*Frère de sang I*

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Deker, les bras croisés près de la barre, jeta ses ordres en hurlant. Aujourd'hui, le temps était pluvieux et orageux, les vagues tapaient férocement sur le navire. Le soleil, caché par des nuages, venait à peine de se lever, mais il ne comptait pas rester une heure de plus dans cette crique infesté de sirènes et autre créatures des profondeurs. Un frisson le parcourut lorsqu'il repensa à sa rencontre avec cet être. Ça faisait deux jours qu'il avait jeté l'ancre mais maintenant que les pêcheurs avaient ravitaillé le bateau en poissons, il était temps de partir. Quelques matelots qui s'étaient réveillés à l'aurore, aidèrent à tendre les voiles du pont principal en tirant les cordages et amures. Ugly Johns, quant à lui, se déplaçait agilement sur les marches pieds pour dérouler les voiles et hurlait par la même occasion sur les deux gabiers qui, encore endormi, peinait à faire leur travail.

Une fois les voiles libérées et tendues un souffle les fit gonfler ; le Black-Send demandait à partir loin pour voguer sur les eaux.

-Relevez l'ancre ! Hurla Valens.

Quatre matelots se rendirent à l'avant du navire en courant. Cann, qui les suivait de près, leur hurlait de se hâter. Arrivé au cabestan (treuil vertical servant à remonter l'ancre), chaque matelot se plaça devant un manche et, ensemble, ils poussèrent vers l'avant. Un câble en fer s'enroula autour de la poulie puis la chaîne s'enroula elle aussi en grinçant. L'ancre enfouis sous le sable commença à remonter. Une fois qu'elle n'eut plus d'emprise sur le sable et les coraux le bateau s'élança sur les eaux, à nouveaux libre.

-L'ancre est haute et claire cap'taine !! Annonça un matelot trempé de sueur par l'effort.

Deker agrippa la barre de son navire et le guida hors de cette crique. La sortie était étroite, mais assez large pour laisser passer le Black-Send. Le capitaine de ses doigts agiles vira légèrement par bâbord. Très concentré sur sa tâche, il prenait bien soin de s'éloigner des parois rocheuses ; une seule éraflure sur la coque pouvait faire couler le navire. Les mousses se placèrent de parts et d'autres du navire afin d'observer son avancée. La coque passait à quelques mètres des parois et les matelots furent soulagés quand ils sortirent de ce tunnel sans fin. Deker avait pris l'habitude de ce genre de manœuvre : lors des assauts, c'était lui qui manœuvrait afin de placer stratégiquement le Black Send par rapport aux tirs aux canons. À la sortie de la crique, une bourrasque de vent déporta le bateau sur tribord et une pluie épaisse se mit à tomber. Le tricorne d'un matelot, percher dans le nid de pie, s'envola.

-Arrrg ! Aller qu'vient ici toi...

Il ramassa son chapeau et, quand il releva son regard, son cœur fit un sursaut dans sa poitrine. D'un bond, il se pencha et hurla à plein poumon :

-Ennemis en poupe cap'taine !

Deker qui entendu l'alerte, se vit en difficulté : s'il lâchait la barre, le vent, qui s'engouffrait voracement dans les voiles, pousserait le bateau sur les récifs rocailleux.

-Nell ! La jeune rousse rappliqua en quelques minutes, ces cheveux en bataille indiquant son réveil précipité.

Deker lui laissa la barre et déplia rapidement sa longue-vue. Quand il eut le navire en vue, il eut un geste de recul.

-Ils nous attendaient...Fit le capitaine en constatant que sur le navire adverse, les mousses s'activaient pour déplier les voiles.. La Frégate impériale, le Santa-Victoria !

Ce bâtiment de guerre était très rapide et fin. Il pouvait embarquer un équipage de 300 à 600 hommes et était armé d'une soixantaine de canons, trente de part et d'autre du navire de guerre. En d'autres termes, le Black-Send n'était pas de taille à lui tenir tête, et ça Valens le savait.

Les mers d'un autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant