LE SUJET - CHAPITRE 3

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CHAPITRE 3 : AUTRUI

L'essentiel du cours

Qu'est-ce qu'autrui  ?  un  autre  moi-même,  c'est-à-dire celui  qui  est  à  la  fois  comme  moi  et  autre  que  moi. rencontrer  autrui, cela  suppose  donc  d'une  part  la  vie  en communauté ; mais d'autre part, comme je ne saurais être moral tout  seul, la  moralité  elle-même  suppose la  rencontre  d'autrui.

COMMENT DÉFINIR CE QU'EST   AUTRUI  ?

La  réponse  semble  simple:  autrui,  ce  sont  les autres  hommes dans leur ensemble. Cela signifie  que  je  ne  comprends  jamais  autrui  comme étant seulement autre chose que moi, une chose parmi  les  choses.  Dès  la  perception,  je  ne  vise pas  autrui  comme  je  vise  une  chose  inerte, c'est-à-dire  comme  une  pure  altérité  :  autrui est  tout  à  la  fois  autre  que  moi  et  identique  à moi.  En  termes  platoniciens,  autrui  entrelace le  même et l'autre.

QUEL  RAPPORT  EXISTE-T-IL  ENTRE  MOI ET  AUTRUI  ?

Nous  avons  retenu  du  solipsisme  cartésien l'idée  que  le  moi est plus certain  que le monde : il  y  a  d'abord  le  moi,  puis  ensuite  seulement  le monde  et  autrui.  Selon  Descartes  en  effet,  je n'ai  pas  besoin  d'autrui  pour  avoir  conscience de moi ; mais tout seul, puis-je avoir conscience d'exister  ? Husserl  va  montrer  que  la  conscience  n'est  pas une substance, mais une ouverture à l'altérité : je  n'ai  pas  d'abord  conscience  de  moi,  puis d'autrui  et  du  monde,  parce  que  ma conscience est  d'emblée  rapport  au  monde  et  à  autrui.  Le monde dont je suis conscient n'est pas un désert vide,  car  je  peux  deviner  la  trace  d'autrui  derrière  les  choses  :  le  chemin  sur lequel  je  marche n'a  pas  été  tracé  par  mes  seuls  pas.

EN  QUOI  LA  VISÉE  D'AUTRUI  EST-ELLE SPÉCIFIQUE  ?

À  même  la  perception,  je  distingue  moi,  les autres  choses  que  moi,  et  autrui,  c'est-à-dire l'autre  moi.  Husserl  montre  que  cette  distinction,  qui  semble  toute  naturelle,  est  en  fait  très complexe,  et  repose  en  dernière  analyse  sur le  langage  :  autrui,  à  la  différence  des  choses, répond  quand  je  lui  parle.

  Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831).
Par  le  langage,  je  suis  avec  autrui  en  situation de  compréhension  réciproque  (ce  pourquoi, d'ailleurs,  je  ne  me  comporte  pas  de  la  même façon  seul  que devant autrui).  Le langage fonde donc  la  «  communauté  intersubjective  ».  Un langage  que  je  serais  seul  à  comprendre  serait au  mieux  un  code,  au  pire  un  charabia  :  par le  seul  fait  que  je  parle  une  langue,  je  ne  suis jamais  seul,  parce  que  parler  une  langue,  c'est d'emblée  appartenir  à  une  communauté.

EN  QUEL  SENS  AI-JE BESOIN  D'AUTRUI   POUR  ÊTRE  CONSCIENT DE  MOI-MÊME ?

Pour Hobbes, j'ai besoin d'autrui parce  qu'il  est  dans  la  nature humaine de désirer qu'autrui admette ma supériorité. La nature humaine révèle donc un désir de pouvoir sur autrui.

Hegel  juge  cette  thèse  insuffisante,  car  Hobbes  suppose  une nature  humaine  antérieure  à  la rencontre  d'autrui.  Mais  selon Hegel,  je  ne  suis  homme  que  si l'on  m'accorde ce statut. Le désir de  pouvoir,  et  donc  le  besoin d'autrui  n'est  pas seulement révélateur,  mais  bien  constitutif  de mon humanité.

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