ÉPISTÉMOLOGIE - CHAPITRE 13

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SCIENCE, TECHNIQUE ET ÉTHIQUE

I - SCIENCE ET TECHNIQUE

Il est de nos jours assez courant d'associer la science à la technique. On parle en effet indifféremment de progrès scientifique et techniques, sans faire l'effort de déterminer dans ses progrès la part qui revient à la science et celle qui est propre à la technique. L'usage habituel de ces deux mots va même jusqu'à considérer comme identique les domaines qu'ils désignent. Il est donc nécessaire de définir science et technique, pour voir si leur identification se justifie et pour comprendre leurs rapports.

On peut définir la technique avec André Lalande comme « un ensemble de procédés transmissibles bien définis, jugés utiles à certaines fins ». Autrement dit, la technique renvoie à un savoir-faire qui a une finalité utilitaire et qui est répétable et transmissible. L'action technique suppose donc des moyens que l'on met en œuvre, suivant des règles bien déterminées pour atteindre des fins données. Les moyens utilisés sont, dans certains cas, visibles, objectifs : il s'agit notamment des machines, des instruments, des outils, bref des produits de l'ingéniosité de l'homme par lesquels celui-ci entre en contact avec le milieu physique environnant et le transforme pour assurer sa survie. Dans d'autres cas, les moyens mis en œuvre ne sont pas visibles car ils se traduisent en termes d'aptitudes acquises par l'homme, lesquels lui permettent de réaliser des effets qui lui sont bénéfiques. Ces aptitudes sont l'ensemble des techniques du corps qui se manifestent à travers l'habileté, le talent, la dextérité dont on fait montre pour atteindre une fin déterminée.
La technique ainsi définie est-elle semblable à la science ? Sinon qu'est-ce qui la distingue de l'activité scientifique ?

La science est une connaissance rationnelle qui s'élabore à partir de l'observation et du raisonnement expérimental par lesquels elle cherche à comprendre les phénomènes naturels et à les expliquer de façon objective.
En tant que quête de savoir et besoin de comprendre ce qui est, la science a-t-elle quelque chose à voir avec la technique ? Ont-elles la même visée ?
A ces questions, Gilles-Gaston Granger répond : « savoirs techniques et connaissance scientifique ne saurait se confondre car les techniques ne possèdent ni le caractère désintéressé, ni la vertu démonstrative ou du moins explicative de la connaissance scientifique. En outre, technique et science relèvent de deux orientations différentes de la pensée ». Si l'on en croit Granger, la science est par essence mue par une préoccupation purement intellectuelle, une préoccupation de connaissance. A l'opposé de la technique qui se définit surtout par son caractère utilitaire et pratique, la science, elle, est plutôt théorique et désintéressée. Si par l'action technique, l'homme transforme son milieu physique pour assurer sa survie, le credo de toute connaissance scientifique est de comprendre la nature, non pas pour agir sur elle, mais comprendre pour comprendre. Par la science, l'homme cherche seulement à satisfaire sa curiosité intellectuelle, à étancher sa soif de connaitre. Ainsi définie, la science, par son caractère désintéressé, pourrait se rapprocher de l'art en tant que création libre et sans contrainte du beau. Aucune nécessité n'oblige l'homme à s'adonner à la fantaisie créatrice de l'art, de même que aucun besoin de survie ne l'amène à entreprendre des recherches scientifiques.

1 – L'antériorité de la technique par rapport à la science

Si l'on en croit la définition apportée par André Lalande sur la technique, un constat s'impose : une telle définition ne peut s'appliquer qu'aux techniques modernes. Or, de toute évidence, c'est la technique qui a, historiquement, précédé à la science. Car, dès l'aube de son histoire, l'homme s'était fait « homo faber » c'est-à-dire un animal qui fabrique des outils, parce qu'il était contraint de satisfaire les nécessités de la vie. L'homme a d'abord eu le souci de se servir de ses mains pour fabriquer des outils par lesquels il transformerait son milieu physique afin d'améliorer ses conditions d'existence. La volonté de connaitre scientifiquement les lois de comportement du monde ne se manifestera que beaucoup plus tard. En ce sens, Spengler conçoit la technique comme « une tactique de la vie ».

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