*Un chemin similaire*

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                   Bolt Tomas Deker              et            Valerens Eneas Deker

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Bolt finit une énième bouteille d'alcool avant d'en entamer une autre, machinalement. Étrangement, la boisson n'avait aucun effet. La tristesse était toujours présente et la colère montait en même temps que la pile de bouteilles à ses pieds. Si son père entrait dans la pièce, là maintenant, il ne pouvait se promettre de rester à sa place comme un brave fils, ou le chien que son père avait dressé. Si un éclair de folie traversait son corps, il ne pourrait contenir la fougue qui l'animerait. Ses mains ne trembleraient pas pour le mettre en « joute ». Le temps de cette docilité était révolu. Le respect était à sens unique depuis le début, tout comme l'amour et l'idolâtrie qu'il avait éprouvés envers son père. Avait-il souhaité sa naissance ? L'avait-il L'avait-il aimé à un moment de sa vie ? Ses questions resteraient à jamais sans réponse, mais cela n'avait aucune importance, après tout, nous jugeons les choses présentes par le passé.

Lentement, le prince se leva de sa chaise. Il resta debout devant son bureau, aussi raide que le mat de son navire, à contempler le miroir à sa gauche. Il avait l'impression de voir Valerens dans ce reflet. Les mêmes traits commençaient à apparaître. La colère avait creusé son visage et noirci son regard. Son expression juvénile s'était transformée sous l'effet de la rage, assurément comme son frère au moment le plus noir de sa vie. Il y a quelques jours, il aurait pris cette ressemblance comme une injure, mais aujourd'hui il s'en sentait presque digne. Il espérait au fond de lui devenir comme ce bâtard. Devenir aussi fort, aussi fourbe, être son ménechme pour pouvoir mieux le détruire et pour avoir une chance d'abattre son géniteur.
Après tout, Bolt empruntait le même chemin que lui, l'affliction et l'acharnement lui montraient la route. Au bout de cette allée sinueuse, il trouverait cette force et ce courage qui le libèreront définitivement. Quelques jours le séparaient de cette liberté. Que ça soit la mort ou la vengeance, la finalité sera la même et elle aura un goût délicieux, presque apaisant.

Un son lourd retentit dans la pièce, le sortant instantanément de sa contemplation.

« Capitaine, puis-je entrer. Je viens aux nouvelles. Votre père ne vous a pas vu depuis trois jours. »

Le jeune prince serra les dents.

« Donnez-moi une minute. »

S'il avait eu le choix, il l'aurait renvoyé auprès de son père. Bolt rangea son arme à feu ainsi que son poignard dans un tiroir, aux côtés des lettres de sa mère. Une clef tourna dans la serrure avant de fini dans la poche de son manteau. La sécurité était de mise, surtout quand son père allait être l'objet de la conversation.

« Entrez »

L'individu entra dans la pièce comme en terrain conquis. Le titre de Bolt ne signifiait visiblement rien à ses yeux. Aucun salut militaire ni même une annonce conventionnelle, rien. Un simple regard altier émanait de cet individu. Le jeune prince le reconnu non sans mal, il s'agissait du Duc Perez, ancienne vermine pirate et actuellement second du commodore.

« Comme vous pouvez le constater, je suis en plein travail » Commença le capitaine sur un ton assez ferme.

Les yeux plissés, son interlocuteur avisa chaque bouteille d'alcool empilée à ses pieds.

« Assurément, vous travaillez. Ces bouteilles, vous donnent-elles des conseils ?

-Bien plus que mes propres conseillés.

-Votre père remarque un fléchissement de votre côté, êtes-vous malade ? Avez-vous appris une mauvaise nouvelle ? »

Le cœur de Bolt fit un bond dans sa poitrine. Son père était au courant. S'inquiétait-il pour son fils chéri ?

« La seule nouvelle qui me fâche est l'annonce de mon timonier. Nous allons essuyer une tempête qui nous vient de front, cela va nous retarder.

-Votre père a prévu le coup, donc cessez de vous préoccuper. De toute façon, vous êtes à nos ordres, vous n'avez qu'à obéir. »

Le prince chatouillait du bout de ses doigts la clef qui renfermait ses armes. Quelques secondes suffiraient à retirer ce sourire espiègle de son visage. Mais la voie de la sagesse le rappela à l'ordre...

« Obéir et respecter les supérieurs sont deux devoirs exigés, que visiblement vous ne maîtrisez pas encore, Officier. Vous confirmez l'incompétence que vous dégagez. Bolt dégagea un pan de sa veste dévoilant la flamboyante broche royale, vous êtes à mes ordres, donc ne vous préoccupez de rien contentez-vous d'obéir Perez, vous êtes payé pour ça. Avant de vouloir voler comme un albatros, assurez-vous d'avoir des ailes. »

Le ton épineux du capitaine étonna le second-maître. L'alcool était-il la cause de cette rébellion ? Quoi qu'il en soit, le capitaine trouillard avait pris sa pause et avait mis pour le remplacer un parfait inconnu. Mais Perez se ressaisit après quelques minutes de silence. Il replaça son tricorne et se dirigea vers la porte.

« Pour l'instant, mais il se pourrait que la hiérarchie change.

-En effet, si vous survivez jusque-là. La guerre ne nous épargnera pas tous."

Les mers d'un autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant