité.

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