Prologue

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La mort était un concept qui m'était étranger auparavant, je savais qu'elle était présente mais je ne l'avais jamais vécue réellement. Mamie Rosa faisait partie de ces personnes qui ne se laissaient pas marcher dessus et qui pendant ses derniers jours a attendu la mort avec un calme olympien. Immigrée qui a connu les affres d'un régime dictatorial, elle a su affronter avec dignité sa condition d'etrangère dans un pays où ceux qui sont comme elles étaient persécutés.

Le coeur lourd, les lèvres tremblantes je serrais les poings en écoutant le sermon du prêtre. Sam, affligé de me voir ainsi, prit ma main dans les siennes. Je baissai la tête vers lui et lui murmurai un merci qui avait le mérite de lui arracher un sourire en un moment aussi funeste. L'atmosphère sombre de la paroisse ajoutait au côté tragique de ce jour. Le regard perdu sur le cercueil où ma grand-mère semblait être en profond sommeil, je prenais conscience que je venais réellement de la perdre. L'une de mes seuls alliés dans ce monde m'abandonne. Qu'est ce que j'allais devenir sans elle.

La cérémonie se passa lentement et je dus faire un effort pour garder mon calme et ne pas exploser en sanglot. D'autre part, les cris déchirants de Tante Adélaïde me forçaient à garder un minimum de dignité parce Mamie Rosa a toujours dit qu'on n'avait pas le droit d'étaler ses sentiments au grand public même si ça n'allait pas. Toujours être forte. Ce sont grâce à ces mots que j'ai réussi à faire oublier l'image de l'ado rebelle que j'étais pour devenir une femme indépendante et forte. Mais c'était très dur d'empêcher les larmes de couler. J'avais l'impression qu'un trou béant s'est formé dans ma poitrine. Elle est vraiment morte! Cette énième constatation me fit oublier toutes mes résolutions et je fondis en larme comme une gamine.

Après la cérémonie et la mise en terre, la famille se réunit au grand complet dans la propriété de grand-mère qui jouxtait une auberge fondée par elle et grand-père. Le notaire devait nous faire la lecture du testament et Bobby( mon grand frère) voulaient que je sois présente. Personnellement, je voulais juste me terrer dans ma chambre avec Sam blotti dans mes bras et nous soutenir mutuellement. Mon fils, était le seul être capable de me calmer dans ces moments-là. C'était mon repère. D'ailleurs je ne voyais même pas ce que je ferais là-bas au milieu de ma famille. Je me sentirais de trop.

- Tu sais très bien que tu as toujours été la préférée de Mamie Rosa, ce serait le comble si tu n'es pas mentionné dans le testament, argumenta t-il face à ma réticence.

Mamie Rosa n'avait pas de préféré à proprement parler mais j'adorais répéter cela petite et Bobby utilisait sans scrupule aucune cet argument face à moi.

- Bon d'accord puisque tu insistes.

Voilà pourquoi je me retrouvais reléguée dans un coin du bureau de grand-mère tuant le temps en regardant par la fenêtre. En lâchant un soupir d'exaspération, je reçus un regard noir de ma mère, engoncée dans son tailleur noir.

Mes parents discutaient tranquillement sans me prêter attention, le fait que j'ai renié les traditions familiales en me comportant comme une vraie américaine les affligeait mais je n'y pouvais rien. Je vivais et j'avais grandi ici, j'avais des amis américains alors ils s'attendaient à quoi. Ma mère était née à Haïti et a immigré aux USA avec ses parents alors qu'elle n'était qu'une gamine. Mon père lui est né ici mais ça ne l'empéchait pas de garder une certaine attache pour cette terre de liberté.

Je ne reniait pas nos traditions mais je n'arrivais pas à m'en imprégner comme l'a fait Bobby qui passait presque toutes ses vacances à Haïti depuis longtemps. Ses pupilles brillaient d'une flamme étrange quand il parlait de là-bas. Je mettrais ma main à couper qu'il y avait une femme qui se cachait dessous.

Alors que je tergiversais sur les potentielles relations amoureuses de mon frère, j'entendis mon nom dans la bouche du notaire. Je levai la tête surprise, et vis que tous les regards étaient braqués sur moi. Je détestais être le centre d'attention.

- Qu'est ce que je t'avais dit? s'exclama mon frère en me faisant un clin d'œil.

Je lui lançai un regard rempli d'incompréhension me demandant ce qui se passait.

- Qu'est-ce qui se passe ? Demandai je en haussant les sourcils, intriguée.

- Tu es la nouvelle patronne.

RasinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant