1 - Exter street - Partie 2

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Dès le lendemain, Alice s'installait enfin dans son nouveau logis. Par bonheur, elle venait de trouver un petit travail supplémentaire. Quelques heures à effectuer derrière le comptoir d'un pub du quartier, qui lui apporteraient la rente nécessaire aux nouveaux frais de location. Son emménagement ne prit pas plus de quinze minutes aux déménageurs, ses effets personnels n'étant composés que d'une unique étagère, de six caisses pleines de livres, d'une autre comportant du linge de maison ainsi que de deux malles contenant ses robes et autres effets sauvé de la ruine familiale et une troisième contenant des chutes de tissu récupéré chez son ancien employeur, avec sa bonne grâce, qui lui permettrait de confectionner des rideaux. Enfin une coiffeuse finement ouvragé à la mode slave. C'était le seul reliquat qui lui restait de sa mère, aristocrate russe de naissance, avec le pendentif représentant une icône orthodoxe qui ne la quittait jamais et qu'Alice triturait chaque fois qu'il lui arrivait d'être nerveuse. La jeune femme avait hérité de ses robes, fort jolies, qui auraient pu être mise aux goûts du jour. Mais cela... Alice ne l'avait pas souhaité et avait tout donné aux bonnes œuvres. C'était trop de souvenirs, trop de mauvais moments que son parfum n'aurait fait que raviver.

La jeune passa le reste de son après-midi à rendre chaleureux son intérieur : poser quelques tableaux qui la faisaient voyager, ranger ses vêtements dans la penderie de la chambre, faire le lit et, le plus important de tout, mettre de l'ordre dans ses livres, en les plaçant sur les étagères. Alice constata que pour le coup, il y avait cette fois trop de place. Nécessité donc de s'instruire encore plus pour combler les espaces vides, décida-t-elle.

Quand elle eut fini, le visage rouge de tant d'effort, Mrs McFear eut la bonne idée de venir lui rendre visite, avec un plateau de thé et quelques gâteaux faits maison. L'occasion, certainement, pour elle de constater que l'intérieur avait été aménagé sans excentricité. Et elle ne fut manifestement pas déçue, ne tarissant pas d'éloges sur sa façon de ranger et la sobriété, toute féminine - et le manque évident de meuble - de son installation. La jeune femme en fut ravie et se combla d'un sentiment de sécurité qu'elle n'avait pas ressentit depuis bien longtemps. Le cœur léger, elle conversa avec sa logeuse, profitant agréablement de sa compagnie. Mais quant vint l'heure du coucher, Alice Appletown ne put s'empêcher de regarder nerveusement par la fenêtre cherchant, dans l'obscurité la silhouette de son père, et ses peurs resurgirent.

Alice se redressa dans son lit, en sueur. Elle n'aimait pas ces réveils intempestifs qui coupaient ses nuits. Mais cette fois, au lieu de ses cauchemars coutumiers, c'était un bruit sourd qui l'avait extirpée de son sommeil. Elle se leva et tendit l'oreille. Au troisième coup elle fut certaine qu'ils venaient de l'étage d'en dessous. N'étant pas effrayée, contestataire de nature, aux dires de son ancien employeur, Alice s'habilla vite fait d'une lourde robe de chambre pourpre et descendit les escaliers, histoire de rappeler certaines civilités à l'indélicat personnage. Lampe à alcool en main, elle frappa à la porte de son voisin du dessous, bien qu'elle n'entende plus aucun bruit. Mais immédiatement, dans un fracas de verre et un pas lourd, la porte s'ouvrit à la volée sur monsieur Delhumeau, la chemise entrouverte et portant toujours son pantalon de jour. Il était certain qu'il ne dormait pas.

― Qu'est-ce que c'est ?

Alice en resta tremblante. A la lueur diffuse de sa lampe, le visage de l'homme était encore plus troublant, lui prodiguant une bouffée de chaleur qui lui coupa son effet.

― Monsieur ! Puis-je connaître l'origine de ce bruit ? parvint-elle à formuler.

― Bruit ? Quel bruit ? Je n'entends rien.

L'homme tendit l'oreille puis mima l'incompréhension.

— Non vraiment, aucun bruit.

― Ne me prenez pas pour une idiote. Par trois fois, j'ai entendu des coups et ils venaient clairement de chez vous !

66 Exeter Street, Tome 1 : Le secret de la chambre 36 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant