15 - Difficile réveil - Partie 1

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Les pieds dans les débris de porcelaine, l'esprit de Ferguson était dans le même état, perdu en conjonctures entre son amitié et l'honneur qui était une vertu primant sur toute les autres. Que faire de Henry ? Comment excuser son geste ? La violence de l'acte n'était pas à négliger, aussi exceptionnelle était-elle chez le français. Mais il peinait à voir son meilleur ami derrière les barreaux, se refusant même à voir Doraleen comme accusatrice. Quoiqu'il puisse advenir, ce ne serait ni bon pour l'un comme pour l'autre, leurs rapports étant déjà tendus.

Plongé dans ces circonvolutions d'oiseaux de malheur, il remonta les escaliers, songeant qu'à cette heure, Alexandra était déjà couchée. Il se félicita d'avoir pensé à lui faire envoyer un billet par un garçon en échange d'une pièce. De quoi gagner un dîner. Il en venait presque à maudire Delhumeau de le priver de la présence de sa femme, l'astreignant encore à rester à ses côtés malgré son état. Inconscient sur le divan, il dormait comme un bébé, son visage apaisé bien que marqué des griffures de Doraleen qui n'avait pas manquer de se débattre avec force. Une face encore invisible de la jeune femme qui se cachait derrière cette nature affriolante.

— Mrs McFear ne sera pas contente en voyant son beau vase à terre, déclama la voix ensommeillée d'Alice dans son dos.

Tout à sa contemplation de Delhumeau, Ferguson en resta stoïque, quelque chose dans la voix de la jeune femme l'incita à la laisser exprimer ses craintes.

—Je suis vraiment navrée de l'avoir frappé avec. Mais le voir de cette façon, sur elle, le visage fou de colère...

Sa voix mourut et son regard se perdit dans de lointains souvenirs douloureux. Ferguson ne manqua pas de d'apercevoir la soudaine mélancolie de la jeune femme et de s'en interroger en dévisageant les traits tirés d'Alice.

— Ne vous inquiétez pas, Alice. Il en a vu d'autre ! Vous ne l'avez pas raté, il va avoir une de ces bosses demain, mais votre geste était le bon.

Alice sembla revenir à elle et lança un regard désolé à Delhumeau.

— Je crois que j'y ai mis toute ma force. Mais peut-être était-ce trop... Enfin, il n'y avait rien de mieux à faire à par l'assommer.

— Oui. Bon sang ! Qu'est-ce qui a bien pu se passer ?

Se faisant, Ferguson s'approcha à nouveau de l'établi ou régnait un ordre méticuleux, propre à tout scientifique qui se respecte. Une dissemblance avec le reste de la pièce principale, capharnaüm qui répondait à un code de logique qui lui restait impénétrable. Parmi les éprouvettes placées sur un portoir en bois brute, il prit entre ses doigts le tube incriminé et le porta à bonne distance de son nez tout en respirant les dernières effluves.

— Prenez garde. Si jamais cela était la cause de...

— Ne vous inquiétez pas, Alice. Je ne prends jamais de risque inconsidéré au contraire de notre ami, fit le docteur examinant de plus prêt le fond et son contenu par le dessous.

— C'est bien la poussière que vous avez ramener de l'officine.

— Magnifique résultat ! Autant que les cafards.

A cette pensée, la jeune femme frissonna, quelques brides de souvenirs de ce soir-là lui étaient revenus en cauchemars. Elle aurait préféré rester ignorante et que ces réminiscences ne se fassent jamais, mais force était de constater que son esprit était plus fort ou plus sournois et combattait l'oubli.

Ferguson lui sourit aimablement, en posant son chapeau qu'il n'avait jusque-là pas quitté, le jetant négligemment sur un fauteuil, près d'un Delhumeau toujours au royaume des songes.

66 Exeter Street, Tome 1 : Le secret de la chambre 36 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant