2 - Tea Time - Partie 2

1K 136 23
                                    

En milieu d'après-midi, Alice n'avait rien prévu, si ce n'était peut-être une envie de profiter de cette belle journée de début d'août. Une petite balade le long de la Tamise lui ferait le plus grand bien et qui savait si elle ne ferait pas la connaissance d'un charmant monsieur. A cette pensée, Alice se maudit elle-même. En guise de charmant monsieur, elle n'avait de nom que celui du docteur Ferguson et de visage, monsieur Delhumeau, qu'elle reconnaissait charismatique. Une pensée qu'elle jugeait inconséquente et fâcheuse. Son voisin était des plus exaspérants et le docteur lui semblait insaisissable. Séduisants, ils étaient de beaux miroirs aux alouettes et Alice se demanda si son cœur ne s'enivrait pas trop de romans à l'eau de rose, la guidant dans des atermoiements futiles.

Alors qu'elle était toute à ses réflexions, on frappa à sa porte. Alice déposa son livre, qui n'avait pas avancé d'une page dans la dernière demi-heure, pour ouvrir la porte sur le personnage captivant de monsieur Delhumeau. Il était aussi échevelé que de coutume et arborait une tenue du dimanche des plus négligées, portant un simple pantalon et une chemise à demi sortie et boutonnée en menteuse. Pourquoi le trouvait-elle si agaçant et désespérément attirant à la fois ?

― Miss Appletown. Je prenais le thé avec mon ami Ferguson, dont vous avez fait la connaissance et qui ne manque pas de vous rappeler à mes bons souvenirs. Aussi, me suis-je dit que vous accepteriez peut-être de partager quelques instants avec nous ? Mais si vous ne le souhaitez pas...

Il fit mine de partir, une tactique simple et efficace chez toutes personnes.

― Attendez. Ce sera avec plaisir, monsieur Delhumeau.

Alice se rudoya intérieurement de céder si facilement à ses caprices.

― A la bonne heure.

― Escomptez-vous faire de moi l'objet de vos réflexions ? Le docteur Ferguson m'a mise en garde contre votre curiosité, interrogea Alice.

Elle en fut pour ses frais.

― Je n'y manquerai pas !

― Dans ce cas laissez-moi quelques instants, le temps de me refaire une beauté, et je descends vous rejoindre.

― Y a-t-il seulement quelque chose à embellir sur cette perfection ?

Les mots et la voix particulièrement suave de monsieur Delhumeau firent rougir Alice, plus que les remarques scandaleuses de certains habitués du pub. D'autant que cette gentillesse ne lui était pas habituelle. Jouait-il un jeu ou montrait-il une autre facette de son caractère, plus agréable, cette fois ?

La jeune femme l'observa descendre les escaliers comme si de rien n'était, les mains dans le dos. Puis elle se ressaisit. Elle entra dans les appartements de monsieur Delhumeau après s'être assurée que ses cheveux rebelles n'avaient pas encore fait des leurs et s'être poudré le visage.

Les appartements de son voisin étaient semblables en surface aux siens, à ceci près que les boiseries de teinte sombre et les murs rouges oppressaient la pièce principale qui suffoquait d'une chaleur difficilement supportable. Et vu l'odeur, Alice se demanda s'il lui arrivait d'ouvrir les fenêtres pour aérer autrement que quand Mrs McFear s'en chargeait. Et que dire du bric-à-brac qui avait pris ses quartiers dans ce sanctuaire de la solitude ? Si Alice s'agrémentait de sa collection de livres, celle de monsieur Delhumeau titillait sa jalousie. Il y avait tant de livres, compressés, entassés les uns sur les autres, à la verticale ou à l'horizontale sur les étagères que les laissés pour compte avaient été posés sur des tables ou empilés sur le sol sans autre forme de classement que leur taille. La vitrine comportait toutes sortes d'objets en bois, laiton et cuivre dont elle n'aurait su dire à quoi ils pouvaient bien servir. Un ensemble de choses tout à fait en accord avec son appétit de connaissance. Elle s'étonna toutefois que ce qui paraissait être un joyeux capharnaüm, fut en fait si bien rangé.

66 Exeter Street, Tome 1 : Le secret de la chambre 36 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant