*Le pouvoir des ancêtres*

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Bonne année à tous, bien que nous soyons bientôt en février ^^'

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Des pas lents, foulant le sol avec minuties, résonnaient affreusement. Le tic-tac d'une horloge imaginaire se faisait entendre. Il se rapprochait. Les battements de son cœur couvraient à peine ce bruit affolant. Le souffle court, elle resserra un peu plus son étreinte. Elle serait la barrière entre la barbarie et la souffrance. Le bouclier qui n'existait pas encore à cette époque et qui, dans l'époque moderne, n'était qu'illusion. Ses pensées allèrent à sa vie d'avant. À sa vie pénible ou chaque matin elle se demandait si elle aurait de quoi se nourrir, de quoi se chauffer. Elle ne regrettait pas d'avoir été jetée dans le passé. Elle ne regrettait pas ses rencontres et ses expériences. Elle était devenue plus forte, et Adamak l'avait aidé. Aujourd'hui sonnait l'heure où il allait comprendre que la frêle jeune femme d'il y a presque deux ans, s'était armée de rage.

Son regard parcourut une dernière fois l'horizon bleu avant de se fermer calmement. Quoiqu'il allait advenir, elle était décidée à lutter.

« Debout, tu dois payer pour ton affront. »

Le silence volontaire de la captive irrita un peu plus Adamak. Le feu dans les cales avait causé bon nombre de dégâts. Par chance, la coque n'avait pas été touchée, seuls les provisions et les nerfs des marins avaient été ébranlés.

« Il mourra, seul ou avec mon aide. Le protéger te fait prendre des risques. » Tenta calmement le traitre.

Iloé haussa ses épaules. Leurs vies étaient peut-être dans les mains du mutin mais pas leur volonté de vengeance. Leurs corps étaient prisonniers de ce navire mais pas leur conscience. Et il n'était pas les seuls à lutter. Un autre allié presque oublié était là lui aussi, prêt à lutter, mais pas à tuer... Pas encore.

« Lève-toi ! » hurla de rage Adamak.

A nouveau, seuls le silence et l'indifférence lui répondirent.

Cette fois, sa patience arrivait à son terme. Cette femme, malgré son utilité, allait elle aussi souffrir. Quelques secondes s'écoulèrent avant que le crissement d'une épée arriva jusqu'à ses oreilles. A nouveau, le son des pas résonnait dans le navire. Iloé se raidit quelques instants. Malgré cette présence rassurante que pouvait faire cet allié ? Elle le sentait faible mais bouillonnant de rage.

« Tu as vu de quoi j'étais capable, pourquoi t'acharnes-tu à protéger un homme mort ?"

Ses pas se rapprochaient de plus en plus. Le temps s'écoulait lentement. La mort prenait sans doute son temps, songea Iloé.

« Tu auras été bien sotte. Finalement tu ne vaux pas mieux que cette minable de traitresse !"

La jeune femme pouvait sentir la fine lame près de son cou. Elle n'était qu'à quelques centimètres de sa chair. Un simple mouvement et son sang s'écouleraient sur le plancher. Mais IL ne voulait pas ça. Alors que le sifflement de la lame remplaça le tic-tac des pas, une tourmente s'éleva soudain du tréfonds des océans et propulsa Adamak quelques mètres plus loin, le fracassant contre le mât.

Alors que l'incompréhension se rependait sur le Black-Send, Iloé ouvrit les yeux et regarda au loin certaine de l'apercevoir.

« Tu es revenue » murmura-t-elle

Une légère brise vint effleurer sa peau, dégageant ses mèches de son visage. Iloé sentit alors une chaleur familière se poser sur sa joue. Enfin, elle pouvait mettre un nom sur cet allié. Il s'était manifesté lorsqu'elle était prisonnière de sa cellule. Il lui avait donné ce courage dont elle avait eu besoin. Et là, maintenant, il était son bouclier.

« Qu'elle est cette sorcellerie ?! s'affola un matelot

-Le dieu des océans la protège !

-Balivernes ! »

Un mutin qui se démarquait des autres par sa corpulence s'avança, armé de sa hache. Il était persuadé que l'océan était une énigme à lui seul, et qu'il n'avait pas besoin de Dieux puissants pour faire peur aux marins. Le vent s'était levé comme chaque jour, mais cette fois-ci plus fort que d'habitude. Sa soudaine violence n'était qu'un hasard ! Avant de lever sa hache, il jeta un regard au drapeau noir. Il ne flottait pas, pas de vent. La certitude coulait à flot dans son sang. Le dieu des océans n'existait pas et cette femme n'était qu'un être humain plus faible que les autres.

« Rien ne pourra me faire croire en une force surnaturelle, rien ! Alors ouvrez grand vos yeux et regardez comment une simple hache peut décapiter une tête »

La hache fendit l'air en un son net. Iloé pouvait pressentir cette lame aiguisée sur son échine. Mais, cette fois-encore cette lame ne la toucherai pas. L'arme se planta avec hardeur dans le plancher, le transperçant quelques peu. Le matelot surpris resta quelques secondes interdit. À une distance aussi courte, il était impossible de rater sa cible. Il essaya ensuite de dégager son arme mais sans succès, elle était bien trop enfoncée dans le sol. Ne voyant aucune autre arme à proximité il sortit son pistolet à silex et le pointa sur la tête d'Iloé. Une bourrasque plus violente que la précédente s'éleva et fit claquer inlassablement les voiles. Le navire se mit à tanguer sauvagement faisant tomber tous les matelots. L'homme qui se tenait derrière Iloé, quant à lui, fut expulsé du navire et jeté dans ce qui commença à devenir une houle.

« Un homme à la mer ! »

Tous se ruèrent maladroitement au bastingage à la recherche du matelot. Ils regardèrent partout pendant de longues minutes, mais il avait complètement disparu. Il ne restait rien de lui, pas même son chapeau.

« Il s'est noyé ! informa un matelot

-Impossible, il savait nager ! jura le canonnier

-Cette fille est maudite ! »

La peur et l'euphorie se propageaient comme la peste sur le navire. Aucun n'osait s'approcher plus de la jeune femme. Certains se mirent à genoux et prièrent les dieux de leur pardonner cet affront.

Adamak, qui avait du mal à se remettre du choc, essaya de se relever mais sans succès. C'est comme si un poids gigantesque se trouvait sur son dos. Lentement, il se traina par terre en direction de la jeune femme. Bien qu'il ait vu son matelot passé par-dessus bord, il ne croyait pas en une force surpuissante. Cette femme et ce bâtard allaient mourir et rien ni personne n'allait l'en empêcher. S'il devait ramper jusqu'à elle il le ferait.

Avec la rage qui affluait dans son corps il réussi à parcourir quelques mètres. Mais lorsque la captive se retourna, il vit dans ses yeux une chose indescriptible. Sans qu'il puisse l'expliquer, il se retrouva pour la première fois face à elle, en position de faiblesse. Une sensation de froid le parcourut des pieds à la tête. Il pouvait entendre son cœur s'emballer et résonner dans ses tempes. Ce regard acier le mettait dans un état de détresse totale. Cette sorcière incarnait toutes les superstitions liées aux femmes. Elle était pire que les sirènes qui peuplent ces mers. Soudain, il n'entendit plus son cœur battre dans ses tempes, il n'entendit plus les prières des matelots, seul comptait les yeux de la jeune femme. Il mit quelques secondes avant de comprendre que sa respiration s'était coupée et que son cœur ne battait plus. Il se mit alors à gémir, à hurler intérieurement, mais rien ni fit. Il se sentait mourir et ce regard serait la dernière chose qu'il verrait.

« Capitaine ! Aidez le capitaine ! »

À l'instant même où un voile noir se formait, du mouvement se fit autour de lui. Deux matelots s'agenouillèrent à ses côtés. Avec précipitation, ils le retournèrent et le mirent sur le dos. L'un d'eux se mit à taper sur son torse pour que son cœur batte à nouveau un autre donnaient des ordres pour quitter cet endroit maudit.

« Respirez capitaine, ouvrez les yeux et restez tranquille !"

Adamak passa de longues minutes à regarder le Jolly Roger flotter sur son mat. Lentement son souffle revient et le poids qui s'était posé sur son corps avait disparu. La mort était une sensation bien effrayante.



Les mers d'un autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant