*Mutinerie*

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« Aïe... non arrêtez, pitié ! Je vous en prie je dépose les armes pitié. » gémissait la captive.

Shelka recula, apeurée. Elle ne cessait de demander clémence à son bourreau. Les mains en l'air et le dos bloqué par une cloison, elle s'agenouilla en signe de résiliation. Son bourreau s'avança vers elle, ses pas étaient incertains, il savait de quoi elle était capable, mais son cinéma était, contre toute attente, convaincant. Curieux il observa ses faits et gestes, essayant de trouver une once de faux dans toute cette mascarade. Mais les larmes coulant le long des joues de la jeune femme suffirent à l'assaillant pour s'avancer un peu plus. Le bourreau savait que tout n'était que pure comédie, son léger sourire au coin de la lèvre en disait long. Mais, se laissant aller à la négligence, il fit un pas. Un pas qui renversa, sans qu'il le veuille, les rôles de cette pièce.

Soudain, il sentit ses pieds se dérober sous son poids et l'instant d'après son visage heurta le sol. Un gémissement sortit de sa bouche lorsqu'il ressentit une douleur vive sur le coin de sa tête. Il lâcha des jurons plaintifs faisant décrocher un large sourire à l'être qui se retrouvait maintenant en position de force.

« Pfff, tu n'es pas assez sur tes gardes » conclu Shelka, une pointe de sarcasme dans la voix.

D'un enjambement fluide et rapide, l'être se retrouva sur le torse de son assaillant. Ce dernier, surpris par ce revirement de situation, se déchaina. Il balançait ses mains et ses pieds, plus animés par la panique que la fougue, essayant de faire tomber la victime qui était devenu l'agresseur. Il tenta dans un ultime instinct de survie de porter ses mains à la gorge de Shelka, et serra sa prise. Dans ses paumes, l'air glissait faiblement. Il sentait les veines gorgées de sang battre frénétiquement contre sa peau et la respiration sifflante et haletante de la jeune femme indiquait que son attaque n'était pas veine.

(Le bourreau crut voir passer quelque chose dans le regard de Shelka, une émotion qui ne semblait pas appartenir à son jeu finement interprété jusqu'à présent, une sorte d'étonnement, presque de la panique. L'impression ne dura qu'un millième de seconde tout au plus avant qu'un coup de poing sec ne vienne frapper ses côtes avec force, lui faisant relâcher sa prise. Shelka en profita alors pour se relever tandis que le bourreau se replia sur lui-même, un rictus de douleur contractant les traits de son visage.

L'être toussa quelques secondes en massant son cou marqué par l'empreinte des doigts. Elle sourit.

« Tu progresse Iloé, tu pourrais presque survivre une minute dans une bataille. Écoute bien, si un jour tu te retrouves en mauvaise posture, joue la fille fragile et sans défense comme je viens de le faire. Même si tu savais que c'était faux tu t'es approché quand même et ça t'a été fatal. Seulement une fois que les rôles sont inversés, il ne faudra pas laisser le temps à ton assaillant de renverser la situation, tu devras le tuer sans hésitations. »

L'ancêtre se racla la gorge et s'assit à côté d'Iloé qui s'étendait par terre, épuisée. Ces dernières semaines avaient été mouvementées pour tous, entre les tempêtes anormalement successives et les murmures qui parlaient de mutinerie. Même de sa petite cellule Shelka pouvait sentir la tension qui s'alourdissait chaque jour. C'était inévitable, il avait raison...

« Iloé, j'ai... hésita l'être en regardant son poignet, j'ai quelque chose à te donner, tends ta main. »

La jeune femme se redressa alors, interloquée par ce soudain élan de gentillesse. Le visage de Shelka paraissait tendu, ce qui attisa la curiosité de la jeune femme. Était-ce encore un entrainement vicieux de sa part ?

Ces dernières semaines, elle lui avait fait vivre un véritable enfer. À peine ouvrait-elle la porte de la cellule que Shelka la menaçait de son couteau, et elle ne plaisantant pas dans ses attaques. Iloé ne comprenait pas ce soudain revirement de situation, cette soudaine envie de « l'entrainer à survivre », c'est donc avec une certaine méfiance qu'elle tendit sa main ouverte vers son ancêtre.

Les mers d'un autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant