*Un pouvoir destructeur*

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Bolt regardait au loin les îles qui se dessinaient à l'horizon. Ces derniers jours avaient été mouvementés. Deux batailles en l'espace de quelques jours avaient éclaté en mer, opposant des navires anglais contre deux frégates espagnoles. Bolt s'était préparé au combat. Bien que sa boule au ventre lui donnait la nausée, il avait essayé de faire bonne figure devant son père. Seulement, à peine avait-il sorti son sabre qu'une gigantesque vague de plusieurs mètres de haut s'était élevée vers le ciel et avait frappé de plein fouet le premier navire ennemi le noyant du premier coup. Bolt se souvenait encore du craquement des blanches, du mat en bois qui se brisait sous le poids titanesque de l'eau. Même les hurlement des hommes apeurés s'était fait entendre de loin. Le deuxième bateau quant à lui avait été trainé sur plusieurs mètres, se faisant arracher les lattes de la coque. Il commençait lentement à sombrer lorsque Morgan Deker, n'ayant pas résisté au plaisir de couler un navire, avaient sorti une centaine de canons et l'avait pulvérisé sans état d'âme.

Bolt, après la bataille, avait appris que ces navires n'étaient que de passage et ne montrait aucune volonté d'entrer en guerre, le drapeau blanc avait été levé bien à l'avance mais son père n'en avait eu que faire. Il avait voulu voir la puissance du dieu des mers, et l'avait appelé. Et il avait été satisfait de ce spectacle. Il avait même lâché d'une voix enjouée " ce bâtard n'aura aucune chance, même la fuite ne le sauvera pas".
Le capitaine Bolt était heureux de se retrouver du coté des vainqueurs, mais il ne pouvait s'empêcher de sentir qu'il agissait contre sa morale. Cette dernière lui interdisait bien des choses, et attaquer un navire sans raison valable en faisait partie. Vouloir maîtriser des pirates sanguinaires était une raison valable, mais tuer des marins pacifistes simplement pour observer l'étendue des pouvoirs du dieu n'en était pas une. Cependant, il se trouvera obligé de garder cela pour lui, préférant éviter une déferlante de coups.

Son éducation et sa morale allaient toujours à l'encontre de son père, son précepteur étant un philosophe et mathématicien très éclairé. Il lui avait apporté la capacité de réfléchir à ses actes, la notion de justice et d'autres qualités importantes pour vivre en société, tels que l'importance de la paix et de l'ouverture sur le monde, le respect de toutes vies et bien d'autres préceptes qui allaient malheureusement à l'encontre des idées de Morgan et ces hommes amoureux de la guerre. Il lui avait appris à respecter les femmes et à les protéger de tout hommes violents car elles étaient nos égaux.Fernando Gracian avait certainement raison sur toute la ligne. Mais le commodore et ses amis se chargèrent de son cas.

Ils avaient mis le feu à son atelier, éliminant toute trace de lui avant de l'éliminer. Par chance Bolt avait gardé nombre de ses livres et parchemins qu'il conservait dans sa chambre derrière une tapisserie au cas où tout ce savoir servirait un jour...

Mais encore une fois il garderait tout pour lui. Son père serait capable de le mettre aux fers pour avoir gardé tous ces "sottises" à l'encontre de ses ordres.

-Capitaine, votre père vous appelle.

Bolt se détacha tristement du paysage et suivit le garde jusqu'au bureau de son père. Il quitta le Santa-Victoria, embarquant sur le Reinar. Les trois navires espagnols avaient jetés l'ancre la veille et tous les bâtiments, pour des questions de sécurité, étaient reliés par des passerelles. Du moins c'était la raison officielle même si le capitaine se doutait bien que son père désirait avoir la main-mise sur les trois équipages et surveiller leurs moindres faits et gestes.

Une fois devant la porte du bureau de son père, il déglutit. Ravalant tant bien que mal la peur qui lui obstruait la gorge, il toqua. Avant que son poing ne tape une troisième fois, une voix grave se fit entendre derrière la porte. D'une main tremblante Bolt tourna la poignée. Avec délicatesse il la referma et s'approcha du bureau de son père; au garde-à-vous, il attendit l'autorisation de s'assoir.

Le capitaine observa le bureau encombré de bouteilles de rhum.

Mieux valait éviter de le contrarier ce soir.

Il sentit le regard froid du paternel observer chacune de ses réactions, semblable à des aiguilles qui transparçait sa peau: ses mains tremblantes et moites, ses talons qui se surélevaient légèrement sous l'inquiétude et son imperceptible balancement du corps.

-Que penses-tu de mes nouveaux pouvoirs ? Demanda le commodore.

"Vous n'avez aucun pouvoir" c'était ce qu'il aurait voulu lui répondre, mais il savait que cela le conduirait certainement aux geôles, voir pire.

-J-je...

-Arrête de bégayer ! Soit un homme bon sang !

Il lui jeta une bouteille vide que Bolt esquiva de peu.

-Impressionnant... Tout bonnement impressionnant.Trembla-t-il.

-Ha !

Il but une gorgée de rhum et s'essuya la bouche du revers de son costume bleu.

-Ce bâtard n'aura aucune chance.

-Ne pensez-vous pas que Valerens Eneas...

Morgan se leva en tapant sa table du poing, faisant sursauter Bolt.

-Je t'ai déjà dit de ne plus appeler ce fils de chienne par son prénom !

-P-Pardonnez- moi père.

Le capitaine se mit à genoux et ferma les yeux. Son cœur battait à tout rompre. Saoul Morgan était encore plus terrifiant.

-Si je t'entends encore une fois prononcer ce prénom di mierda je te trancherai la langue !

-O-oui père...

Morgan se rassit lentement sans quitter son fils des yeux. Il maudissait les dieux d'avoir donné toutes les qualités à son bâtard et d'avoir laissé les restes à cet incapable.

-Quand je le tuerais je veux que tu t'occupes de la clef. Si elle montre une quelconque résistance à t'obéir fait en sorte que ça ne se reproduise plus. Bats-la s'il le faut, coupe lui les doigts ou les oreilles, mais je ne veux pas de rebelles sur mon navire. Est-ce bien clair ?

Il planta son regard émeraude dans celui de Bolt, jugeant chacune de ses réactions.

-À vos ordres commodore.

-Maintenant fiche le camp ! On va bientôt reprendre notre chasse.

Il se releva et salua son père, attendit un moment avant de lui tourner le dos et sortit du bureau.

Une fois dehors il lâcha un long soupire. Une larme coula sur sa joue. Il se détestait de lui obéir comme cela mais même vieillissant, son père le terrorisait. D'une marche tremblante et peu sûre il retourna sur son navire. Quand les passerelles furent retirées, il se sentit enfin en sécurité. Il décida de prendre la barre afin de penser à autre chose, mais les questions ne cessaient de tourner en rond dans son esprit. Il repensait aussi à Valerens et à ce regard aussi froid que celui de son père, néanmoins, bien qu'il soit un pirate et un homme cruel, il semblait plus humain que Morgan. Des fois, dans la nuit, il s'imaginait aux côtés de son frère et non son père pour combattte. Peut-être serait-ce mieux....

Bolt se mordit soudainement la langue à se faire saigner.

-Il mérite la mort pas ta pitié ! Tu es du côté des justes! La paix ne sera que lorsque tu auras éradiqué ce maudit pirate ! Ce bâtard doit mourir !

Il dégagea rapidement ces pensées néfastes et inutiles, cracha un mollard de sang et se replongea dans sa tâche.

Les mers d'un autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant