14 - Monsieur Hyde - Partie 1

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― "Et les graines semées par le vent, fendent les intempéries et le temps..."

Ferguson aimait particulièrement cette phrase d'un poème écrit par sa femme, belle image de l'amour qui les liait depuis quatre ans. Jamais il n'avait à ce point aimé une femme et il se réjouissait chaque jour du bonheur de partager l'existence de ce monde à ses côtés et se demandait encore par qu'elle chance leurs destins s'étaient croisés.

Il referma le petit recueil de poèmes de cuir rouge. Un cadeaux d'anniversaire fait deux ans auparavant, par Alexandra. Elle avait écrit, des semaines durant, tous les poèmes qu'il composait et les avaient fait imprimer sur ce tout petit format in 18. Une bonne idée car sa petite taille était bien pratique à glisser dans une poche sans la déformer. Dès lors, Camille Ferguson l'emmenait partout avec lui et se plaisait à en lire quelques vers au gré de ses pensées, perdurant ainsi le lien invisible qui l'unissait à son épouse. Ne manquait à leur bonheur commun qu'un enfant que la nature paraissait vouloir, pour l'heure, leur refuser. Ce n'était pourtant pas faute de répondre au devoir conjugal de façon constante et pleine d'ardeur. Mais les caprices de la physiologie humaine dépassaient ses compétences, bien que des confrères leur avaient assuré à tout deux qu'ils étaient en pleine santé et apte à la procréation. Camille et Alexandra vivaient donc dans l'attente constante de l'heureuse nouvelle, se faisant également à l'idée qu'il existait des couples qui ne pouvait pas fonder de famille sans être malheureux pour autant. Aussi, prenaient-ils soin de faire, chaque journée, une place au soleil et à la tendresse.

Rangeant le petit livret dans sa proche, il se redressa et se demanda quel cadeau il allait bien pouvoir lui faire pour son anniversaire. Il ne souhaitait pas la couvrir d'une nouvelle parure de bijoux qui la comblerait, sans nul doute, mais ne répondrait pas à son propre souhait de lui trouver un présent plus intime, gage de son indéfectible amour pour elle.

Il sourit.

Delhumeau, de son exécrable personnalité, avait toujours eu la faculté de trouver ce genre d'idée et il se promit, en dénouant les muscles de son dos, de lui en toucher deux mots.

Mais pour l'heure, il attendait patiemment en haut des escaliers de service, au quatrième étage coupé par ce curieux mur, qu'Alice vienne le chercher. C'était que tout homme convenable qu'il fut, la discrétion était de mise. Il avait donc pénétré le Regency Hotel par la petite porte.

Comme le majordome et la petite bonne, qui avait fait sa réapparition, travaillaient en compagnie d'Alice, ils devaient patienter tous deux que l'occasion leur soit donnée de se retrouver dans l'officine.

Il allait soupirer en voyant le cadran de sa montre afficher 18h23 quand, au niveau inférieur, la porte de l'escalier s'ouvrit. Jetant un coup d'œil discret, il vit les formes avantageuses d'une petite rousse qui n'étaient pas sans lui rappeler miss McFear dans sa façon de se déhancher.

Quelques instant plus tard, la porte se rouvrit et le visage d'Alice en émergea, le cherchant du regard. En quelques enjambées, prenant garde de ne faire trop de bruit, il la rejoignit et, silencieusement, ils parvinrent jusqu'à la lingerie.

―Désolée de vous avoir faire attendre, mon colonel, dit-elle d'une ton martial, amusant. Mais je devais attendre que Jane parte pour les cuisines s'occuper de la commande du numéro 33 et, malgré la complicité de Windford, j'ai préféré attendre qu'il s'absente pour son rapport de la journée.

― J'ai connu plus grande attente. Une fois, Delhumeau et moi avons voyagé dans une malle-poste de Londres à Plymouth. Les plus longues heures de ma vie.

― La malle était inconfortable.

― Nullement ! Mais je la partageais avec Henry.

― Oh !

66 Exeter Street, Tome 1 : Le secret de la chambre 36 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant