EPILOGUE - LA NUIT DE NOEL - Partie 2

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La table était subtilement décorée. Les verres ourlés de cordons d'or et peints à la main étaient sortis exceptionnellement pour l'occasion. Ainsi que la porcelaine et les couverts en argent et une nappe de dentelle où reposait deux couronnes de gui surmontées de bougie, les faisant resplendir. Chacun sentait l'esprit de Noël l'envahir.

Le repas lui-même était un délice pour les papilles qui s'éveillaient de ces nouvelles saveurs. Le labeur de Doraleen méritait les applaudissements que tous lui prodiguaient, la félicitant de ses cailles farcies aux truffes. Elle rougit, mais bien moins que sa robe de taffetas d'un rouge carmin qui invitait à la passion, sa taille affinée et sa poitrine la faisant courbes voluptueuses. Elle embrassa son père sur la joue qui lui avait glissé en toute discrétion quelques mots gentils.

Alice vivait enfin le Noël dont elle avait toujours rêvé. Celui où aucune ombre ne viendrait éteindre les étoiles dans ses yeux. Ce fut le moment que choisit Henry Delhumeau pour mettre sa pagaille coutumière.

Assis près de Ferguson, ils s'échangèrent un regard de connivence et le français repéra sa proie pour ce Noël 1887. M. Berger était si belliqueux.

Il renifla en mangeant son dernier morceau de caille et entama les hostilités.

— M. Berger...

— M. Delhumeau, fit l'intéressé qui reposait ses couverts avec lenteur.

— Il me semble qu'en ces fêtes de Noël, votre attitude et des plus outrageante...

— Plaît-il ?

— Monsieur Delhumeau ! Vous n'allez pas recommencer, s'interposa Tiphany Ratchett, une femme replète qui portait sur son visage la fermeté des dames à la morale bien faite.

— Que voulez-vous dire ?

— Chaque année, c'est la même chose.

— Chérie, tenta de calmer, Mr. Ratchett.

— Non, James ! Chaque année, il gâche le repas de Noël en insultant de façon éhontée un convive de la table.

Delhumeau ouvrit grand la bouche. D'un raclement de gorge de Ferguson, son fiel fut ravalé et il sourit de la plus charmante des façons. Tous les convives à tables semblaient désormais attentifs à ce qu'il se disait.

— Oui, c'est vrai et je tenais à m'en excuser.

— Vraiment ?

— Je trouve d'ailleurs, Mrs Ratchett, que vous avez particulièrement soigné votre toilette pour ce réveillon.

— Une critique, s'offensa-t-elle, prête à en découdre.

— Oh non. Un vrai compliment. Cette robe met en valeur votre taille. D'ailleurs, n'avez-vous pas perdu un peu de poids ? Je vous trouve en tout cas belle mine.

Ne sachant que dire devant de tels compliments, n'en étant pas coutumière, elle se renfrogna sur son fauteuil, le pourpre aux joues.

— Eh bien... C'est fort aimable de votre part, monsieur Delhumeau.

— Aucune amabilité, juste le regard d'un homme à qui aucun détail n'échappe, surtout les plus agréables.

Mrs Ratchett gloussa, visiblement sous le charme du français et considéra amoureusement son époux qui n'était pas sûr de comprendre ce qu'il se tramait dans l'esprit de son épouse.

— Mais reprenons, car je voulais justement en venir à la qualité de nos convives... de nos dames qui nous accompagnent à cette table, toutes plus belles et radieuses. Buvons messieurs, à leur santé et remercions les d'être un régal pour nos yeux, autant que ce repas.

66 Exeter Street, Tome 1 : Le secret de la chambre 36 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant