*La promesse*

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La voix d'Iloé portait, résonnait. Aussi fort qu'elle le pouvait, elle criait jusqu'à s'en briser la voix, jusqu'à s'en donner des vertiges. Mais d'autres hurlements, cette fois plaintifs, les recouvraient totalement. Ces gémissements couvraient même les rires ignobles des mutins. Ils butaient sur chaque mur des cales déchirant chaque fois un peu plus le cœur de la captive, spectatrice depuis sa cellule, de cette scène révoltante. Bientôt, la voix de Deker allait faiblir sous les sévices interminables d'Adamak. Ce n'était qu'une question d'heures. Une peine afflictive, trop brutale pour un homme dans un état second. Même un homme sain aurait faibli sous ces coups progressifs. Iloé continua de se faire entendre malgré sa voix défaillante. Pour pallier cette faiblesse, elle frappa du poing sur la porte, faisant trembler brutalement les murs de la pièce.

« Adamak ! » Appelait-elle pour attirer son attention.

Malheureusement, personne ne l'entendait. Iloé continua ainsi de longues minutes jusqu'à ce qu'un silence recouvre le navire tout entier. Croyant qu'on avait remarqué son affront, elle s'arrêta, attendant de voir arriver le bourreau de Valerens. Le souffle court, elle tendit l'oreille.

« Ouvre les yeux ! Je n'ai pas encore fini avec toi... J'ai dit ouvre les yeux ! »

La voix d'Adamak fit frissonner la jeune femme. Haine et colère donnaient le ton. Le traître n'allait pas s'arrêter, pas en si bon chemin. Tant que Valerens respirait, il allait continuer son massacre. Cet homme jouait de la situation, il en tirait tous les avantages. Il instaurait la crainte, le pouvoir et la droiture, de sorte qu'aucune mutinerie n'éclate sous son commandement. Il s'affirmait un peu plus sur le Black-Send, de peur que Deker lui passe à nouveau devant. Adamak savait sa vie sur un fil s'il laissait Deker en vie. A la moindre occasion, sa tête volerait par-dessus bord.

« Tu es pitoyable. Tu respires à peine, tu ne tiens même plus debout. Ton visage noir te rend méconnaissable, pourtant... Tu continues à me regarder avec rage, tu luttes encore. Abandonne Valerens et je te laisserai mourir rapidement. Tu es fini de toute façon, siffla Adamak accompagné de quelques encouragements.

-C-Cállate la boca... »

À nouveau, le bourreau arracha un cri de détresse au captif provoquant une vague de rire.

« Tu arrives encore à parler ? grommela le traitre les dents serrées.

« Continue...Continue à t'amuser, je ne te raterai pas... » Jura le captif entre deux quintes de toux.

Iloé se figea lorsque le clic de l'arme chargée résonna dans la cage d'escalier. Adamak mettait un terme à ce massacre qui n'avait que trop duré. Depuis le début, elle avait espéré cette finalité, une mort douce qui mettrait un terme à cette barbarie, mais maintenant qu'elle était arrivée, ce désir salvateur s'était envolé. La jeune femme n'était pas encore prête à vivre seule sur ce navire.

Décontenancée, son regard butait sur la poignée de la porte à la recherche d'une quelconque idée, d'une issue possible. Mais personne ne remarquait ses appels, ni même les coups sur la porte. Lentement, elle recula et se laissa quelques instants, le temps de calmer sa voix et de reposer ses mains. Là-haut, Adamak aboyait sur le captif. Inquiète de la tournure que prenait cette mutinerie, elle ne cessait de penser à l'issue de cette dernière. Comment ça allait terminer ? Ce monde de barbare défi toutes les lois humaines. Dans ses cours d'histoire il n'était pas sujet d'autant de barbarie. Ces derniers sont bien loin de retranscrire la vérité. Perdu, elle posa une main sur la poutre en bois afin de pouvoir tenir debout. Ses jambes tremblaient dû à la peur et à l'adrénaline. Une vague frappant le navire pouvait facilement la faire vaciller.

« Réveille-toi ! Regarde-moi avant de mourir ! »

Il fallait empêcher cette exécution. Au fond d'elle, une certaine détermination commença à se mouvoir et à prendre de la place. Iloé ne savait si c'était la folie du désespoir ou simplement du suicide mais elle devait sortir de cette pièce et monter sur le pont. Mais comment ? Soudain elle s'écarta vivement de la poutre tout en se tenant la main. Cette dernière cloquée et rouge la fit grimacer. Ses yeux s'agrandirent lorsqu'elle posa son regard sur la lanterne. Cette flamme vacillante était l'opportunité qu'elle cherchait. Seulement...elle était à double tranchant. En mettant le feu à sa cellule elle risquait de créer un brasier immense mettant en péril le navire tout entier. Ensuite, il y avait le risque qu'elle meurt asphyxiée dans cette pièce sans que les matelots l'aient remarquée. Trop obnubilés par cette humiliation publique, ils ne prêteraient même pas attention à ce qu'il se passait dans les cales.

Les mers d'un autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant