6. Intrusion - Partie 1

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Le bâtiment qui servait de morgue n'était pas, à juste titre, des plus accueillant. Cet immeuble de briques rouges qui servait la plupart du temps de mouroir, était l'antichambre de la mort. Tout ceux qui y étaient envoyés savaient alors leurs jours comptés. Ils parvenaient aux étages avec la certitude qu'ils finiraient dans les sous-sols. Longeant la tamise, les relents de la mer accompagnaient le criaillement strident des goélands argentés et des mouettes rieuses.

Ferguson consultât sa montre à gousset qui affichait presque onze heure. Son ventre se mit à gargouiller tandis qu'il fulminait contre Delhumeau qui l'avait abandonné à peine descendu du fiacre. Il lui avait quémandé quelques minutes de son temps pour effectuer une course. Course dont il était exclu et qui le mettait maintenant dans l'attente. Il se passa bien quinze minutes avant que Ferguson ne voit revenir son ami, débouchant d'une rue passante où un marché battait son plein. Le pas alerte, le Français arborait un sourire qui n'était pas pour lui déplaire, mais lui faisait augurer quelques mauvais tours.

― Que diable faisiez vous, Delhumeau ?

― Une envie pressante. Tenez un fish and chips. Il est l'heure de votre en-cas.

― En-cas ?

― Je sais qu'Alexandra vous a mis au régime et, à cette heure, vous avez toujours un petit creux. Alors ?

Delhumeau nargua Ferguson d'un cône de papier d'où émergeait quelques pommes frites et un morceau de poisson pané. L'odeur de friture était écœurante et appétissante à la fois. Ferguson étant d'une nature plus que gourmande, il soupira d'abdiquer si facilement et attrapa le met. Delhumeau sourit prenant au passage une pomme frite.

― Et par qu'elle déduction en êtes vous venu que j'étais au régime ?

― Aucune. C'est Alexandra qui me l'a dit, répondit nonchalamment Delhumeau, en passant sous le porche.

― Comment ? Vous vous introduisez dans ma demeure en mon absence pour rendre visite à mon épouse ?

― Alexandra n'est elle pas mon amie ? Ai-je besoin de votre permission pour venir lui rendre mes hommages ?

Ferguson montra un regard dur et froid.

― Oui !

― Il va véritablement falloir que vous fassiez abstraction de cette jalousie latente, Fergus. Avec votre gourmandise, c'est là votre pire défaut.

Ferguson engouffra une portion dans sa bouche ne voulant pas répondre à cette diatribe bien sentie. Il se moquait bien de sa gourmandise, mais était bien plus déstabilisé, voir outré de ce deuxième défaut qui lui faisait horreur, mais dont il ne parvenait pas à se débarrasser totalement.

― N'avez vous jamais était jaloux, Delhumeau ?

― Je pense surtout n'avoir jamais était assez amoureux pour cela, mon ami.

Delhumeau épousseta un petit débris de poisson venu s'accrocher sur la veste du docteur avec une délicatesse amicale.

― Vous ne direz rien de ceci à Alexandra ? demanda Ferguson en montrant le cône déjà presque vidé de son contenu.

― Bien sûr que non, s'exclama Delhumeau en tournant les talons.

Ferguson secoua la tête, peu convaincu.

― Crapule !

Delhumeau et Ferguson étaient habitués des lieux pour s'y rendre de façon hebdomadaire depuis quatre ans. C'est ici qu'était mit au placard les malheureux repêchés dans la Tamise ; les cadavres de rues, inconnus et entrés aussi anonymement qu'ils en sortiraient.

66 Exeter Street, Tome 1 : Le secret de la chambre 36 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant